Le verdict du procès de Roger Lumbala, jugé en France pour crimes contre l’humanité commis en RDC entre 2002 et 2003, est attendu ce lundi 15 décembre 2025 au soir. La phase finale des audiences a été marquée par les derniers témoignages, les plaidoiries des parties civiles et les réquisitions du ministère public, en l’absence de l’accusé et de sa défense durant toute la cinquième semaine du procès.
Roger Lumbala et ses avocats ne se sont pas présentés au tribunal durant l’intégralité de la dernière semaine d’audience, du 8 au 12 décembre. Une absence relevée par le ministère public, qui a souligné le caractère contradictoire de la contestation de la compétence des juridictions françaises par l’accusé, alors même qu’il avait participé activement à l’instruction pendant plusieurs années.
Les derniers témoignages accablants
Lors du 19ᵉ jour d’audience, le lundi 8 décembre, l’expert psychiatre Daniel Zagury a décrit Roger Lumbala comme un homme calme, cohérent, sans altération du discernement ni pathologie mentale. Selon lui, l’accusé nie toute responsabilité personnelle et inscrit les violences reprochées dans un contexte de conflit armé et d’engagement politique.
Deux témoins originaires de Bafwasende ont ensuite décrit la prise de contrôle de la zone par le RCD-N : pillages, extorsions, taxes imposées, travaux forcés, arrestations arbitraires et exécutions sommaires. Ils ont également évoqué des violences sexuelles, des homicides, l’exploitation des ressources diamantifères et le transfert par hélicoptère de chefs locaux arrêtés.
Un ancien cadre du RCD-N, entendu à huis clos comme témoin de la défense, a pour sa part détaillé l’organisation interne du mouvement, son fonctionnement administratif et la répartition des responsabilités politiques et militaires dans les zones minières.
Violences sexuelles, pillages et exécutions : récits des parties civiles
Le mardi 9 décembre, un témoin d’Epulu a relaté l’arrivée des combattants dits « Effacers » en 2002, marquée par des pillages systématiques, des exécutions sommaires et des violences sexuelles. Il a affirmé avoir vu Roger Lumbala tenir un discours public après l’occupation de la zone, annonçant l’arrivée de renforts et distribuant des vivres.
Trois parties civiles ont ensuite livré des témoignages poignants :
- la perte de biens et l’assassinat d’un proche,
- le viol public d’une adolescente sous les yeux de sa famille,
- la détention arbitraire, les tortures à la braise, le pillage d’un hôpital et les violences sexuelles commises sur des femmes détenues.
Un journaliste congolais, entendu comme témoin de la défense, a présenté le contexte politico-militaire de l’émergence du RCD-N. Toutefois, plusieurs de ses propres publications sur les réseaux sociaux, versées au dossier, décrivent Roger Lumbala comme un « seigneur de guerre », évoquant pillages, exploitation des ressources naturelles et exactions liées à l’opération « Effacer le tableau ».
Témoignage controversé d’un cadre du RCD-N
Le mercredi 10 décembre, Robert Ombilingo, ancien responsable du RCD-N, a été entendu par visioconférence depuis Kinshasa. Il a décrit l’arrivée de Lumbala à Bafwasende en 2000, avec le soutien de troupes ougandaises, et la mise en place de l’administration du mouvement.
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Il a nié toute connaissance d’exactions commises sous le contrôle du RCD-N, tout en reconnaissant avoir vu des soldats arriver à Isiro avec des organes génitaux mutilés utilisés comme trophées. Le tribunal a relevé son comportement durant l’audience, notamment le fait de noter les noms évoqués, entraînant le retrait de la feuille par le président.
Le jeudi 11 décembre, les avocats des parties civiles ont longuement plaidé. Ils ont insisté sur la crédibilité et la convergence des témoignages, le caractère systématique des violences, notamment sexuelles, et la responsabilité de Roger Lumbala en tant que dirigeant exerçant une autorité effective sur les troupes.
Les conseils ont également rappelé les risques encourus par les victimes, certaines ayant obtenu le statut de réfugié après leur témoignage, ainsi que le travail de documentation mené par les organisations de défense des droits humains, en particulier concernant les persécutions subies par les communautés Bambuti.
Réquisitions : la perpétuité requise
Le vendredi 12 décembre, le ministère public a requis la réclusion criminelle à perpétuité contre Roger Lumbala, ainsi que la confiscation des scellés et une interdiction définitive du territoire français.
Le parquet a estimé que les faits établissent la commission de crimes contre l’humanité dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile, notamment à Bafwasende, Isiro, Epulu, Mambasa et Mandima. Il a soutenu que Lumbala avait exercé une autorité effective sur les troupes du RCD-N, contribué à la logistique et à la planification de l’opération « Effacer le tableau », et tiré profit de la taxation et de l’exploitation des ressources naturelles.
Tout en sollicitant des acquittements partiels pour certains faits insuffisamment étayés, le ministère public a appelé les jurés à établir la responsabilité pénale individuelle de l’accusé, soulignant que ce procès constitue une avancée majeure pour la justice internationale, malgré l’absence de coopération judiciaire de la RDC.
Le verdict est attendu dans la soirée de ce lundi 15 décembre.

