S’humilier en face de son bourreau et en faire son protecteur, afin de gagner sa compassion, est une attitude que le Dr. Denis Mukwege identifie dans le comportement quotidien du peuple congolais. Au cours d’une conférence ecclésiale, qu’il a animé ce jeudi 16 février 2023, le Prix Nobel de la Paix a invité ses compatriotes à « sortir de ce syndrome de Stockholm » et à prendre conscience de sa souffrance.
C’est devant une multitude de chrétiens protestants, réunis dans l’enceinte de l’Université Evangélique en Afrique, que le gynécologue a tenu à présenter son diagnostic sur « le comportement du peuple congolais dans sa souffrance ».
Intervenant sur la contribution de l’église dans la promotion de la santé en RDC, sur invitation de la 8ème Communauté des Eglises de Pentecôte en Afrique Centrale (CEPAC), Denis Mukwege s’est focalisé sur la charge psychologique que les années de guerre soumettent à la population congolaise.
Si on en croit le discours du Prix Nobel, les longues années de traumatisme ont transformé les congolais et les ont réduits à la résignation.
« Quand quelqu’un a été traumatisé pendant trop longtemps, ou a souffert pendant très longtemps, il arrive à transformer son bourreau en son protecteur ! […] Lorsqu’on fait cette inversion, en fait on pense que la vie n’a de valeur que sous l’oppresseur et on se soumet à l’oppresseur alors qu’il est entrain de vous tuer à petit feu », a analysé le colauréat du Prix Nobel de la Paix en 2018.
Pour lui, ceci explique « la réaction de la population congolaise par rapport à sa souffrance ».
« C’est comme si elle est tout à fait résignée et accepte cette souffrance. Elle va même plus loin, et applaudit ses oppresseur », a regretté le médecin de Panzi.
De ce fait, il appelle le peuple congolais à « pouvoir sortir de ce syndrome de Stockholm » ; et la voie prescrite pour y parvenir « c’est d’abord reconnaitre qu’on est malade ».
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La reconnaissance de sa pathologie, si l’on en tient à ses propos, permettra l’entrée « dans le processus de traitement qui nous permettra d’avoir des réaction normales ».
En outre, dans son diagnostic, le Dr. Denis Mukwege n’a pas ménagé la responsabilité des dirigeants politiques, qu’il reproche d’opprimer impunément, et intentionnellement, leur peuple.
« C’est comme si lorsqu’on est dans une position, on est autorisé à tout faire, y compris à opprimer son peuple », s’est-il plaint. Pire encore, selon lui, est le fait que « le peuple accepte cette oppression… »
Notons que le Dr Denis Mukwege est pressenti comme candidat à la magistrature suprême à l’élection présidentielle qui se tiendra en décembre. Bien qu’il ait esquivé les questions des participants à la conférence, qui voulaient le pousser à déclarer sa candidature, les mots du gynécologue semblent révéler son engagement patriotique, susceptible d’accoucher à des ambitions politiques bien nourries.
John Achiza