Dorothée Nganiza Masirika, récemment évincée de ses fonctions de Ministre Provinciale des Finances, de l’Économie, de l’Industrie, du Commerce, de l’Entrepreneuriat et de la Fonction Publique du Sud-Kivu, a exprimé une réaction détaillée et critique face à l’arrêté provincial du 9 septembre 2024 du Gouverneur Jean-Jacques Purusi qui a marqué sa révocation. Dans une déclaration riche en détails, Madame Dorothée Masirika a non seulement pris acte de la décision mais a aussi contesté et rejeté vigoureusement les accusations et les griefs portés contre elle, tout en appelant à une évaluation objective de sa gestion.
Surprise
Dans ce document de plusieurs pages consulté par La Prunelle RDC, Dorothée Nganiza annonce d’abord avoir été surprise par cette révocation alors que jusque la veille, elle et le Gouverneur accueillaient, avec sourire, le ministre national du budget dans les enceintes du Gouvernorat.
Elle dit donc avoir lu comme tout le monde l’arrêté sur la toile alors qu’elle était en plein service au cabinet.
« J’ose croire que l’on ne traite pas son collaborateur de la sorte, encore qu’aucun malentendu n’existait entre nous à ma connaissance. Nous avions même reçu ensemble le Ministre d’Etat du Budget à votre cabinet en date du 10 septembre 2024, me présentant comme votre Ministre des Finances pendant que j’étais déjà révoquée depuis la veille ».
Elle fait par ailleurs remarquer que ledit arrêté ne vient de lui être notifié que ce vendredi 13 septembre 2024 à 10 heures 25 pendant la cérémonie de remise et reprise.
Des irrégularités dans l’arrêté
Dans la correspondance jointe au document de réponse adressée au Gouverneur, Dorothée Nganiza Masirika révèle que la lettre portant sa notification désigne Monsieur Muhindo Bernard comme mon remplaçant alors que la lettre N°085 du Secrétaire Exécutif désigne Monsieur le Ministre Provincial en charge du Plan, Budget et Promotion des Investissements comme l’Intérimaire au Ministère Provincial des Finances, Economie, Industrie, Commerce, Entrepreneuriat et Fonction Publique.
« Quel imbroglio? Quelle motivation se trouve derrière tous ces dysfonctionnements ? » s’interroge-t-elle.
Par ailleurs, note Nganiza, l’arrêté la révoquant de ses fonctions n’a pas fait mention du portefeuille des Finances qu’elle dirigeait également.
« L’article 1 de l’Arrêté stipule: ‘ Est relevée de ses fonctions de Ministre Provinciale de l’Economie, de l’Industrie, du Commerce, de l’Entrepreneuriat et de la Fonction Publique, Madame MASIRIKA NGANIZA Dorothée’. Puis-je considérer que je reste Ministre Provinciale en charge des Finances ? Ce portefeuille n’ayant pas été cité parmi ceux relevés. Excellence, pour votre honneur, il serait impérieux de prendre un acte qui corrige toutes ces irrégularités ».
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Pour éclairer l’opinion par rapport au fond, Dorothée Nganiza évoque point par point les accusations portées contre elle par l’arrêté du Gouverneur Purusi.
- La suspension du Chef de Division de l’EPMEA sans avoir informé au préalable ma hiérarchie
Dorothée Nganiza rappelle que l’arrêté portant suspension du Chef de Division de l’EPMEA a été pris par l’Autorité provinciale, après plusieurs dénonciations des faits de malversation financière dans son secteur portant sur le détournement de plusieurs millions de francs congolais. Il s’agit de l’Arrêté Provincial N°24 du 05 août 2024 portant suspension préventive du Chef de Division Provinciale de l’Entrepreneuriat, Petites et Moyennes Entreprises et Artisanat.
« L’arrêté stipule que c’est sur proposition de la Ministre sectorielle que j’étais, ce qui est normal après tous les rapports reçus à la fois par mes prédécesseurs que par moi-même. L’arrêté provincial évoque également « Le conseil des ministres entendu », De tout ce qui précède, où est ma faute ? Je n’ai signé aucun arrêté suspendant le Chef de Division de l’EPMEA, c’est plutôt l’Autorité Provinciale qui l’a fait dans ses prérogatives. Et le conseil des Ministres était saisi comme l’arrêté le rappelle bien. S’il existe un arrêté que j’aurais signé dans ce sens qu’on me l’oppose. Toutefois, je reste convaincue qu’il était nécessaire de remettre de l’ordre dans ce secteur de l’EPMEA, car des rapports de mes prédécesseurs existent et l’intéressé avait même déjà été suspendu par le Vice-Gouverneur sortant par l’arrêté provincial n° 24/06/GP/SK du 21 février 2024 » dit-elle.
Pour la ministre révoquée, l’histoire retiendra que le même chef de division de l’EMPEA avait traduit la province en justice et que cette dernière avait gagné le procès.
