Par une correspondance officielle adressée à plusieurs hautes autorités congolaises, la Société Civile du Sud-Kivu, à travers sa Présidente Me Néné Bintu Iragi, a exprimé une série de doléances concernant la note circulaire n°06/DGM/DG/895/025 du 6 juin 2025 émise par la Direction Générale de Migration (DGM), qui interdit l’usage des documents migratoires signés par l’administration de facto de la coalition armée AFC-M23.
Dans ce courrier, la coordination provinciale met en lumière les conséquences dramatiques de cette mesure sur les citoyens congolais résidant dans l’Est du pays, une région déjà durement touchée par l’insécurité.
Voici les huit griefs principaux énumérés par la Société Civile :
- L’impossibilité de voyager entre Bukavu et Uvira
Les routes entre Bukavu et Uvira sont rendues impraticables par l’occupation de Kamanyola et de Katogota par les forces du M23. Les déplacements sont dangereux, onéreux (jusqu’à 500.000 FC) et humiliants. Seuls les femmes et les mineurs peuvent circuler librement. Les hommes sont souvent soupçonnés de trahison selon leur provenance.
Lire aussi: Goma: la DGM rappelle à certains agents de la DGDA l’interdiction d’habiter au Rwanda
- Blocage diplomatique avec le Burundi
Le Burundi refuse désormais l’entrée des détenteurs de documents migratoires délivrés en zone M23, même pour des raisons médicales ou académiques. Cela empêche de nombreux malades d’accéder à leurs traitements et des étudiants de poursuivre leurs études. Certains malades sont décédés faute de soins accessibles.
- Inaccessibilité aux services bancaires
À Bukavu, les services financiers sont paralysés. Les citoyens ne peuvent plus accéder à leurs comptes. La seule alternative – se rendre à Kinshasa – est devenue impossible. La Société Civile interpelle le gouvernement sur sa mission de protéger les citoyens et leurs biens.
- Risque sanitaire lié aux échanges avec le Rwanda
Isolés, les Congolais se tournent vers le Rwanda pour leurs approvisionnements alimentaires et financiers, exposant la population à des risques sanitaires graves en raison du manque de contrôle aux frontières.
- Une mesure qui alimente les projets de balkanisation
La mesure de la DGM, bien qu’administrative, pourrait être instrumentalisée par ceux qui prônent la partition du pays. La Société Civile rappelle son engagement constant pour l’intégrité territoriale, notamment à travers les manifestations du 27 janvier 2025 à Bukavu.
- Silence coupable des élus du Sud-Kivu
La Société Civile déplore le mutisme des élus et leaders politiques du Sud-Kivu face à la crise actuelle. Alors que l’attention nationale se focalise sur un éventuel remaniement gouvernemental, les priorités sociales des populations sont ignorées.
Lire aussi: Goma: suite à la mesure de la DGM, plus de 200 personnes vivant avec handicap stoppent leur mouvement à la frontière
- L’obtention d’un passeport est un calvaire
Le passeport – seul document accepté pour voyager – n’est délivré qu’à Kinshasa et dans quelques ambassades. Le remplacement récent du fournisseur de passeports complique encore plus la procédure. La Société Civile appelle le Ministère des Affaires Étrangères à informer la population et à rester vigilant face aux tentatives de fraude à la nationalité.
- Révision de la mesure de la DGM
Enfin, la Société Civile appelle la DGM à revoir sa circulaire, afin de permettre la libre circulation des Congolais vivant dans des zones en guerre. Elle invite le gouvernement à privilégier la paix, la bonne gouvernance, la justice et la transparence pour éviter que ces populations ne soient doublement victimes : de l’agression armée et de l’isolement administratif.
Enfin, la Société Civile du Sud-Kivu rappelle que les Congolais de l’Est ne doivent pas être abandonnés à leur sort. Ils doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits que leurs compatriotes et être soutenus par les institutions nationales dans leur quête de paix et de dignité. Elle lance un appel pressant aux autorités nationales pour une action urgente, humanitaire et patriotique.