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    Le 24 août 1998, Kasika fut le théâtre d’un massacre d’une barbarie indicible : plus d’un millier d’âmes innocentes y furent brutalement arrachées à la vie. Près de trois décennies plus tard, cette tragédie reste gravée dans la mémoire collective des Banyindu, tandis que le monde semble détourner le regard. Aucun coupable n’a été traduit en justice, aucune réparation digne n’a été offerte aux survivants, et le silence persistant de la communauté nationale et internationale amplifie la douleur des familles. Dans cette tribune, Ernest Mukamba Mbilika, enseignant et représentant de la communauté Nyindu au Lualaba appelle à reconnaître Kasika pour ce qu’il fut : un crime contre l’humanité, un génocide nié, mais dont la mémoire continue de résister et exige vérité, justice et réparation (Tribune)

    « Le 24 août 1998, à Kasika, plus d’un millier d’âmes innocentes furent brutalement arrachées à la vie dans un massacre d’une barbarie inouïe. Près de trois décennies plus tard, la terre saigne toujours, laissée à vif dans la mémoire collective, tandis que le monde détourne encore le regard. »

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    Cette tribune de Ernest Mukamba Mbilika, enseignant à l’Université de Kolwezi et Représentant de la communauté Nyindu dans la province de Lualaba est un message à la communauté internationale autorités.

    Aucune enquête sérieuse, aucune justice n’a été rendue, aucun geste de réparation digne envers les survivants n’a été posé.

    Le Rapport Mapping des Nations Unies de 2010 a clairement qualifié ces crimes, perpétrés dans le territoire de Mwenga et particulièrement à Kasika, de « crimes contre l’humanité, voire de crimes de génocide ». Pourtant, l’indifférence de la communauté nationale et internationale reste insupportable. Pour le peuple Banyindu, cette date n’est pas un simple souvenir figé, mais une cicatrice à jamais gravée au fer rouge dans sa mémoire collective.

    Ce massacre ne représente pas uniquement des chiffres sur un rapport : ce sont des vies détruites, des enfants arrachés, des vieillards exterminés, des mères mutilées, et des leaders spirituels décimés dans leurs sanctuaires. Comme le disait si justement Aimé Césaire, « un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ». Ainsi, notre appel résonne comme un cri de dignité, exigeant justice et réparation.

    Plus blessante encore est la négation persistante de cette tragédie. Nous rappelons notamment les propos insensibles d’un haut prélat de l’époque, Monseigneur Jérôme Gapangwa, qui avait minimisé le massacre à de simples émeutes. Ces paroles, appuyées par certains milieux diplomatiques, ont contribué à travestir l’histoire, blessant à nouveau la mémoire des victimes. Primo Levi, survivant de la Shoah, mettait en garde contre ce danger : « Celui qui nie Auschwitz serait prêt à recommencer Auschwitz ». Nier Kasika, c’est ouvrir la porte à de nouvelles catastrophes.

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    Aujourd’hui, la jeunesse Nyindu se lève et interpelle la nation congolaise ainsi que la communauté internationale. Nous demandons :

    – La tenue d’enquêtes indépendantes et transparentes pour identifier les coupables ;

    – La création d’un tribunal spécial chargé de juger les responsables ;

    – La mise en place de mesures réparatrices, notamment par des centres psychosociaux dédiés aux victimes et à leurs familles ;

    – Sans justice, il ne peut y avoir de réconciliation, rappelait le Prix Nobel Desmond Tutu.

    Malgré la marginalisation persistante de notre peuple, qui se traduit par une absence quasi-totale de représentants Nyindu dans les hautes sphères de l’État, et la reconduction de bourreaux dans des postes de responsabilité, notre détermination reste intacte. Nous refusons le silence et l’oubli, parce que, comme l’affirmait Élie Wiesel, « le bourreau tue toujours deux fois, la seconde par le silence ».

    Kasika est une mémoire qui résiste. Nos forces Wazalendo, sous le commandement courageux de généraux tels que Nnyi’kiriba et Kakobanya Nakalambi, tiennent ferme sur la ligne de front, refusant d’abandonner notre territoire stratégique. Notre dignité et notre histoire sont nos armes dans cette lutte pour l’intégrité nationale.

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    Le sang versé à Kasika réclame vérité. La mémoire insiste pour que justice soit faite. Et les survivants exigent réparation. Il est temps que Kasika ne soit plus un génocide oublié, mais le symbole d’un peuple qui se bat pour sa dignité, sa justice et son avenir »

    Ernest Mukamba Mbilika

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