- Sollicitation d’un prêt bancaire de 5.000.000$US, au nom de la Province
L’arrêté portant révocation de Dorothée Nganiza l’accuse entre autres d’avoir sollicité un prêt bancaire sans en informer l’autorité hiérarchique. Mais Nganiza est formelle : elle n’a jamais touché cet argent.
« Je suis prête et disposée à affronter la justice s’il est vrai que j’ai touché au montant évoqué dans l’arrêté mettant fin à mes fonctions. Quelle banque a donné ce crédit? Par quel moyen j’ai eu accès à cette somme d’argent? En quelle date cette prétendue somme a été retirée ? », s’interroge-t-elle.
Aujourd’hui, elle dit regretter que tout le monde pense qu’elle a détourné 5 millions de dollars américains.
«… ce mensonge fait le tour de la toile mais je mets encore une fois tout le monde au défi, le système bancaire étant informatisé et très solide, de retracer le mouvement de cet argent, il est entré dans quel compte et par quel moyen j’y ai eu accès. S’il est prouvé que j’ai détourné cet argent, je répondrai de mes actes devant les instances judiciaires de mon pays » fait-elle remarquer.
- Autorisation de la reprise des activités au profit de deux sociétés minières opérant à Fizi
L’autre accusation portée contre elle, c’est l’autorisation de la reprise des activités au profit de deux sociétés minières opérant à Fizi à la suite des « paiements insignifiants » dans les caisses de la Province. Une situation, qui, selon le Gouverneur court-circuite ainsi les compétences et les efforts du groupe d’experts ad hoc constitué à cet effet par le Gouvernement Provincial.
Par son Arrêté Provincial du 18 juillet 2024, le Gouverneur avait suspendu toutes les activités minières sur l’étendue de la Province du Sud- Kivu, dans le but d’y mettre de l’ordre et pour permettre que ces entreprises contribuent au développement de la Province.
Une commission ad-hoc (incluant certains membres du Gouvernement provincial, les députés provinciaux, la Division des Mines, le CAMI, le SAEMAPE, le CEEC, la société civile, la FEC et les mouvements citoyens) avait été constituée par la suite afin de trouver des compromis pour la reprise des activités progressivement.
« Il avait été décidé par les autorités provinciales qu’en attendant l’aboutissement des négociations, les sociétés minières paieraient entre 20.000$US et 30.000$US et les coopératives minières entre 1.000$ et 5.000$. Le Ministre Provincial en charge des Mines ayant été en déplacement pendant un moment, l’Autorité Provinciale m’avait donné le sceau de ce ministère m’instruisant d’assumer l’intérim de mon collègue qui était en dehors de la Province. C’est dans ce cadre que j’ai signé Par Ordre sur les actes autorisant certaines entreprises ayant préalablement payé comme indiqué et après avis de tous les acteurs impliqués, à reprendre les activités provisoirement », révèle-t-elle.
Pour Nganiza, ces autorisations provisoires délivrées aux opérateurs miniers ne mettaient pas fin aux négociations avec la Province, « elles autorisaient la reprise provisoire des activités en poursuivant les négociations. Cela était fait et continue à être fait pour tous les opérateurs; au su et vu de toute la commission ad-hoc ».
Elle met au défi le locataire de Nyamoma de mettre à la disposition du public les documents signés par elle dans ce cadre-là et qui sont en dehors de ses instructions.
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« Qui plus est, qui ignore que d’autres autorisations de reprise des activités étaient signées au profit des sociétés minières qui se sont conformées aux conditions prévues par l’autorité provinciale et sous la même procédure. Si j’ai signé une autorisation en dehors des instructions de l’autorité provinciale, que cela soit mis devant les médias comme l’arrêté me destituant l’a été ».
- Ordonner, à l’insu de la hiérarchie, au Chef de Division provinciale des Finances d’enrôler et d’ordonnancer les fonds issus des produits pétroliers
Le Gouverneur Jean-Jacques Purusi accuse également Dorothée Nganiza Masirika d’avoir ordonné, à l’insu de sa hiérarchie, au Chef de Division provinciale des Finances d’enrôler et d’ordonnancer les fonds issus des produits pétroliers à travers sa notification collective. Un acte qui aurait conduit au mécontentement au sein du Club des pétroliers, mettant ainsi en mal le protocole d’accord en cours de négociation entre ce dernier corps et le Gouvernement provincial du Sud-Kivu pour la réhabilitation des infrastructures et des routes provinciales
« Pour ce cas précis, il souviendra à l’opinion tant provinciale, nationale qu’internationale qu’encore une fois l’autorité provinciale par son Arrêté Provincial du 18 juillet 2024 portant surséance des contrats de partenariat public-privé conclus entre la Province et les Tiers, avait suspendu tous les contrats PPP en Province du Sud-Kivu, celui avec les pétroliers n’avait pas été épargné, raison pour laquelle les négociations sont en cours pour une nouvelle signature comme le rappelle l’arrêté me relevant de mes fonctions. L’Article 2 de cet Arrêté portant surséance des contrats de PPP stipule: « les Services d’assiette compétents chacun dans ses attributions reprendront la collecte des taxes qui jusque-là étaient attribuées aux dits partenariats », note-t-elle.
