Intervenons-nous

Corneille Nangaa, ancien Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et candidat Président de la République à l’élection de décembre a fait un diagnostic sévère par rapport à la marche du processus électoral en RDC.

Annonçant que son parti se réserve le droit de ne pas déposer les candidatures à ces élections avec tous les problèmes qu’elles comportent, Nangaa a demandé un « break ». Une pause pour discuter avec les parties prenantes et chercher à améliorer les choses.

LaPrunelleRDC.CD vous propose l’intégralité de la déclaration de Corneille Nangaa.

« Combattants de la liberté et de la dignité du Congo, en vos diverses chapelles, Vaillant peuple congolais, peuple à l’histoire glorieuse, Mes chers compatriotes,

  1. Dans deux jours, nous célébrons le 63ème anniversaire de notre indépendance. Plus qu’une cérémonie et la célébration d’un événement, il va falloir évaluer notre responsabilité dans ce que nous sommes devenus et devons devenir; autrement dit, ce que nous avons concrètement fait de cette indépendance et des espoirs qu’elle avait suscités. Dans cette perspective, penser indépendance doit nous engager à mériter de nos valeureux pères qui l’ont obtenue de haute lutte. Cet engagement s’inscrit dans la promotion des valeurs de liberté, del dignité, de travail, de productivité, de vérité historique et d’un réel épanouissement, valeurs dont est tributaire notre place dans le monde.
  2. Soixante-trois (63) ans après, notre société était censée franchir le seuil de la pauvreté pour jouer un rôle moteur dans le développement du continent, la démocratie participative, les libertés publiques et la promotion des droits humains. Tel n’est malheureusement pas le cas.
  3. Comment pouvons-nous écrire l’histoire de cette grande Nation qu’est la nôtre si elle doit continuer de marcher à reculons, sous l’œil passif et quasi indifférent de son élite? Sommes-nous acculés à demeurer cette “République des inconscients » selon le titre d’un ouvrage ainsi intitulé ? Tellement inconscients que nous serions même inconscients de notre inconscience collective? Nous sommes profondément interpellés à cet égard.
  4. Car il est paradoxal et moralement inacceptable qu’une infime minorité, quasiment la même depuis des lustres, constituée de gens qui, à chaque rendez-vous de l’histoire, retournent leurs vestes « du bon côté » de la mangeoire au détriment de celui de l’histoire, que cette minorité s’accommode d’une autosatisfaction spécieuse et creuse au moment où la grande majorité silencieuse baigne dans l’indigence, la pénurie et la privation, devenues leur lot quotidien.
  5. Tous les droits ont été confisqués, jusqu’aux plus élémentaires. Nous avons le sentiment de nous disputer les acquis constitutionnels avec les institutions de la République qui en sont pourtant, et par obligation légale, gardiennes.
  6. On se réveille chaque matin sur une mauvaise nouvelle. Massacre en Ituri; tueries à Beni; fosses communes à Rutshuru; affrontements armés à Masisi; congolais égorgés à Kwamouth; tueries à Lubumbashi et dans le Kongo-Central; affrontements mortels entre les Balengola et les Bambole à Kisangani; et tutti quanti.

Le pays est sécuritairement vermoulu du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest des populations étrangères envahissent le territoire (cas des forces négatives – UDA et consorts qui accompagnent les éleveurs Mbororo; des combattants. Seleka), pendant que des forces négatives tant nationales qu’étrangères écument des pans entiers du territoire national. Entre-temps, le peuple congolais assiste impuissant à une sous-traitance de la gestion sécuritaire et à un carnaval d’armées étrangères cossardes et inassimilables dans une frondaison d’état de siège toujours constipé et infécond. Une hypothèque réelle pèse sur le pays que nous risquons de perdre. Pendant ce temps, ceux qui ont la charge de son destin, sont obnubilés par la perspective de leur second mandat qu’ils voudraient absolu, quel qu’en soit le prix.

  1. Cette situation sécuritaire préoccupante n’épargne pas la capitale Kinshasa et les autres grandes villes. Le banditisme urbain s’y enracine dans la quasi-totalité des quartiers sous une nouvelle culture de tueurs à l’arme blanche. La ville est infestée de gangs entretenus, formés à la besogne et dans certains cas, payés par des réseaux obscurs pour troubler l’ordre public et menacer la paix. Ces phénomènes de criminalité gagnent du terrain, cette-fois-ci avec le retour en force des actes d’enlèvement de paisibles citoyens et même des enfants.
  2. D’autre part, des hommes en uniforme non identifiés visitent, perquisitionnent et fouillent des habitations des privés sans aucune référence à la loi. Il en est de même des entraves, répressions et autres menaces même envers les membres du clergé ainsi que des arrestations arbitraires qui prolifèrent.
  3. Et comme par effet domino, ce tableau socio-sécuritaire peu reluisant est corrélatif au climat pré-électoral tout aussi inquiétant. Ce qui nous pousse à tirer quelques leçons non exhaustives du point de vue politique et de la gouvernance électorale. Car avant d’évoquer le concept de la « vérité des urnes », nous devons pénétrer l’anamnèse de la «vérité du processus électoral ».
  4. Non fiable et effronté, le processus électoral en cours est un cocktail d’agrégats incomestibles. Cartographie électorale et statistiques des électeurs échafaudées, captieuses, désadaptées et inauthentiques; le tout assis sur une administration dont la composition de l’équipe dirigeante est estampillée irrégulière, contestée et monocolore, en sus d’être truffée de faux représentants de l’opposition, en violation des dispositions pertinentes de l’article 10 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI, déterminant la composition de celle-ci entre les forces politiques représentées au sein de l’Assemblée nationale.
  5. Le 63ème anniversaire de notre indépendance nationale doit être l’occasion d’houspiller toute notre élite politique pour avoir divisé la nation en deux catégories sociales distinctes : les privilégiés et les sacrifiés. Cette élite a également consenti de promouvoir une faible gouvernance et contempler étonnamment l’absence de l’Etat dans certains endroits du pays.
  6. La genèse de cette fracture sociale est partie, d’une part, de la violation de la constitution et du non-respect des engagements souscrits et, d’autre part, du torpillage de la majorité parlementaire issue des urnes en 2018, pour instaurer une majorité mécanique mettant en place une académie politique incongrue et tête-bêche. « Fraus omnia corrumpit ».
 Nos institutions en portent les stigmates. Nous avons ainsi :

