Intervenons-nous

Au Sud-Kivu, plusieurs concessions du domaine privé de l’Etat et d’autres immeubles seraient objet de spoliation ou de tentative de spoliation. Comme dans d’autres cas de spoliation connus par le passé, les méthodes sont les mêmes : désaffectation pour telle ou telle autre cause ou encore des terrains « ravis » à l’Etat sous un Contrat de « Partenariat Public-privé ».

Visiblement, la course à la terre par les dirigeants du Sud-Kivu ne s’est pas encore arrêtée. Une commission d’enquête de l’Assemblée Province révèle ce qui pourrait être une infime partie de l’iceberg sous la gouvernance de Théo Ngwabidje Kasi depuis 4 ans.

En effet, le rapport préliminaire de la commission d’enquête instituée par l’Assemblée Provinciale et qui a été publié le 11 avril 2023 dernier a révélé plusieurs choses.

Dans ce rapport préliminaire, la commission d’enquête  a cité plusieurs fois le Gouverneur Théo Ngwabidje qui, soit par son nom direct ou par des personnes interposées aurait réussi à dépouiller l’Etat congolais de ses immeubles notamment en ville de Bukavu comme à l’intérieur de la province.

Retour sur le dossier qui défraie la chronique au Sud-Kivu et les justifications y apportées par l’exécutif provincial qui tente par tous les moyens de démentir le contenu du rapport de la commission d’enquête soutenant qu’il s’agit là des informations « fausses, non étayées de la moindre preuve » et qui selon le Porte-parole du gouvernement provinciale « s’analysent en termes de diffamations ». 

Des exemples ayant déjà suscité la curiosité des acteurs sociaux !

Pour ce qui est du terrain de Ndendere par exemple, situé en commune d’Ibanda, dans la ville de Bukavu, le rapport révèle qu’il a été produit  copie d’un arrêté du 6 février 2023 portant attribution d’une parcelle à la Société d’énergie, de constructions et d’immobiliers au Congo (SECICO) signé par le Gouverneur Théo Ngwabidje et qui annule l’arrêté  du 10 avril 2015 portant affectation du terrain SU 15.433 du plan cadastral d’Ibanda au profit de l’Institut d’Ibanda signé par le Gouverneur de l’époque, Marcelin Cishambo. 

Selon le rapport, il existe déjà une lettre d’envoie projet de contrat de concession ordinaire à la signature avec un croquis délivré avec mention « exonération » sur ordre de l’autorité provinciale. Fort malheureusement, regrette la Commission des députés provinciaux, ladite société bénéficiaire de cette parcelle n’existe pas légalement.

Selon les indiscrétions rapportées par la commission d’enquête, ces documents auraient déjà été servis à un groupe des commissionnaires et qui ont reçu une somme de 40 000 dollars des mains de l’autorité provinciale pour chercher l’acheteur qu’ils ont trouvé à un prix de 4 000 000 de dollars. Ce dernier, avant de conclure ce marché, est parti chercher d’autres informations auprès des services attitrés. 

Pour bien exécuter le plan de vente de cette concession, le rapport révèle qu’il s’est tenu même une réunion au cabinet du Préfet de l’Institut d’Ibanda entre enseignants, le préfet, et deux invités dont monsieur Bienvenue Kaleba, chargé de mission du Gouverneur et le conseiller particulier du Gouverneur pour sensibiliser les enseignants à laisser les travaux se faire sur le terrain de Ndendere et discuter des modalités de gestion d’un terrain à construire vers Cabarhabe à Kasha.

Le rapport ajoute même que certains documents relatifs au dossier ont été retirés des archives du cadastre et des titres immobiliers. (L’un dirigé par un Cousin de Ngwabidje).

Pour répondre à ces allégations,  le gouvernement provincial soutient que l’arrêté auquel fait allusion la commission d’enquête n’existe pas.

Pour Jérémie Basimane, le terrain de Ndendere est intact et n’a subi aucune spoliation et qu’il appartient jusqu’à ce jour à l’Athénée d’Ibanda.

