En République Démocratique du Congo, le gouvernement a décidé de lever le moratoire sur l’exécution de la peine capitale. Selon le gouvernement congolais la peine de mort sera désormais exécutée après toute condamnation judiciaire irrévocable intervenue en temps de guerre, sous état de siège ou d’urgence, à l’occasion d’une opération de police tendant au maintien ou au rétablissement de l’ordre public ou encore pendant toute autre circonstance exceptionnelle.
Alors que présentée par le gouvernement comme une décision devant débarrasser l’armée des traîtres d’une part et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entrainant mort d’hommes, cette mesure est loin d’avoir l’adhésion de certains congolais.
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Au pays, cette décision du gouvernement a créé une controverse au sein de l’opinion. Certains congolais pensent que le gouvernement y est allé trop vite. Pour eux, le gouvernement congolais devrait en premier lieu prioriser la réforme du système judiciaire pour garantir des procès équitables et lutter efficacement contre la corruption.
Cela pourrait éviter que la justice, dans sa configuration actuelle, puisse condamner des personnes innocentes jusqu’à entraîner leurs exécutions.
« Rétablir la peine de mort en RDC soulève des préoccupations éthiques et pratiques importantes. La peine de mort est une mesure irréversible et son application dans un système judiciaire défaillant, marqué par l’incompétence des juges et la corruption, peut entraîner des injustices graves », prévient Jean Marc Kabunda, acteur politique en RDC.
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Pour lui, des alternatives à la peine de mort, telles que des peines de réclusion à perpétuité, peuvent être envisagées dans ces circonstances pour assurer une justice plus juste et humaine.
Mérite Manda, lui craint qu’une telle pratique ne serve de moyen à certaines autorités pour régler les comptes à leurs opposants.
« Dans un pays où la justice est très mal administrée, la peine de mort peut sévir à un règlement des comptes », écrit Mérite Manda sur son compte Twitter.
Le mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA) parle quant à lui, d’une décision anticonstitutionnelle. Pour la LUCHA, la justice congolaise mérite des réformes profondes et non pas des mesures « cosmétiques ». Elle appelle à l’intervention du Président de la République pour qu’une telle mesure ne soit pas appliquée dans un pays où le système judiciaire est « défectueux ».
« En plus d’être anticonstitutionnelle, la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort en RDC ouvre un couloir à des exécutions sommaires dans ce pays où le fonctionnement défectueux de la justice est reconnu par tous, y compris le magistrat suprême lui-même. Nous nous opposons à toute levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort en RDC et appelons le Président de la République à se ressaisir. Les problèmes structurels et fonctionnels de notre armée et de notre justice méritent des réformes profondes, pas des mesures cosmétiques », soutient la Lucha RDC.
Cette réflexion est partagée par Marc Kasongo, qui regrette que la levée du moratoire sur l’exécution de la peine capitale soit considérée comme solution au retour de la paix.
« Il est très triste de réaliser que, pour les décideurs congolais, la levée du moratoire sur la peine de mort soit vue comme la solution à l’échec de la résolution de la guerre à l’Est. C’est souvent après exécution que l’on se rend compte qu’on a tué un innocent..! », prévient-il.
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Il faut dire que depuis deux ans, la RDC fait face à une offensive des rebelles du M23, qui se sont emparés de larges pans de la province du Nord-Kivu (Est). La déroute de l’armée congolaise et de ses milices supplétives face à la progression du M23 a attisé chez les autorités des soupçons d’infiltration des forces de sécurité.
De nombreux militaires, y compris des officiers supérieurs des Forces armées de la RDC (FARDC), mais également des députés, des sénateurs et des personnalités du monde économique dans l’est de la RDC ont été arrêtés et accusés de complicité avec l’ennemi.
Pour la ministre de la Justice, ce moratoire était malheureusement aux yeux des infracteurs comme les « Kuluna » un gage à l’impunité. Le 5 février dernier, le Conseil supérieur de la Défense avait demandé à Félix Tshisekedi de lever le moratoire sur la peine capitale, en ce qui concerne les questions de traîtrise au sein des Forces de défense et de sécurité.
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