Tribune: les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et possibles crimes de génocide commis en RDC sont « imprescriptibles »
Notre Gouvernement n’a montré aucune bonne intention de mettre en œuvre des mécanismes complets de justice transitionnelle, à savoir la recherche de la vérité, les poursuites pénales, les réparations pour les victimes et les réformes institutionnelles, notamment des services de sécurité et du système judiciaire.
De nombreux ONG et défenseurs des droits de l’homme avec le Docteur Denis Mukwege en première ligne, appellent depuis plus de dix ans à la création d’une juridiction internationale mixte pour connaître ces crimes, et la mise en place des autres mécanismes de justice transitionnelle pour permettre à la nation congolaise, d’ouvrir des nouvelles pages de son histoire, sans devoir oublier le passé mais en se réconciliant avec, de se projeter sur l’avenir avec moins de cadavres dans les placards et moins de rancunes.
Différents gouvernements se sont succédés, de 1+4 à Ilunkamba, deux Présidents se sont suivis, mais la perpétration des crimes graves continue à prospérer au nez et à la barbe du plus grand déploiement des soldats des Nations Unies dans le monde, et de la communauté internationale qui fait semblant de ne pas voir, de ne pas savoir ce qui s’est passé, ce qui se passe et qui risque de se poursuivre inexorablement si l’on ne fait rien pour l’arrêter.
Les survivants et témoins de ces crimes sont marginalisés, moqués et écrasés par leurs bourreaux, qui pour la plupart, occupent des fonctions importantes dans des institutions de la République Démocratique du Congo et des pays voisins.
Des millions des victimes sont ignorés par les médias, abandonnés par les dirigeants qui normalement ont la charge de les protéger et la responsabilité d’assurer que chaque auteur présumé d’un crime réponde de son acte devant une juridiction indépendante et impartiale et que les victimes soient réhabilitées.
Personne n’ignore ces faits.
L’humanité sait que des personnes innocentes sont quotidiennement assassinées pour les minerais, pour la terre, pour le bétail ou tout simplement pour rien; parfois pour le plaisir sadiques des chefs rebelles et truands aux commandes des groupes armés qui pullulent au sein de notre pays et qui finissent au bout « d’âpres négociations de paix », récompensés par des nominations aux commandes de nos services de sécurité ,ou par des élections truquées, au cœur des institutions de l’état, et finissent par bénéficier d’un double bouclier de protection contre les poursuites des juridictions intérieures et extérieures et d’un blanc-seing pour la continuation de l’œuvre macabre des tueries et des graves violations des droits de l’homme.
Œuvres qu’ils ont commencées depuis plus de trente ans à l’ombre des bananiers et qu’ils ont désormais le feu vert de poursuivre devant caméra, au nom et pour le compte des nations et bénéficient de toute la couverture médiatique du monde civilisé pour clamer haut et fort la légitimité de leurs actes ignobles et l’absence des crimes qu’ils continuent à perpétrer, à commanditer.
L’humanité qui a poursuivi les criminels nazis, condamné avec fermeté les exactions des khmers rouges, haussé le ton contre l’apartheid et qui continue à traquer les génocidaires rwandais, ne peut pas faire semblant de ne pas connaitre la nécessité de poursuivre ceux qui se sont rendus coupables des crimes les plus graves en République Démocratique du Congo.
Qu’il s’agisse d’un Empereur, d’un Roi, Président ou d’un Général, congolais ou étranger, aucune impunité ne sera suffisamment grande, aucune couverture médiatique ne sera suffisamment large, aucune accointance diplomatique ne sera suffisamment rusée, aucune négociation ne sera suffisamment solide, aucun accord politique ne sera suffisamment inébranlable, aucune législation ne sera suffisamment puissante pour protéger ceux qui ont commis des crimes dans notre pays, pour les empêcher de répondre de leurs actes, pour taire les témoins et survivants des crimes commis en République Démocratique du Congo.
Ni dieux ni magiciens ne sauront abreuver la soif de la justice de notre peuple.
Yafeti Cheko, juriste et entrepreneur social du réseau Ashoka Changemakers, et Co-fondateur du site www.memorialrdcongo.org