«Ce que nous vivons dans notre pays aujourd’hui, les drames humains que nous soignons à Panzi sont des conséquences de l’amnésie ».
Propos du médecin directeur de l’hôpital de Panzi, le docteur Denis Mukwege lors de son élévation au titre de docteur Honoris causa de l’Université Protestante au Congo (UPC), ce mardi 10 mars 2020 à Kinshasa.
Au cours de cette cérémonie, le lauréat du jour Denis Mukwege, a insisté sur les cas de violation à répétition des droits humains commis actuellement en République Démocratique du Congo.
Pour le Docteur Mukwege, les peuples qui ne réfléchissent pas sur leur passé sont condamnes à le revivre. «Une tendance lourde de notre histoire depuis des siècles.»
«Le temps est venu de nous réveiller. Le temps est venu de sortir de notre amnésie collective et de notre torpeur. Car, ce que nous vivons dans notre pays aujourd’hui, les drames humains que nous soignons à Panzi sont des conséquences de l’amnésie. L’amnésie d’une guerre économique de longue durée dont notre peuple est à l’évidence le dindon de la farce. C’est une tendance lourde de notre histoire depuis des siècles » s’inquiète le médecin Directeur de l’hôpital de Panzi.
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C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il note que l’’événement d’aujourd’hui renforce sa foi dans la capacité de l’UPC, des autres universités et dans la capacité des femmes et les hommes d’être à l’avant-garde de l’engagement contre cette amnésie.
«En cela, ce doctorat honoris causa loin d’être une reconnaissance pour un homme s’avère davantage être une reconnaissance pour une cause qui inscrit votre université et chacun de vous dans le plus grand défi de notre temps : le défi de notre dignité en tant que peuple. L’Université, temple du savoir, a la responsabilité scientifique, civique et morale d’instruire, de former et d’informer avec objectivité les citoyens sur leur histoire. Surtout lorsque celle-ci est jalonnée des tragédies et des violations des droits humains à répétition», avertit « l’homme qui répare les femmes ».
En appelant à sortir de l’amnésie, le Docteur Denis Mukwege rappelle que l’histoire de la Rd Congo s’est malheureusement écrite comme un « éternel recommencement », comme une répétition des pillages, des massacres, des violations des droits humains, de l’impunité « et des rendez-vous manqués avec l’avenir ».
Il appelle par ailleurs à rendre justice. « Toutes les horreurs que les congolais ont subies depuis plus de cent ans n’ont jamais été portées devant la justice, » s’est-il indigné.
Il invite à chacun à s’engager afin que les massacres d’aujourd’hui ne puissent, à nouveau, rester impunis.
« Je suis persuadé que ce pan terrifiant de notre histoire ne peut être relégué aux oubliettes. Le devoir de mémoire s’impose à nous et l’université devrait en être un des porte-étendards. Et ce devoir de mémoire devrait déboucher sur l’effectivité de la justice », a-t-il dit.
Joël Mugisho