La question qui reste pendante est celle de savoir, qui de la commission d’enquête et du gouvernement provincial a menti ? Le gouvernement provincial s’est-il rétracté en retirant purement et simplement son arrêté qui ouvrait déjà la voie à la spoliation du terrain de Ndendere ? Pourtant lors de la présentation du rapport, le Président de la commission avait présenté tous les documents (arrêtés et plusieurs lettres) y afférents comme preuves. 

« Il en découle que les arguments de la Commission qui s’appuie sur des rumeurs et des présomptions ne sont nullement convaincants pour conclure à la spoliation. Ces arguments sont d’autant faibles qu’elle évoque les démarches des commissionnaires sans issue et les enquêtes qui sont encore en cours au Parquet. Par contre, l’évidence qui ressort du rapport de la Commission est que selon les personnes habilitées à donner une information crédible à ce sujet, le Préfet et le Sous-Proved Bukavu 1, le terrain est intact; il n’a subi aucune spoliation et qu’il appartient jusqu’à ce jour à l’Athénée d’IBANDA. Ce dernier ne s’est, du reste, jamais plaint d’une quelconque spoliation » répond le Gouvernement Ngwabidje.

Bienvenue à l’INERA Mulungu

Pour qui est de la concession de l’INERA Mulungu, des informations recueillies auprès des personnes auditionnées par la commission d’enquête renseignent que 10Ha 99a de la concession de l’INERA Mulungu ont déjà été cédés à une association dénommée CEPAVU représentée par une dame, celle-ci  va être mise en contact avec les services attitrés par le biais du Directeur de cabinet du Gouverneur, monsieur Mubalama Zibona Jean-Claude. Ici aussi, ladite association n’a pas de personnalité juridique selon le rapport.

Selon le rapport, la concession de 10Ha 99Ha de l’INERA Mulungu  est déjà partagée en 5 blocs dont le bloc 1 d’à peu près 5Ha pour monsieur Théo Ngwabidje et qui l’exploite déjà d’ailleurs car pour cette saison, il y a récolté du Maïs. Le bloc 2, poursuit la Commission, est cédé à monsieur  Jean-Claude Mubalama, Directeur de Cabinet du Gouverneur Théo Ngwabidje, le bloc 3 à madame Germaine non autrement identifiée et le bloc 5 déjà morcelé en 5 parcelles vendues aux particuliers avec bornage et qui les exploitent déjà.

Ici cette fois le gouvernement provincial semble prendre du recul. Dans ses explications, le Porte-parole du gouvernement s’est montré un peu évasif. Sans nier la cession pour ne pas parler de la spoliation de 10Ha 99a, comme l’a affirmé la commission, le gouvernement provincial se contente de dire qu’il ne s’agit pas de l’association CEPVU qui en est bénéficiaire mais plutôt CPAVO.

Selon Jérémie Basimane, la cession de ces 10Ha 99a de la concession de l’INERA à CPAVO s’est fait de commun accord avec l’INERA. Pourtant, plusieurs correspondances de l’INERA ont dénoncé la spoliation de ce patrimoine.

Revenant sur le morcellement qui s’effectue sur les 10Ha 99a, et dont le Gouverneur Théo Ngwabidje aurait été bénéficiaire de 5Ha et son Directeur de Cabinet un autre bloc, le Porte-parole du gouvernement provincial s’est limité à mettre au défi la commission, qu’il a invité d’y apporter des preuves.

Le partage auquel font allusion les membres de la Commission, poursuit le porte-parole du gouvernement Ngwabidje, relève, encore une fois, « de la rumeur ».

De quelles preuves s’agit-il, donc ? Surtout qu’on le sait, le jour de la présentation du rapport, la commission avait exhibé des documents y afférents et avait cité les agents de l’INERA qui ont fournis les informations lors de sa descente sur terrain.

Ici aussi, en sent la volonté de l’exécutif provincial de vouloir créer une diversion et perdre les traces sur ce qui s’est réellement passé sur cette concession de l’Etat.

« La réalité est que les 10 Ha 99 a ont été cédés, non pas à CEPVU, comme renseigné dans le Rapport, mais plutôt au « Consortium pour l’Appui des Veuves et Orphelins, CPAVO, en sigle), de commun accord avec l’INERA et ce, en compensation des services dont ce dernier a été bénéficiaire par rapport aux frais qu’ils devraient débourser pour les travaux préalables à la délivrance des titres fonciers (mesurage, bornage, etc) », dit Jérémie Basimane. 

