Intervenons-nous

La journée internationale de la liberté de la presse a été célébrée, le 3 mai dernier. Les membres du Comité exécutif de l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA) ont profité de cette occasion pour rendre publique une lettre ouverte intitulée : « Sauvez ce qui peut encore l’être, la presse s’étouffe ».

Dans cette lettre ouverte, OLPA interpelle le Chef de l’Etat sur la situation de la liberté de la presse depuis 15 mois et la précarité des conditions socioprofessionnelles des journalistes en RDC.   

Ci-dessous l’intégralité de la lettre ouverte :

Lettre ouverte des membres de l’OLPA au Président FélixTshisekedi Tshilombo

« Sauvez ce qui peut encore l’être, la presse s’étouffe »

Kinshasa, le 3 mai 2020

Monsieur le Président de la République,

A l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse célébrée mondialement le 3 mai de chaque année, les membres du Comité exécutif de l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA), organisation non gouvernementale de défense et de promotion de la liberté d’information basée à Kinshasa, saisissent cette opportunité pour interpeller votre Autorité sur la situation des médias et des journalistes exerçant en République démocratique du Congo.

La journée internationale de la liberté de la presse de cette année est axée sur un thème aussi interpellateur : « Journalisme sans crainte ni complaisance ». A l’Observatoire de la liberté de la Presse en Afrique, cette date revêt une double signification à savoir la célébration de cette journée dédiée à ce corollaire d’une liberté aussi fondamentale qu’est la liberté d’expression, mais aussi celle de l’anniversaire de l’organisation qui vous saisit ce jour. OLPA totalise, en effet, 16 ans d’existence dans le domaine de la liberté de la presse en République démocratique du Congo.

Témoins privilégiés du paysage médiatique congolais depuis plus d’une décennie, les membres du Comité exécutif de l’OLPA ne sauraient rester indifférents face à la situation relativement inquiétante que traverse la presse nationale, et se refusent de s’abriter derrière le mur du silence.

Il y a lieu de rappeler que votre avènement au pouvoir, le 24 janvier 2019, a suscité beaucoup d’espoirs dans le chef des professionnels des médias exerçant dans notre pays, surtout après votre ferme engagement de faire de la presse un véritable quatrième pouvoir aux côtés de trois autres pouvoirs traditionnels. En outre, votre statut d’ancien opposant politique et témoin oculaire des brimades vécues par la presse auguraient des lendemains meilleurs. D’où, la kyrielle des rassemblements de protestation de plusieurs journalistes de Kinshasa au cours du mois de février 2019. Ces derniers voulaient exprimer leur ras-le-bol après plusieurs années de terreur et d’étouffement de toute action de protestation.

Hélas ! Il y a lieu d’être plus inquiets sur la situation de la liberté de presse depuis 15 mois. Nos services ont pu documenter plus d’une centaine des cas d’atteintes au droit d’informer et d’être informé, dont la majorité des auteurs sont des agents de différents services étatiques. La situation serait encore pire si vous n’aviez pas interdit à certains services de l’Etat à l’instar de l’Agence nationale des renseignements (ANR) de ne plus détenir de paisibles citoyens pendant plus de 48 heures.
Il ne se passe pas une semaine sans que notre département d’Alertes et enquêtes ne soit saisi d’un cas d’interpellation ou de menace contre un journaliste ou un média travaillant dans une de 26 provinces du pays.

En outre, la conjoncture économique difficile et la pandémie de Coronavirus ont contribué de manière significative à la détérioration des conditions socio-professionnelles des journalistes et des médias. La presse écrite congolaise est au bord de la faillite. Les journaux sont quasiment invisibles sur le marché dans 25 provinces du pays. Plusieurs dizaines des journalistes ont été mis en congé technique au cours de ces dix derniers mois. Situation similaire dans la presse audiovisuelle où plusieurs d’autres ont été licenciés abusivement après des mouvements de protestation de février 2019. Si le secteur public tient encore le coup, l’audiovisuel privé est également asphyxié. Les médias en ligne ne sont pas non plus épargnés par la crise. Les conditions de travail des journalistes nationaux travaillant pour le compte des médias internationaux sont aussi précaires que vous ne pourriez l’imaginer. Et l’Etat congolais semble s’être désengagé de son obligation d’aide directe et indirecte à la presse consacrée par les dispositions de la loi du 22 juin 1996.

Monsieur le Président de la République,

Il est grand temps que vous brisiez de nouveau le silence et que vous passiez aux actes en tentant de sauver encore ce qui peut l’être. La presse qui vous a accompagné dans votre combat pour l’avènement de l’Etat de droit s’étouffe lentement et progressivement.

OLPA vous prie donc de bien vouloir interdire formellement les services de l’Etat de porter atteinte à la liberté de presse garantie par les instruments juridiques nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme sur toute l’étendue du pays. Les contrevenants devraient subir la rigueur de la loi. C’est la condition sine qua none pour promouvoir un journalisme sans crainte, sans complaisance ou sensationnalisme en République démocratique du Congo.

Enfin, les membres de l’OLPA restent convaincus que vous ne ménagerez aucun effort pour annoncer des décisions importantes, en vue d’aider la presse congolaise à sortir de sa situation de précarité.

Ce dont ils vous remercient vivement

Pour le Comité exécutif

Kabongo  Mbuyi,

Secrétaire Exécutif

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