Pour elle, le Chef de Division provinciale des Finances, secteur ayant la taxe de la reconstruction qui frappe les importations, avait estimé qu’à l’instar d’autres cas où les PPP avaient été suspendus, il était indispensable qu’il y ait juste un Agent chargé de prélever les Statistiques des importations.
«Chose normale suivant l’esprit de l’article 2 précité, en attendant la conclusion du prochain protocole d’accord avec la Province du Sud-Kivu ».
Elle souligne également que cet Agent n’était pas revêtu de la qualité d’Ordonnateur des recettes, « donc ne pouvait établir aucune note de perception, acte qui pourrait fâcher le Club des pétroliers d’après ma compréhension du grief 4. Pour preuve, peut-on retracer les notes de perception que cet Agent aurait établies ? Aucune note. Qu’est-ce qui a alors fâché ? »
- Procéder à la nomination, au placement et au mouvement du personnel
La cinquième accusation portée contre Dorothée Nganiza est d’avoir procédé à la nomination, au placement et au mouvement du personnel sans en avoir ni l’avis ni l’autorisation de la hiérarchie. Une pratique qui, selon Jean-Jacques Purusi, va à l’encontre de la Philosophie et de la ligne de conduite du Gouvernement Provincial
« Concernant ce grief, je reconnais avoir pris l’Arrêté Ministériel Provincial n°03 du 22 juillet 2024 portant nomination à titre intérimaire de Chefs de Division à la Direction Provinciale de Mobilisation et d’Encadrement des Recettes au Sud-Kivu (DPMER-SK), à la suite de la prise par l’Autorité provinciale de l’Arrêté Provincial n°24/244 du 18 juillet 2024 portant suspension de tous les Chefs de Divisions de la Direction Provinciale de Mobilisation et d’Encadrement des Recettes au Sud-Kivu (DPMER-SK », fait-elle remarquer.
Elle rappelle que l’article n°2 de cet arrêté du Gouverneur stipulait que pendant la période de leur suspension, les intérimaires seront désignés par le Ministre sectoriel qui est en l’occurrence la Ministre des Finances.
« Quelle autre autorisation je devrais attendre avant de proposer les intérimaires alors que tous les Chefs de divisions venaient d’être suspendus et j’étais instruite de désigner les intérimaires ? En plus, avant la désignation des intérimaires comme voulu par l’autorité provinciale, une note technique lui était soumise avec le projet dudit arrêté avant sa signature et son accord était acté. Je n’ai désigné personne en dehors de la DPMER comme beaucoup l’ont fait entendre, tous les intérimaires ont été désignés parmi les Agents recrutés en 2012 par la banque mondiale et mis en service à la DPMER depuis 2013. Tout ceci est vérifiable. Aucun d’eux n’est ni de mon parti politique, ni de mon village d’origine. J’avais nommé des Agents (3 hommes et 3 femmes) suivant leur compétence et leur moralité. Et je pense qu’à ce jour, ces Agents font bien leur travail malgré les mauvaises bouches. Quel autre acte j’ai pris qui met en place des Agents? Je pense que le problème est ailleurs et nous est caché », », insiste cette ancienne Ministre.
- Retarder la mise en place des mesures draconiennes visant à supprimer ou à réduire les tracasseries et la taxation en défaveur des plus petits vendeurs
Concernant la sixième accusation, l’arrêté du Gouverneur Purusi indexe Dorothée Masirika d’avoir retardé la mise en place des mesures draconiennes visant à supprimer ou à réduire les tracasseries et la taxation en défaveur des plus petits vendeurs et commerçants ainsi que des mécanismes d’éradication des pratiques frauduleuses qui favorisent l’évasion fiscale. Une situation qui, selon l’arrêté de révocation a annihilé ainsi la vision et les ambitions du Gouvernement provincial dans son effort de mobiliser des ressources nécessaires à la reconstruction et au développement de la Province.
« Quelles sont ces mesures décidées par le Gouvernement provincial et dont j’ai retardé l’application? Qu’on me les cite. Bien au contraire j’étais engagée, d’une manière acharnée dans la lutte contre les crimes économiques et financiers, et la hausse des recettes durant les mois de juillet et août sont les résultats qui méritent une sanction positive de ma part. Le gouverneur l’a même reconnue devant toute la population du Sud-Kivu au stade de la concorde de Kadutu lors de son récent meeting de redevabilité » se défend Dorothée Nganiza.
Des imputations dommageables
Enfin, Nganiza annonce qu’elle n’a aucunement l’intention d’attaquer cet arrêté en justice.
« Mais je fais ici remarquer qu’il porte des imputations dommageables et des accusations fortuites ternissant mon image dans la société. Je souhaite donc bonne continuation à l’équipe gouvernementale actuelle. Ce n’est pas la personne de Masirika Nganiza Dorothée qui compte mais plutôt le bien-être de la Population du Sud-Kivu », conclut-elle, avant de revenir sur son bilan à la tête de son portefeuille.
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