Intervenons-nous

Modeste Bahati Lukwebo est arrivé au Kivu le dimanche 4 octobre 2020 par la ville de Goma au Nord-Kivu. Sur place, l’autorité morale d’une aile de l’Alliance des Forces Démocratiques du Congo (AFDC-A) a précédé l’arrivée du Président Tshisekedi qui est venu quelques heures après, c’est-à-dire le lundi 5 octobre.

Sur place, l’intention du sénateur Lukwebo était claire : démontrer qu’il est porté par les Kivutiens et qu’il pourrait peut-être jouer le remplaçant de Vital Kamerhe, Directeur de Cabinet de Tshisekedi, condamné à 20 ans des travaux forcés pour détournement présumé des fonds alloués au programme d’urgence des 100 jours de Tshisekedi.

Tshisekedi arrive à Goma, il lui recommande même selon certaines indiscrétions, à Mike Hammer, l’ambassadeur américain en RDC (particulièrement impliqué dans la condamnation de Kamerhe et actif dans la politique intérieure de la RDC) pour quelques temps d’échanges autour « de la paix et la sécurité au Kivu ».

Lukwebo devient par cette occasion le rare politique du Kivu à avoir rencontré le représentant de Donald Trump en tournée dans cette partie de la République.

Les mêmes méthodes

Déjà à Bukavu (Sud-Kivu), ville voisine de Goma au Nord-Kivu, Lukwebo annonce son arrivée le mardi 6 octobre. Il veut avoir une ampleur, une mobilisation pour pouvoir définitivement convaincre le nouvel allié, l’UDPS, qu’il est important dans la région. Ruse, mobilisation monnayée, discours changeants selon qu’il est à Goma ou à Bukavu : bref, un Bahati Lukwebo et son parti qui usent des mêmes méthodes.

Mobilisation monnayée

Alors qu’il devait arriver aux environs de 10 heures via le Port Ihusi de Bukavu, Lukwebo arrivera peu après 14 heures.

Dans la matinée, des bus ont commencé à être mobilisés et dispatchés à travers les principales rues, des personnes embarquées avec la promesse de revenir avec des « frais de transport » qui varient généralement entre 1000 et 5000 francs congolais. Ils ne sont que des simples citoyens, pas vraiment des sympathisants et/ou militants de son parti politique. Dans cette mobilisation, on y retrouvera deux élus provinciaux UNC dont on dit proches de Lukwebo depuis des lustres.

Jusque tard dans la soirée, on verra des groupuscules sur toutes les ruelles proches de la place de l’indépendance en train de se partager le butin. Une femme se place ne cache pas la raison de son arrivée.

«Depuis quand je connais Lukwebo, moi, je suis venue chercher de quoi vivre aujourd’hui. Qu’il vienne vite, pour qu’on aille dans d’autres activités», s’impatiente maman Wabi, venue de l’axe Essence-Panzi que Laprunellerdc.info rencontre vers 12 heures assise devant la Tribune de la Place de l’Indépendance.

La distribution des billets des francs congolais aux personnes venues attendre Bahati Lukwebo n’étonne personne à Bukavu. Si pareille pratique n’est pas surprenante dans la classe politique congolaise, Lukwebo est lui connu pour ça en particulier. « Lui, c’est l’argent », dit fièrement une autre maman venue de Kadutu.

Discours changeants selon les circonstances

Devant plusieurs habitants à Bukavu, Bahati Lukwebo sait parfaitement bien qu’il n’est pas en face de ceux acquis à sa cause. Il sait qu’il est sur un terrain glissant, lui qu’on accuse de vouloir prendre la place de Kamerhe dans la région. Sur les réseaux sociaux, des messages le qualifiant de « traitre éternel » circulent. Sur place à Bukavu, des habitants veulent avoir la position de chaque leader du Sud-Kivu sur la condamnation du leader de l’UNC.

Lukwebo trouve une formule : parler de Vital Kamerhe au public avant même de saluer son assistance.

« Avant tout, je vous dis que je pourrais être dans la joie si notre frère Vital Kamerhe était libre. Vous savez tous sa situation, nous allons prier et continuer à plaider pour lui afin qu’il s’en sorte », a-t-il annoncé sous les acclamations nourries de son assistance.

Lire aussi: Premières paroles de Lukwebo à Bukavu : « nous allons continuer à plaider pour que notre frère Vital Kamerhe quitte dans cette situation »

Ce sera le seul moment que le sénateur reçoit des applaudissements nourris; pourtant il a évoqué brièvement ses positions sur la question de la CENI, de la sécurité et de la paix en RDC et au Kivu particulièrement. Était-il devant ses sympathisants ou devant ceux des autres partis politiques ? La question reste posée.

A Goma, il n’a pas pris soins de dire quoi que ce soit sur celui qu’il appelle « son frère ».