L’avenue du Gouverneur et l’implication d’un député provincial

Pour ce qui est de l’immeuble N° 30 sur avenue du Gouverneur, la commission note que celui-ci, il a été créé une parcelle couverte par un contrat de location du 24 novembre 2022 entre la RDC représentée par le Chef de Division des affaires foncières pour la ville de Bukavu agissant en vertu des pouvoirs qui lui sont confiés  et l’autre part madame Pili Djuma Napenge de nationalité congolaise née à Bujumbura le 11 juin 1976  mariée au député Mwamba Amza Assani qui est un des députés très actifs au font pour la défense de Théo Ngwabidje à l’Assemblée Provinciale.

Ici cette fois, aucune justification n’a été donnée par l’exécutif provincial. Le Porte-parole du gouvernement provincial n’a pas nié ou accepté les allégations de la commission. Est-ce une manière d’accepter « sportivement » ce qui s’est passé sur cet immeuble de l’Etat ? 

En ce qui est de l’immeuble No 04 sur avenue du Gouverneur en commune d’Ibanda, cet immeuble  actuellement occupé par le magistrat colonel Wawina de l’Auditorat Militaire Supérieur du Sud-Kivu,  est spolié en « complicité avérée » avec monsieur Théo Ngwabidje, Gouverneur de province, qui par sa lettre du 31 octobre 2022, l’a octroyé à un privé sur fond d’un faux arrêté.

A ces allégations, le Porte-Parole du gouvernement provincial a laissé entendre qu’il n’existe pas, contrairement aux allégations de la commission, une lettre par laquelle le Gouverneur aurait octroyé la parcelle concernée à quelqu’un. Cependant, Jérémie Basimane fait croire que cet immeuble a été désaffecté par l’arrêté du Ministre national de l’Urbanisme et Habitat en date du 24 juillet 2018 au profit de monsieur Malekera Jean-Marie.

Qui de la commission et du gouvernement provincial a menti ? Surtout que la commission qui dit avoir contacté le Secrétariat Général de l’Urbanisme et Habitat nie un quelconque arrêté de désaffectation de cet immeuble ? L’arrêté évoqué par le Porte-Parole du gouvernement, est-il un faux comme soutenu par la commission ?

Toutes ces tournures créées par le Porte-parole du gouvernement avaient donc pour objectif de nier l’implication du Gouverneur Théo Ngwabidje dans cette désaffectation. Mais pour l’instant, l’immeuble ici n’appartient plus à l’Etat car ayant été désaffectée au profit d’un tiers dans des conditions encore floues comme pour des nombreux autres domaines privés de l’Etat.  

L’autre immeuble concerné c’est l’immeuble No 54 sur avenue du Gouverneur en commune d’Ibanda, qui actuellement est démoli et morcelé en plusieurs parcelles. Les travaux de construction y sont en cours. Ici encore, même mode opératoire comme pour l’immeuble  No 4 sur la même avenue. Un certificat d’enregistrement a été attribué au nom de madame Mapendo, épouse du fonctionnaire Mupe Kajangu. 

« Une correspondance du Gouverneur de province le renforçant pour autoriser la démolition et un faux arrêté de l’ancien ministre Kirho Kimate, alors que l’immeuble n’a jamais fait objet de désaffectation » dénonce la commission, qui note un « flou créé par Théo Ngwabidje pour perdre les traces sur cette affaire ».

Ici aussi, comme pour le précèdent, la commission a soutenu qu’il s’agit d’un faux arrêté de désaffectation, mais le gouvernement provincial soutient mordicus que l’arrêté existe bel et bien et serait signé en date du 29 octobre 1993 par le ministre national de l’Urbanisme et Habitat de l’époque, monsieur Kirho Kimate en faveur de madame Mapendo Nsimire.

Comme pour le précèdent immeuble, qui croire entre les deux parties ? Dans l’entre-temps, l’immeuble n’appartient plus à l’Etat congolais.

