Intervenons-nous

« A tous les cœurs brisés par le sort inique de Vital Kamerhe, l’oublié de ces temps! » c’est le titre de la nouvelle tribune de l’Abbé Kabazane Nsibula, ami de Vita Kamerhe. 

L’Abbé Kabazane que connaissez déjà et lisez souvent à Laprunellerdc.info; dit s’adresser à tous ces millions de Congolaises et Congolais, déçus et désemparés de voir que Vital Kamerhe n’a toujours pas quitté la prison.

Kamerhe est-il oublié de Dieu et des hommes? Victime de l’ingratitude politique? Vous lire en intégralité ce que pense l’Abbé Jean-Baptiste Kabazane. 

Ici l’integralité de latribune,

Temps de Dieu, temps des hommes mais temps de Dieu n’est pas celui des hommes

On le dira jamais assez, les rues et les sentiers de quatre coins de la R.D.C. sont actuellement jonchés de personnes étonnées, déçues, en mal de patience , ne comprenant rien du sort de Vital Kamerhe, discutant entre elles des événements qui tissent la une des journaux au Pays de Lumumba. Interrogées, comme les disciples d’Emmaüs au matin de Pâques : » De quoi discutez- vous en marchant? »(LC 24, 17), certaines personnes éclatent avec colère : tu es le seul étranger en RDC qui ignore les événements de ces jours, dont la condamnation injuste et préfabriquée de Vital Kamerhe , qui nous plonge en deuil ; nous qui espérions que la justice allait laver la malédiction versée sur le Pays par la haine et la jalousie ayant conduit à l’ acharnement contre le Directeur de Cabinet du Président Tshisekedi ! 

C’est à ces millions de Congolaises et Congolais déçus et désemparés, c’est à Vital Kamerhe et à son allié de Nairobi, le Magistrat suprême, que j’adresse cette méditation sur le temps de Dieu qui est ,et qui n’est pas , celui des hommes.

Partout on parle, on interviewe , on écrit, il y a dialogue et convention, plaidoyers de toutes sortes mais le grand absent sur les lèvres et les plumes des négociateurs est Vital Kamerhe. Comment comprendre cette ingratitude nationale et cette méchanceté politique aux conséquences historiques incalculables? Nous nous inspirons de l’article SBEV, Pierre Debergé,  » Temps de Dieu , temps de l’homme », en 2000.

1. Temps de Dieu, temps des hommes

 » Il y a un temps pour tout », affirme Qohélet( cf. Ecclesiaste 3,1-15).
Il y a un temps pour tout… ». Voilà qui est évident. Et pourtant,on s’étonne de l’insistance des sages de la Bible à rappeler que de deux choses contraires, on ne peut en accomplir qu’une à la fois. Comme si nous ne savions pas que toute chose doit être faite au bon moment ; et que lorsque c’est le temps de planter, on ne va pas se mettre à arracher ! Comme il ne sert d’ailleurs à rien non plus de planter quand est venu le temps d’arracher.

2 . Consentir au temps

Pourquoi Kamerhe est absent des débats et négociations des grands de la RDC? D’où le secours lui viendra-t-il?
On parle souvent du  » laisser le temps au temps » pour dire que le temps apporte ses solutions et ses précisions au temps venu . Le temps est un des secrets du bonheur et il nous faut consentir à l’harmonie des temps et des moments qui dessinent, dans leur diversité, la partition où chacun apprend à vivre pleinement son temps. Lieux et temps semblent ainsi disposés pour que chacun puisse vivre paisiblement.

L’auteur du Psaume s’émerveille, fasciné par la belle régularité du temps et le merveilleux ordonnancement des espaces : » Il fit la lune pour marquer les temps,
le soleil connaît son coucher.
Tu poses la ténèbres, c’est la nuit,
toutes les bêtes des forêts s’y remuent….
Quand se lève le soleil, ils se retirent
et vont à leurs repaires se coucher ;
l’homme sort pour son ouvrage,
faire son travail jusqu’au soir.
Que tes œuvres sont nombreuses, YHWH !
Toutes avec sagesse tu les fis,
la terre est remplie de ta richesse » (Ps 104,19-24).

Il y a un temps pour tout, mais ce temps ne nous appartient pas. C’est sans doute pour cela que Qohélet commence par nommer deux moments que l’on ne maîtrise pas : celui du naître et celui du mourir. Tous deux délimitent la vie de l’homme sur terre. Reçus, parfois même subis, ils lui échappent souvent. Car le temps est un don qu’il faut accueillir. Mais si c’est à chacun d’habiter pleinement le temps qui lui a été donné, c’est aussi faire preuve de sagesse que de se plier au temps et d’accepter de ne pas en être le maître. Le temps ne nous appartient pas et voilà pourquoi nul ne peut dire avec précision la ligne que prendra l’histoire. Les rêves d’hier sont des réalités d’aujourd’hui, et les réalités d’aujourd’hui, des utopies de demain.

