Plus de trois jours se sont écoulés entre l’arrestation et le transfert au parquet du journaliste Stanis Bujakera Tshiamala, directeur adjoint du site d’information Actualités.cd, et correspondant des médias Jeune Afrique et Reuters en République démocratique du Congo (RDC). Reporters sans frontières (RSF) dénonce une détention arbitraire, et demande à ce que le journaliste soit libéré.
Après trois jours de détention, le correspondant du média français d’actualités africaines Jeune Afrique et de l’agence de presse britannique Reuters, aussi directeur de publication adjoint du site d’information congolais Actualité.cd a été transféré au parquet de la Gombe, à Kinshasa et placé sous mandat d’arrêt provisoire.
Le journaliste chevronné Stanis Bujakera Tshiamala a été arrêté dans la soirée du 8 septembre à l’aéroport de la capitale du pays. Il a été entendu une première fois, dans la foulée, durant plus de trois heures, selon les propos d’un de ses avocats, Me Grâce Tshiashala. De nouveau auditionné le lendemain et ce lundi 11 septembre, il est accusé de “propagation de faux bruits” et “diffusion de fausses informations”. Si ces accusations sont retenues par le parquet, le journaliste risque jusqu’à un an de prison et de lourdes amendes, selon un autre de ses avocats, Me Hervé Diakiese.
Stanis Bujakera Tshiamala a été interrogé sur le contenu d’un article concernant la mort du député, ancien ministre des transports et porte-parole du parti de l’opposant Moïse Katumbi, Chérubin Okende Senga, publié sur le site internet de Jeune Afrique le 31 août 2023 et signé “la rédaction”. Dès lors, Stanis Bujakera Tshiamala ne peut être tenu responsable de cet écrit aux yeux de la loi congolaise. Il a également été interrogé sur ses échanges avec les médias avec lesquels il collabore. Ses téléphones portables et ordinateur lui ont été confisqués.
RSF a contacté le porte-parole du gouvernement et ministre des Communications et Médias, Patrick Muyaya, qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’organisation. Sur son compte X, en marge d’une réunion avec des représentants des médias, le ministre a assuré “suivre de près le dossier dans le respect de la séparation des pouvoirs jusqu’à son dénouement souhaité rapide.”
« La détention arbitraire de Stanis Bujakera Tshiamala illustre à quel point le libre exercice du journalisme est fragile en RDC. Ce journaliste de renom, correspondant de plusieurs médias, n’a rien à faire en détention. Nous demandons aux autorités de le libérer de toute urgence », a dit Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
L’arrestation de Stanis Bujakera Tshiamala met les projecteurs sur une affaire éminemment politique. L’article de Jeune Afrique sur lequel il est interrogé mentionne un rapport attribué à l’Agence nationale de renseignements (ANR) dévoilant la responsabilité de soldats de l’état-major des renseignements militaires dans la mort de Chérubin Okende Senga, ancien ministre des transports et président du parti d’opposition “Ensemble pour la République”. Candidat à l’élection, il aurait été, selon cette note, kidnappé puis exécuté le 13 juillet 2023.
Les autorités démentent être à l’origine de ce rapport qu’elles qualifient de faux. Le 9 septembre, au lendemain de l’arrestation du journaliste, Jeune Afrique et la radio française de diffusion internationale Radio France Internationale (RFI) ont ainsi reçu une lettre du Ministère de l’Intérieur datée du 5 septembre protestant contre les directions des deux médias pour avoir relayé ce rapport.
Dans ce contexte, RSF s’inquiète d’une intensification des pressions sur les journalistes et les médias à l’approche des élections présidentielles prévues en décembre prochain, comme l’organisation alertait déjà en juillet dernier. Attaqués physiquement, pris à partie lors d’événements politiques, certains sont aussi menacés de poursuites judiciaires abusives.
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