Mumbere Ushindi, militant du mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA) a été tué la journée de ce lundi 24 janvier 2022, lors de la répression d’une marche pacifique contre l’état de siège à Beni, dans la province du Nord-Kivu. Dans un communiqué rendu public, la Lucha demande un procès en flagrance contre le Maire de Beni et le Commandant-ville de la Police, ainsi que contre le Policier auteur de ce meurtre.
COMMUNIQUE
BENI (NORD-KIVU) : UN AUTRE MILITANT DE LA LUCHA ABATTU PAR LES « FORCES DE L’ORDRE »
Nous avons le profond regret d’annoncer le décès de notre camarade MUMBERE USHINDI alias Dodo, ce lundi 24 Janvier 2022 à Beni. Il est décédé à l’hôpital des suites de ses blessures peu de temps après que des membres de l’armée et de la police congolaises qui pourchassaient des jeunes au quartier Kanzuli en ville de Beni lui aient tiré une balle dans le ventre, presqu’à bout portant. Lauréat de la dernière session de l’examen d’État (2020-2021) en option construction, MUMBERE USHINDI DORAKE dit Dodo, âgé de 22 ans, travaillait comme stagiaire en construction pour parfaire ses connaissances, subvenir à ses besoins personnels et soutenir sa famille dont il était l’aîné. C’est le troisième meurtre d’un militant de notre mouvement à Beni par les soi-disant agents de l’ordre en trois ans, correspondant aux trois années de la présidence de Félix Tshisekedi !
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Si l’identité du meurtrier qui a tiré sur notre camarade MUMBERE USHINDO DORAKE n’est pas connue, les unités déployées sur le terrain sont bien identifiées, de même que les commandants qui ont donné l’ordre d’abattre ou de torturer quiconque allait répondre à l’appel à cinq journées ville-morte lancées par notre mouvement et par d’autres groupes de pression. En effet, en réaction à l’annonce de cette série de ville-morte dont l’objectif est de dénoncer la persistance de l’insécurité à Beni en dépit de l’Etat de siège en vigueur depuis huit mois, les autorités militaires et policières de la ville de Beni ont déployé des militaires et policiers munis d’armes et munitions de guerre dans les rues de Beni dès la nuit du 23 janvier 2022. Le maire policier de la ville de Beni, le commissaire supérieur Narcisse Mukeba et le responsable du commissariat urbain de la police, le commissaire supérieur principal Jean-SébastienKahuma Lemba, ont clairement annoncé que “les manifestants ne reverront plus les membres de leur famille”. Ces déclarations constituent ni plus ni moins des appels au meurtre, et caractérisent la préméditation de ce qui est advenu.
#RDC #Beni 24.01.2022 : @unjhro condamne fermement l’usage injustifié et disproportionné de la force létale par des agents @comgenpnc lors d’une manifestation pacifique. L’usage de la force létale par les agents de maintien de l’ordre lors des manifestations publiques […]1/3
— UN Human Rights DRC (@unjhro) January 25, 2022
@unjhro invite les autorités judicaires à ouvrir promptement une enquête sur cet incident et à punir les agents à l’origine du tir mortel, ainsi que ceux qui ont donné l’ordre de réprimer violemment la manifestation.3/3
— UN Human Rights DRC (@unjhro) January 25, 2022
Alors que nous nous organisons pour rendre hommage à notre camarade MUMBERE USHINDO et organiser des obsèques dignes, les services de sécurité de la ville de Beni font pression sur sa famille en vue de procéder à un enterrement rapide et secret dont l’objectif est d’empêcher le deuil et d’étouffer les appels à la justice.
Au vu de ce qui précède, la LUCHA :
- Condamne le meurtre de MUMBERE USHINDO DORAKE, et plus généralement, le recours abusif et prémédité à la force létale et à la torture par les forces dites de sécurité contre la population de Beni.
- Exige la suspension et les poursuites en procédures de flagrance et en public contre les des commissaires supérieurs Narcisse Mukeba (maire de la ville de Beni) et Jean-Sebastien Kahuma Lemba (commandant de la police / ville de Beni) pour avoir détourné la police et l’armée de leur mission, et ordonné l’usage abusif de la force et des armes de guerre contre des manifestants non armés, voire contre la population civile en général. Le policier ou le militaire exécutant (celui qui a tiré sur notre camarade) doit être identifié et jugé à la même occasion.
- Dénonce les tentatives cyniques d’enlever le corps de notre camarade et de lui priver des obsèques dignes.
- Exige la substitution de l’état de siège par des mesures de sécurisation efficaces, qui n’accordent pas inutilement des pouvoirs exorbitants aux militaires sur les civils, et qui ne criminalisent pas davantage la population victime de l’insécurité.
Complément d’information :
Le meurtre de Mumbere Ushindi intervient après celui de Obadi Muhindo le 23 novembre 2019 (son assassin et les commanditaires n’ont toujours pas été inquétés), et celui de Freddy Kambale le 21 mai 2020 (le policier subalterne condamné à la suite de ce meurtre était « libéré » lors de l’évasion de la prison de Kangwayi du 20 Octobre 2021. Le colonel François Kabeya qui avait donné l’ordre de tirer n’a jamais été inquiété et a au contraire été élevé au rang de maire de la ville Goma). Notre camarade La Fontaine Katsaruhande s’est vu amputé de sa jambe le 10 Septembre 2021 après qu’un policier lui ait tiré une balle lors d’une manifestation pacifique. Par ailleurs, 13 de nos camarades dont une femme sont détenus à la prison centrale de Beni depuis le 11 novembre 2021 pour avoir protesté pacifiquement contre les massacres continus et exigé une évaluation conséquente de l’état de siège avant toute prorogation. Ils sont poursuivis pour « désobéissance aux lois » et risquent 10 ans de prison.
Huit mois de l’Etat de siège consistant à surmilitariser les administrations publiques et la justice et à restreindre les libertés publiques n’ont permis ni de défaire les groupes armés, ni de mieux protéger les civils. Au contraire, les massacres ont redoublé d’intensité, les violations des droits humains en toute impunité ont augmenté, tandis que les officiers de l’armée et de la police ont trouvé une nouvelle aubaine pour leur affairisme et pour tracasser la population. D’où notre mobilisation pour que les vrais remèdes aux massacres soient appliqués, y compris l’assainissement des forces de défense et de sécurité, les poursuites contre les auteurs des violations des droits humains et les prédateurs économiques, ou encore un programme DDR crédible et efficace.
Fait à Beni, le 24 Janvier 2022
Pour la LUCHA
La cellule de Communication