3. Goûter le temps

Une année bientôt de souffrance morale , sociale et physique pour celui qui a bravé les intempéries, convaincu les masses en campagne électorale de décembre 2018 avec l’actuel Chef de l’État,son allié, mais qui , hélas, ne peut goûter avec lui aujourd’hui des fruits de son labeur?

Que faire lorsqu’on a compris que le temps ne nous appartient pas et qu’il peut nous échapper à tout moment ? Cette question est de toujours et la réponse de Qohélet n’a pas vieilli : « Voici ce que j’ai vu : le bonheur qui convient à l’homme, c’est de manger et de boire, et de trouver le bonheur dans tout le travail qu’il accomplit sous le soleil tout au long de la vie que Dieu lui donne, car c’est là sa part. Et tout homme à qui Dieu donne richesse et ressources, qu’il laisse maître de s’en nourrir, d’en recevoir sa part et de jouir de son travail, cela est un don de Dieu. » (Qo 5,17-19).

On a souvent dit que la vie était une « vallée des larmes » qu’il fallait traverser pour parvenir à un bonheur inaccessible ici-bas, mais promis dans un au-delà incertain. Rien de tel chez Qohélet, mais une conviction étonnante : si Dieu nous a donné la vie, c’est pour que nous la goûtions. Car le goût est une dimension du rapport au temps. Manger et boire ne signifient pas alors s’empiffrer ou s’étourdir mais goûter le bonheur quand il se présente.

Si le présent se savoure comme un don de Dieu quand il a sa couleur de joie ou de nouveauté, il y a pourtant la désespérante régularité qui fait se succéder à une journée de travail une autre journée de travail. Certes le sabbat ou le dimanche brise cette régularité mais c’est pour mieux fonder la patience et la persévérance. Au cœur même des habitudes, il faut alors se préparer à recevoir la nouveauté quand, au détour d’une journée, elle nous sera donnée.

4 . Le mystère du temps : qui pouvait le croire? Les choses ont changé: Kamerhe faiseur des Présidents récompensé en monnaie de singe !

A l’opposé du temps que l’on goûte, où l’on jouit, il y a la tragique expérience du temps où tout semble se déconstruire, emportant espoirs et projets dans un tourbillon désordonné et désespéré .

Lorsque , par exemple, survient la maladie, l’échec ou la prison, la privation des bénéfices mérités, lorsque ruptures et épreuves viennent balayer les liens d’amour ou d’amitié que l’on avait longuement tissés, il faut alors accueillir le mystère du temps…

A Job qui s’était opposé à ceux qui refusaient ce mystère du temps et préféraient élaborer de stériles théologies, Dieu finira par apparaître un jour. Et il l’invitera à contempler les mystères de la création, non plus matière offerte à la technique des hommes mais beauté qui s’offre dans sa gratuité : « Ceins tes reins comme un brave je vais t’interroger et tu m’instruiras. Où étais-tu quand je fondai la terre ? Parle, si ton savoir est éclairé (…). Es-tu parvenu jusqu’aux dépôts de neige ? As-tu vu les réserves de grêle que je ménage pour les temps de détresse, pour les jours de bataille et de guerre ? » (Job 38,2-3. 22-23).

Kamerhe est-il abandonné de Dieu et des hommes?
En son temps, par l’intermédiaire du prophète Isaïe, Dieu avait déjà rappelé à son peuple que ses vues ne sont pas celles des hommes, et que son temps dépasse le leur : « Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, oracle de YHWH. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de vos voies et mes pensées au-dessus de vos pensées » (Isaïe 55,8-9).

En effet, Dieu, Maître du temps écrit droit sur des lignes courbes et brisées, dit-on. Il ne prend conseil de personne. Prions-le de se pencher sur son fils et serviteur Vital Kamerhe abandonné et oublié par les siens.

5 .Racheter le temps

Bien des siècles après le prophète Isaïe, l’auteur de la Lettre aux Éphésiens écrira aux chrétiens d’Éphèse : « Soyez vraiment attentifs à votre manière de vivre: ne vous montrez pas insensés, mais soyez des hommes sensés, qui mettent à profit le temps présent » (littéralement « qui rachètent le temps présent ») (Ephésiens 5,15-17).

Cette expression – racheter le temps – étonnait sans doute ceux qui savaient que le rachat avait eu lieu une fois pour toutes, à travers la vie donnée du Verbe fait chair. Pas plus que nous, ces chrétiens du 1er siècle ne pouvaient pourtant oublier qu’en prenant notre condition humaine, avec ses joies, ses peines, ses maux et ses malheurs, le Fils de Dieu avait pleinement habité notre temps. En recevant ce temps de Dieu son Père, pour en faire un temps de communion avec les hommes, il avait tracé à l’humanité le chemin de l’existence véritable où l’on apprend, dans les limites de son temps, à se recevoir de Dieu et de ses frères.

