Intervenons-nous

Ils acquiescent à chaque geste de l’actuel Président de la République Démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Tout ce qu’il fait est bon et salvateur pour le pays. Ils sont prêts à le défendre sur toute la ligne au pays comme à l’étranger même quand l’inquiétude autour de la violation des libertés s’accroit et qu’il tente d’avoir le contrôle sur toutes les institutions. Eux, ce sont des leaders politiques qui sont aujourd’hui au four et au moulin pour soutenir toute annonce, toute décision, tout geste venant de leur nouvel allié.

Mais qui sont-ils vraiment ? Sont-ils forcément intéressés par le bien-être des congolais ou par leur propre business qui a reçu un coup dur avec l’ancien régime de Joseph Kabila ?

Moïse Katumbi Chapwe

Prospère homme d’affaires depuis des années, Moïse Katumbi a également été élu Gouverneur du grand et ancien Katanga. Ses affaires n’avaient jamais été prospère que lorsqu’il dirige cette province pendant au moins 8 ans, c’est-à-dire entre 2007 et 2015. Tombé en disgrâce avec Joseph Kabila, Moïse Katumbi sera obligé de s’exiler pendant plusieurs années jusqu’à la prise de pouvoir de Tshisekedi. Plusieurs de ses affaires connaitront un revers sérieux dans le pays alors qu’il s’était désormais aligné dans l’opposition politique aux côtés de plusieurs autres leaders politiques.

Revenu au pays, la justice sous Tshisekedi lui donne raison dans presque tous les dossiers judiciaires déjà perdus sous l’ancien régime. L’homme reprend petit à petit le contrôle de ses affaires et n’est visiblement pas prêt à « gâcher la chance ».

Depuis quelques temps, il soutient tout ce que Tshisekedi entreprend, avec des propos parfois contradictoires et sans logiques.  Il est devenu plus saint que le pape, plus chrétien que Jésus-Christ lui-même.

Aujourd’hui cité de plus en plus dans le secteur minier, la famille Tshisekedi aura énormément besoin de lui pour consolider son emprise sur les ressources du Congo comme pour d’autres anciens Chefs d’Etat congolais.

Jean-Pierre Bemba Gombo

Ancien chef rebelle, Jean-Pierre Bemba Gombo est aussi et avant tout un puissant homme d’affaires comme son feu père Bemba Saolona.

Ancien Vice-Président de la RDC, il a passé plus d’une décennie en détention après sa condamnation en première instance en 2016 à 18 ans de prison pour les meurtres, viols et pillages commis en Centrafrique par sa milice entre octobre 2002 et mars 2003 avant d’être acquitté.

Président du Mouvement de Libération du Congo, il affronta en 2006 le président Joseph Kabila dans les urnes. Au deuxième tour Bemba avait réalisé le score de 42 % des voix. L’élection avait mis fin à une difficile transition politique, émaillée de crises politiques et de flambées de violences. Mais des combats à Kinshasa entre la garde rapprochée de Bemba et l’armée ont fait 300 morts en mars 2007. Inculpé pour haute trahison par le pouvoir, Jean-Pierre Bemba avait fui le pays pour l’Europe. Arrêté dans une banlieue de Bruxelles, il était en réalité depuis plusieurs mois dans le viseur de la Cour pénale internationale (CPI).

Revenu au pays pour déposer sa candidature à la présidentielle [qui sera enfin invalidée], Jean-Pierre Bemba est également resté aphone.

Par ailleurs, depuis plusieurs mois, ses proches et cadres de son parti ne cachaient pas leur soutien au nouveau Président ; peut-être pour se venger de son ancien collaborateur Joseph Kabila. Dans l’opinion, on le voit parmi ceux qui devraient être nommés comme informateur voulu par Tshisekedi afin de reconfigurer la majorité dans l’Assemblée Nationale.

Comme Katumbi, il a besoin que ses affaires renaissent et n’a pas à faire grand bruit aussi longtemps que l’homme fort de Kinshasa peut lui assurer protection et accompagnement.

Modeste Bahati Lukwebo

Fin calculateur quand il s’agit des postes politiques, Modeste Bahati Lukwebo c’est aussi et d’abord les affaires. Il va chez qui a le pouvoir. Plusieurs fois ministres sous Joseph Kabila dont il partage parfaitement le bilan, il commencera à s’émanciper de l’homme de Kingakati dès l’arrivée de Tshisekedi au pouvoir. Lukwebo se brouillera sérieusement avec Kabila quand il décide de rester candidat président du Sénat contre le candidat choisi par sa famille politique, le FCC à l’époque : Alexis Thambwe Mwamba qui remportera d’ailleurs la bataille.