Pourtant du côté de l’UNC à Kinshasa on est « étonné » du discours de Lukwebo. L’homme n’a jamais pris soins ni lui rendre visite à la prison où il croupit depuis des mois ni désapprouver clairement sa condamnation. Dans un message non authentifié sur les réseaux sociaux, il avait juste exprimé sa solidarité sans être plus explicite. Habitué aux médias, le sénateur n’aura jamais pris une seule seconde pour apporter un soutien à Kamerhe. C’aura encore été son langage à Bukavu.

Une source à l’AFDC expliquera plus tard qu’il ne pouvait pas prendre clairement position en faveur de Vital Kamerhe alors qu’il se bat pour une alliance avec Tshisekedi pour le contrôle du Kivu.

Des intentions connues

Pour confirmer les intentions de l’homme fort d’une aile de l’AFDC, un message sera largement relayé depuis la soirée de ce mardi.

Dans ce message envoyé, visiblement  au président Tshisekedi, Lukwebo se plaint d’avoir été empêché de s’exprimer à la population de Bukavu. Il accuse le gouverneur qu’il dit avoir fait élire de le faire au nom de son allégeance au FCC de Joseph Kabila.

«Excellence monsieur le Président, vivement l’Etat de droit ! Inimaginable : le Gouverneur Théo Kasi Ngwabidje du Sud-Kivu que j’avais choisi, soutenu et fait élire au nom de l’AFDC-A, me refuse l’accès à la tribune publique pour saluer la population car il fait maintenant allégeance au FCC. Des policiers lourdement armés ont pris d’assaut la place de l’indépendance. Ceci est révoltant et peut embraser la ville de Bukavu. Je sollicité votre instruction, surtout que le regroupement AFDC-A avait écrit au maire de la ville 4 jours avant. En plus, c’est dans mon fief électoral. Très haute considération », écrit le Professeur Lukwebo.

A la lumière de son message, on note clairement l’intention du sénateur Lukwebo de faire croire qu’un incident dans une de ses manifestations peut « embraser » toute la ville. Pourtant, il n’est pas le premier à connaître pareille injustice. Bukavu ne s’est pas embrasée pour autant. Par ailleurs, choisir directement de saisir la première institution du pays en « pleurnichant » alors qu’il est bien conscient de l’ambiguïté de la lettre de l’AFDC-A sur son arrivée à Bukavu étonne plus d’un.

En effet, la force publique avait déjà pris soins de demander aux personnes massées devant la tribune de la Place de l’Indépendance de dégager. Quitter le lieu car, selon des sources au sein de l’Hôtel de ville, l’AFDC n’a ni demandé cette place pour un quelconque meeting ou n’a pas fait allusion à une adresse publique dans la lettre demandant la sécurité pour l’arrivée de Lukwebo au Sud-Kivu. Une interdiction tout de suite condamnée par des structures de la Société Civile du Sud-Kivu qui rappellent qu’il y a quelques jours, le sénateur Rubuye a tenu, tambour battant la même mobilisation à cette place.

L’élu des élus du Sud-Kivu prendra quand même quelques minutes pour parler aux personnes venues l’attendre. Cette fois, devant le bureau de son parti, l’AFDC. Aucun incident signalé.

En plus, en évoquant Bukavu comme son fief électoral, Lukwebo soutient toujours comme dans son court meeting, qu’il a été victime de la fraude électorale. C’est comme cela qu’il justifie sa non-élection aux législatives nationales. Pourtant, dans cette ville, il aura été parmi les leaders politiques les moins portés sérieusement par les populations lors des précédentes élections. Généralement candidat dans le Kabare, Lukwebo avait choisi Bukavu en 2018 après des sérieuses difficultés à se faire élire facilement.

« Comment Bukavu devient ce fief électoral pour lequel il faut se vanter ? », s’interroge un internaute sur son message adressé au Président, avant de rappeler que c’est au cours des mêmes élections de « fraude » de 2018 qu’il a été porté au sénat par des députés du Sud-Kivu.

En attendant, plusieurs leaders politiques du Sud-Kivu se montrent méfiants envers Lukwebo qu’on accuse de ne voir que le pouvoir.

« Demandez-lui ce qu’il pense des problèmes des sud-kivutiens, il ne dira rien. Il est simplement pressé de revenir au pouvoir parce que son business tarde à décoller après toutes ses difficultés avec le FCC. Rien d’autres. Il a trouvé une occasion pour vendre du vend à ses nouveaux alliés mais il connait bien que le terrain n’est pas vendre », tacle un cadre de l’AFDC-A de l’aile Néné Nkulu.

A quoi donc joue Lukwebo en arrivant au Kivu? Quelle destination politique tente-t-il de prendre ? Tient-il toujours à remonter sa côté de popularité au prix de n’importe quel sacrifice ? Les prochaines heures ne tarderont pas à être plus révélatrices de ses réelles intentions.

Jean-Luc M.

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2 commentaires

  1. Roger SADIKI MUGANGUZI alias RSM on

    Cet article est très différent des articles de notre très cher média en ligne Laprinellerdc et ça prouve une manipulation politique à outrance et ça risque de discréditer la maison en question. Cet article est de la plume de Nyamoma donc le journaliste en question n’a fait que  » POSTER  » Copier coller selon la volonté de celui qui a payé l’article.

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