Enfin, en traversant le temps de la mort, le Fils de Dieu fait- homme avait ouvert pour l’humanité une ère nouvelle, où le temps de l’amour l’emporte sur celui de la haine et le temps du pardon sur celui de l’offense, pour que soit à jamais détruit le règne de la mort et du péché. Parce qu’il savait que la puissance du Ressuscité féconde désormais le temps des hommes, l’auteur de la Lettre aux Éphésiens ne pouvait donc qu’encourager ses lecteurs à ne pas se tromper de temps.

Il était fini le temps de l’errance et des égarements, c’était maintenant celui du salut. A chacun de reconnaître dans chaque moment, dans chaque décision, dans chaque histoire, dans chaque événement, la présence de l’éternel dessein du salut de Dieu.

Le peuple souffre, le Pays s’étouffe , on crie: « rien ne va »: revenez , Kamerhe parmi les vôtres, nagez avec Félix et sauvez la Nation en péril! Instruisez – vous de l’histoire.
Lorsqu’en 1993, Itzak Rabin et Yasser Arafat signèrent les premiers accords israélo-palestiniens à Washington, Rabin conclut son allocution par ce bref commentaire : « Nous avons vécu le temps de la guerre. Eh bien, je crois que maintenant est venu le temps de faire la paix ». C’était une belle actualisation du fameux texte de Qohélet. C’était peut-être le signe que le salut de Dieu est à l’œuvre dans le temps des hommes. Pour l’accueillir et en vivre, il faut souvent mourir à soi pour naître à plus grand que nous. L’actualité en RDC nous montre malheureusement que cela n’est jamais gagné ! Mais il est possible de recommencer.

6. Dans la prière et quand on frappe à la porte, on découvre que mon temps n’est pas celui de mon interlocuteur.

Que sert encore de prier pour l’acquittement de Vital Kamerhe , lorsqu’on sait qu’il est prisonnier politique , victime expiatoire immolée à l’autel de la vengeance et de la haine, se demandent les congolais à bout de souffle!

En effet, quand je frappe à la porte de quelqu’un, j’ai tendance à faire coïncider mon temps avec le temps de celui qui est à l’intérieur. Moi, je me demande s’il est là ou s’il il est sorti, ou s’ il est méchant , il ne veut pas répondre et me recevoir . Mais c’est aussi possible qu’il a entendu, mais il est derrière la maison ou il est occupé à une chose urgente , ou il veut voir si je vais insister pour qu’il ouvre.

Kamerhe est fini , la messe est dite, murmurent certains !
Saint Pierre nous dit :
« Le Seigneur n’est pas en retard dans l’accomplissement de sa promesse, comme certains se l’imaginent, il fait simplement preuve de patience à votre égard, car il ne veut pas qu’un seul périsse. Il voudrait, au contraire, que tous parviennent à se convertir » (2 Pierre 3, 9). L’histoire de Lazare ressuscité par Jésus-Christ Christ montre bien qu’il n’est jamais en retard pour nous ressusciter. Son temps n’est pas le notre et quand bien même il est quatre jours en retard , il est toujours à temps! L’heure vient où les méchants contempleront celui qu’ils ont persécuté!

7 . Et nos prières et actions diverses pour l’acquittement de Vital Kamerhe, sont -elles stériles?

Cette question est dans beaucoup de têtes en RDC et au monde. Les prières que nous adressons à Dieu pour l’honorable Vital Kamerhe , victime du flou congolais entretenu à l’échelle internationale, ne passer de ont pas en vain, mais le Seigneur sait lui-même comment y répondre. Car, il écoute toujours mais il répond en son temps qui n’est pas le nôtre.

On raconte que deux personnes priaient chacune dans son coin, l’un indépendamment de l’autre. Un, qui transportait du sel dans un sac perméable demandait au Seigneur qu’il ne pleuve pas pendant son voyage. Et de l’autre côté , un bandit avec son canon priait pour qu’il ne pleuve pas afin de trouver qui terroriser. Eh bien , il a plu et le transporteur du sel était fâché contre Dieu, car son sel commença à s’abimer. Mais quand il a trouvé le bandit (qui allait lui arracher la vie sur le chemin ) avec canon déjà refroidi ( par la pluie) qui ne réussissait plus à lui faire mal, il a remercié Dieu d’avoir envoyé une pluie pour sa sécurité.

En langue mashi on dit : « Eyaciza nnayo enarhangiyôrha nka kumoma yamoma », pour dire que dans certains échecs , dans certaines situations humiliantes et tristes de la vie , peut se cacher une issue heureuse. Tant que Dieu n’a pas fermé les rideaux , point de place au désespoir, car sa lampe ne s’éteint jamais. Les heures sombres sont les heures de Dieu. Et son Christ glorifié a d’abord été un Messie humilié, au visage sans éclat ni beauté, défiguré par la sueur, les coups et les crachats, presque méconnaissable, semblable à celui des lépreux qu’il avait purifiés.

Abbé Kabazane Nsibula Jean-Baptiste.

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