Intervenons-nous

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné ce jeudi 30 septembre l’ancien président Nicolas Sarkozy à une peine d’un an de prison ferme pour financement illégal de campagne électorale, dans le cadre de l’affaire Bygmalion, une peine aménageable en détention à domicile sous surveillance électronique. Il a annoncé qu’il allait faire appel.

La peine de l’ancien président français sera directement aménagée, a précisé le tribunal. L’avocat de Nicolas Sarkozy a immédiatement affirmé qu’il allait faire appel.

Des peines allant de deux ans à trois ans et demi de prison, dont une partie avec sursis, ont été prononcées contre ses 13 coprévenus.

Nicolas Sarkozy, absent à l’audience ce jeudi, a poursuivi l’organisation de meetings, après avoir été « averti par écrit du risque de dépassement » du plafond légal, a dit la présidente Caroline Viguier.

« Ce n’était pas sa première campagne, il avait une expérience de candidat », a poursuivi la magistrate. La peine prononcée est supérieure aux réquisitions du parquet qui avait proposé un an dont six mois avec sursis.

En mars, il était devenu le premier ancien président français (2007-2012) à être condamné à de la prison ferme -trois ans dont un ferme-, pour corruption et trafic d’influence, dans une affaire dite « des écoutes », dans laquelle il était poursuivi pour une tentative présumée de corruption d’un juge. Il a fait appel.

Contexte

Pendant la campagne pour sa réélection à la tête de la France en 2012, Nicolas Sarkozy a été un « candidat désinvolte », demandant « un meeting par jour », des « shows à l’américaine » et a laissé filer les dépenses sans s’en préoccuper, avait soutenu le parquet dans son réquisitoire.

Un montage illégal entre le parti de la majorité d’alors, l’UMP -que M. Sarkozy rebaptisera LR par la suite- et la société organisatrice de meetings Bygmalion, aurait couvert cette campagne somptuaire.

Contrairement à ses 13 coprévenus (anciens cadres de la campagne et de l’UMP ainsi que de la société Bygmalion), Nicolas Sarkozy n’était pas mis en cause pour le système de double facturation imaginé pour masquer l’explosion des dépenses de campagne autorisées.

Il n’était jugé que pour « financement illégal de campagne ». Mais il a « incontestablement » bénéficié de la fraude, disposant de moyens bien supérieurs à ceux que la loi autorisait – au moins 42,8 millions, soit près du double du plafond légal à l’époque.

Parmi les autres prévenus, son ancien directeur de campagne, Guillaume Lambert, a été condamné à trois ans et six mois de prison, dont deux ans avec sursis, pour escroquerie et complicité de financement illégal de campagne électorale.

Pour les mêmes charges, Philippe Briand, ex-président de l’association de financement de la campagne, a écopé de deux ans de prison dont un an avec sursis.

Les deux hommes ont participé à toutes les réunions hebdomadaires qui ont permis de mettre en place à partir de mars 2012 le processus frauduleux et de le valider collectivement, a estimé la présidente du tribunal.

Jérôme Lavrilleux, ancien directeur adjoint de la campagne présidentielle de 2012, a pour sa part été reconnu coupable d’abus de confiance, de complicité d’escroquerie et de financement illégal de campagne électorale et condamné à trois ans de prison dont un an avec sursis. Il a aussi écopé d’une peine d’inégibilité de trois ans.

De son côté, Franck Attal, responsable de la société d’Event & Cie chargée de l’organisation des meetings, a été condamné à deux ans de prison, dont un an avec sursis, et à une amende de 100 000 euros pour complicité de faux, d’usage de faux, d’escroquerie et de financement illégal de campagne électorale.

« Ça se serait vu »

Nicolas Sarkozy avait lui tout nié en bloc. « Une fable ! », s’était-il emporté à la barre. « Elle est où la campagne qui s’emballe? Elle est où la campagne en or massif ? », avait-il scandé, prenant tout le monde à partie. « Il y a eu des fausses factures et des conventions fictives, c’est avéré ».

Mais « l’argent n’a pas été dans ma campagne, sinon ça se serait vu », avait martelé l’ancien président français, estimant que Bygmalion -fondé par des très proches de son rival Jean-François Copé, alors patron du parti UMP- s’était « goinfré » sur sa campagne.

Sa défense avait plaidé la relaxe. « Il n’a signé aucun devis, il n’a signé aucune facture, il a accepté toutes les restrictions qu’on lui a demandées. Il est loin d’être un candidat hystérique, insatiable », avait mis en avant son avocate Me Gesche Le Fur.

Contrairement à ses coprévenus présents tous les jours, Nicolas Sarkozy n’était venu à l’audience que pour son interrogatoire. Une façon de se placer « au-dessus de la mêlée » qui avait ulcéré le parquet.

La « totale désinvolture » de celui qui « ne regrette visiblement rien » est « à l’image de la désinvolture dans sa campagne », avait lancé la procureure Vanessa Perrée.

Révélé deux ans après la défaite de M. Sarkozy, le scandale avait entraîné des déflagrations politiques en série à droite. « Il y a quatorze prévenus et presque autant de versions ».

La plupart « n’ont rien vu, rien su, rien entendu, ils ont été victimes de manipulations ou ont servi de fusibles », avait moqué le parquet, pour qui leur culpabilité ne « fait aucun doute ».

Une question, centrale, restera pourtant en suspens, avait admis la procureure. « Qui a ordonné le système? Nous n’avons pas assez d’éléments pour le démontrer ».

Avec RFI

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