De porte-parole du Gouvernement à porteur d’immeubles ?

Pour l’immeuble No 3 sur avenue Kalehe en commune d’Ibanda, il est actuellement occupé par monsieur Jérémie Baimane, ministre ayant l’Habitat dans ses attributions, qui se l’est fait attribué après y avoir chassé les agents de l’Etat qui l’occupaient. Il prétend d’ailleurs y avoir effectué des travaux à hauteur de 10 804,2 dollars et en a sollicité une prétendue compensation. 

L’immeuble No 3 sur avenue Fizi en commune d’Ibanda a également été morcelé par l’actuel ministre Jeremie Zirhumana sous la complicité du Gouverneur Théo Ngwabidje, son chef direct au profit d’un des occupants. 

Pour cet immeuble, le porte-parole du gouvernement provincial qui comme évoqué en est bénéficiaire, s’est limité à expliquer qu’il avait par sa lettre du 11 novembre 2022 demandé au chef de division de l’habitat l’autorisation entant que locataire de l’état congolais d’y effectuer quelques travaux de réhabilitation et y construire une clôture en matériaux durables pour sa bonne sécurisation. Une demande qui selon lui a trouvé écho favorable dans les oreilles du chef de division de l’habitat qui aurait précisé que les dépenses effectuées feront objet de compensations avec les loyers dus.

Ce qui en d’autres termes vient corroborer ce qu’avait affirmé la commission d’enquête. Seulement ici, Jérémie Basimane s’est abstenu de confirmer la somme de 10 804,2 dollars qu’il aurait dépensé pour les travaux sur cet immeuble et qui en principe feront donc objet des compensations avec les loyers dus allant jusqu’à 18 ans d’occupation de l’immeuble.

« Compte tenu de l’état vétuste de cet immeuble de l’État délabré de la clôture et de la porte d’entrée, restées pendant longtemps en planches et en tôles rouillées, n’offrant aucune garantie de sécurité, son occupant, alors locataire de l’Etat congolais, avait introduit auprès du Chef de Division Provinciale de l’Habitat, sa requête en date du 11 novembre 2022 pour obtenir l’autorisation de réhabiliter et de construire une clôture en matériaux durables, d’ériger une porte métallique pour sa bonne sécurisation. Le Chef de Division Provinciale de l’Habitat, faisant suite à sa demande, il a, par sa lettre n° DIV/HAB/SK/BGI/04/019/2023 du 22 février 2023 accédé à sa demande en précisant que les dépenses effectuées feront l’objet de compensation avec les loyers dus », dit Jérémie Basimane au sujet de l’immeuble qu’il occupe.

Au-delà de ces quelques concessions et immeubles de l’Etat où la main directe de Théo Ngwabidje est dénoncée, la commission a néanmoins cité d’autres immeubles de l’Etat envoie de spoliation dans la ville de Bukavu. C’est le cas la résidence du Bourgmestre de la commune d’Ibanda, située au No 27 sur avenue BLD du Lac.  Selon le rapport, cette résidence connaît ces derniers temps des morcellements avec au moins trois parcelles y créer anarchiquement.

Pour couvrir sa responsabilité dans cette affaire aussi, le porte-parole du gouvernement s’est limité à dire qu’il n’a jamais été impliqué dans les morcellements évoqués. Une justification qui paraît simpliste au regard du niveau de la situation.

Des recommandations

Pour mettre fin à cette « boucherie » foncière, la commission d’enquête a recommandé à l’Assemblée Provinciale de s’impliquer pour que tous les titres délivrés sur ces concessions publiques et immeubles de l’Etat soient retirés purement et simplement.

La commission a également recommandé que des poursuites judiciaires soient déclenchées contres toutes les personnes impliquées dans ces spoliations et que le Chef de Division de l’Habitat au Sud-Kivu et le Conservateur des titres immobiliers de Kabare soient suspendus de leurs fonctions.

L’autre recommandation formulée par la commission, c’est d’exiger que tous les arrêtés et lettres signés par le Gouverneur Théo Ngwabidje sur ces concessions et immeubles de l’Etat soient retirés et déclarés de nul effet.

Bertin Bulonza

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