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Plusieurs fois ministre, Lukwebo a fait long feu dans les affaires. Hôtellerie, ciment et autres affaires avec des exonérations sur presque tout son business. En disgrâce avec Kabila, l’Etat commença à lui réclamer d’exorbitants impôts et taxes qu’il n’aurait pas payés depuis des années. Plusieurs de ses affaires dans le Kivu commençaient sérieusement à être affectées qu’il n’avait pas d’autres choix que de se greffer sur le nouveau pouvoir. Son entourage rappelle toujours que l’homme aurait juré de ne jamais être dans l’opposition. Ce n’est pas bien pour les affaires, répète-t-on.

Tous contre le code minier révisé sous l’impulsion des USA

Dans cette guerre de positionnement des commerçants et hommes d’affaires, s’invitent les grandes nations, les multinationales. Devant un Joseph Kabila déjà embarrassant avec un discours de plus en plus « nationaliste » à la fin de son mandat, des capitales occidentales ne jurent que par le come-back dans l’exploitation des ressources naturelles du Congo. Pourtant, avant de partir, Kabila avait révisé le Code minier congolais avec la bénédiction des acteurs sociaux congolais pour qu’il soit profitable aux communautés locales.

Accusé déjà de tout donner aux chinois, Kabila sera rejeté par les puissances occidentales au premier rang desquelles les Etats-Unis d’Amérique qui veulent à tout prix avoir le contrôle sur les ressources naturelles du Congo. Il faut également à tout prix liquider l’actuel code minier devenu très gênant pour les multinationales.

Comment les Etats-Unis y parviendront-ils sans fragiliser l’ancien Président et tous ceux qui peuvent s’y opposer pour avoir le contrôle?

C’est là que tous les hommes d’affaires entrent en danse au nom du « peuple ».

Il faut dire que tous les trois hommes ont eu des échanges avec celui qu’on appelle le Vice-Président de la RDC, l’ambassadeur Américain Michael Hammer. Ce dernier se charge depuis des mois, d’obtenir des soutiens, même à l’aveugle de plusieurs autres chancelleries occidentales à Kinshasa afin de soutenir Tshisekedi quoi qu’il en soit. Finies les condamnations pour violations des droits de l’homme, finies les pressions pour la bonne gouvernance et la démocratie ; il faut d’abord fermer les yeux et boucher les oreilles en attendant que le travail arrive au bout.

Et voilà la guerre pour le contrôle de la FEC

L’autre élément qui prouve que les nouveaux dirigeants travaillent pour mettre la main sur l’économie congolaise, c’est la guerre autour de la gestion du Patronat congolais, la Fédération des Entreprises du Congo (FEC).

Alors qu’élu par ses pairs, la nouvelle justice sous Tshisekedi et les Etats-Unis décidera d’annuler les résultats exigeant que l’on recommence.

En vérité, Tshisekedi veut prendre le contrôle et les entrepreneurs congolais avaient déjà dénoncé l’immixtion de la présidence congolaise dans les affaires de la FEC en tentant d’imposer son candidat.

Muzito et Fayulu à l’écart ?

Candidat malheureux à la dernière présidentielle de 2018 selon la CENI et la Justice, Martin Fayulu est resté parmi les plus radicaux. Avec son ami Adolphe Muzito, ils sont visiblement restés dans la logique de ne pas reconnaitre un régime issu, selon eux du hold-up électoral de 2018 que Fayulu rappelle avoir gagné haut la main.

Si Fayulu ne s’est pas encore exprimé, Adolphe Muzito a, lui critiqué les options de Tshisekedi notamment en ce qui concerne la nomination d’un informateur.

Pourtant en intelligence avec Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba et les autres à Genève Fayulu et Muzito n’ont visiblement pas le reflexe des opérateurs économiques comme leurs alliés qui semblent sauter sur le morceau à la première heure.

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Changeront-ils d’avis pour rejoindre ces fervent hommes d’affaires ou continueront-ils à défendre leurs idéaux avec conviction ? Difficile de le dire mais pour l’instant. En République Démocratique du Congo, tout change, tout évolue selon les intérêts de chaque acteur politique et selon ses parrains à l’international.

En attendant, c’est une véritable union des opérateurs économiques et commerçants qui s’annonce pour diriger le Congo au nom du « peuple » et pour son intérêt en misant sur le contrôle de ses ressources comme d’habitude. De toutes les façons, c’est tout ce que nous avons depuis des années et personne n’ose se gêner; personne n’ose s’indigner.

Jean-Luc M.

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