– Un Parlement dont les présidents des chambres sont investis sans majorité régulière chacun ;

– Un Premier Ministre désigné sur base d’on ne sait quelle majorité

– Des Députés et Sénateurs appartenant à un même parti politique, écartelés les uns dans l’opposition et les autres dans la majorité factice.

Une vraie tour de Babel bâtie sur fond de la corruption érigée en système (distribution de salaires faramineux aux élus et donation de voitures de luxe, opérations sans laquelle une telle majorité ne peut tenir).

  1. Ajouter à cela la tribalisation à outrance des institutions, des services et entités à tous les niveaux; cela finit par faire de la République Démocratique du Congo un État aux fondements bancals dont la marche est orientée vers un même espace géographique. L’architecture électorale même en fait les frais. Participent en effet de la charpente du système institutionnel des élections en RDC :

– Le Président de la République, en tant que garant du bon fonctionnement des institutions; – Le Président de la CENI, en tant que chef de l’organe de gestion des élections;

– Le Président de la Cour Constitutionnelle et président du Conseil Supérieur de la magistrature, lequel a en charge la gestion du contentieux électoral; – Le Vice-premier ministre, Ministre de l’intérieur, qui gère la sécurisation du processus électoral.

– Le (la) Ministre de la justice, qui fait le suivi du bon fonctionnement des institutions judiciaires impliquées dans les questions électorales;

– Le Ministre des Finances, qui joue un rôle important dans le financement des élections;

 – Le Ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, dont le secteur assure la disponibilité des salles de classes pour abriter les centres d’inscription, les centres de vote et les bureaux de vote et de dépouillement.

– La Gouverneure de la Banque Centrale, qui assure le décaissement des fonds destinés aux élections. Il se trouve que tous les animateurs de cette composition électorale sont ressortissants d’un même espace géographique.

  1. Ce fait contribue gravement à éroder la confiance dans le processus électoral. Encore qu’il s’agit là d’un attelage qui contrevient aux bonnes pratiques démocratiques et viole les articles 90, 185 et 189 de la Constitution, qui font de la représentativité nationale (ou des provinces selon les cas) un impératif légal, malheureusement bafoué peu ou prou, pratiquement dans toutes les institutions politiques.
  2. Pour survivre, tous les animateurs des institutions aussi bien nationales que provinciales, des entités et des services sont tenus de confesser une même couleur politique, celle de l’Union Sacrée, proche d’un Parti-État. Cette subjugation des institutions tant nationales que provinciales à la volonté d’un individu et d’un seul camp politique a tout naturellement fait le lit des antivaleurs telles que la corruption, l’instrumentalisation de la Justice et des services de l’Etat. 16. Que dire de la situation sociale et économique du pays? Aucun ménage ordinaire n’est en capacité de couvrir les charges de survie familiale comme il se doit. Les Congolais ne mangent ni n’accèdent aux soins de santé comme il faut. Entre-temps, le pays se noie dans les endettements colossaux, et la dépréciation au quotidien de sa monnaie nationale.
  3. Le paysage sociopolitique ainsi peint conduit l’Action pour la Dignité du Congo et de son Peuple (ADCP) à arrêter les recommandations et mesures particulières ci-après :
  4. a) Des recommandations
  5. sur le plan de Gouvernance politique et électorale :
  6. Au regard de la situation préoccupante dans laquelle le pays se trouve, seule une vraie cohésion nationale peut le sauver du naufrage. Il est donc impérieux que les acteurs concernés se mettent autour d’une table, discutent et affrontent ces défis ensemble afin de conjurer toute perspective apocalyptique et s’accorder sur la marche du pays et la manière dont devront être organisées les élections afin d’en garantir la crédibilité, l’inclusivité, la transparence et l’équité. La sagesse commande ainsi d’observer un break du processus électoral, à l’évidence engagé dans une mauvaise direction, pour son évaluation exhaustive et sa requalification objective et consensuelle. La réflexion globale sur la marche du pays devrait intégrer l’idée d’un plan directeur de développement pour que le pays arrête de naviguer à vue.
  7. Sur le plan sécuritaire : Au regard de la situation sécuritaire et forts de la nécessité de recréer la cohésion nationale, nous devons:
  • arrêter de penser que notre sécurité et notre bien être dépendent des autres;
  • arrêter la sous- traitante sécuritaire de la République ;
  • revigorer les FARDC en les dotant de tous les moyens dont elles ont besoin pour exprimer leur puissance sur le théâtre des opérations menées afin de reconquérir les territoires sous occupation et en proie aux tueries en écartant toute tentation de tribaliser l’armée;
  • lever l’état de siège qui a démontré ses limites.
  1. b) Des mesures particulières :

Etant donné que les apprêts du processus électoral ne rassurent ni politiquement ni techniquement, l’ADCP se réserve de présenter toute candidature aux élections dans leur format actuel. Cependant, en attendant ce reformatage obligatoire, et donc inévitable, du processus, I’ADCP demande à tous ses membres et partisans de demeurer mobilisés. »

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Un commentaire

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