Intervenons-nous

Josaphat Musamba est Doctorant à Ghent University et Chercheur au GEC-SH/CERUKI, Dans cette tribune , il revient sur les dernières manifestations en République Démocratique du Congo, surtout celles d’après les mobilisations de l’UDPS, le parti présidentiel. S’il dénonce la violence dans les sorties de l’UDPS, Josaphat Musamba tranche: Jean-Pierre Bemba, le FCC et l’UNC ont donné une leçon au parti de Tshisekedi caractérisé par la brutalité.

Josaphat Musamba s’attarde sur le procès Kamerhe, condamné en première instance à 20 ans de travaux forcés et dont les partisans vénèrent toujours, et s’interroge non seulement sur la Fragmentation identitaire ou une éventuelle balkanisation du pays. En conclusion, Josaphat Musamba note que les manifestations observées dans les villes de Kinshasa, de Goma, et au Sud-Kivu à la fois par l’UNC et le FCC ont démontré que l’on ne peut pas s’approprier le peuple congolais, comme tente de le faire l’UDPS. Il appelle par ailleurs Tshisekedi à repenser ses propres questionnements sur le sort de Kamerhe.

Quand l’Est réclame Vital Kamerhe : entre culture politique démocratique et luttes socio-politiques rangées (Tribune)

Par Josaphat Musamba

Décrété pour contenir et limiter la propagation de l’épidémie a coronavirus , l’Etat d’urgence a étouffé les différentes formes d’expression politique en public dans les champ politique congolais au niveau national et provincial : urbain et rural pendant plus ou moins trois mois . En effet , la ville de Kinshasa, le Sud-Kivu et le Nord-Kivu ont vibré au rythme des marches pacifiques exigeant la libération de Vital Kamerhe, arrêté et condamné après un procès labellisé « 100 Jours » et une démonstration de soutien aux institutions de la République par le Front Commun pour le Congo.

Le 22 Juillet 2020, le chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a finalement levé l’état d’urgence alors que les princes de l’église contestent une partie de ses mesures. Projetant les regards dans la ville de Kinshasa après plusieurs interpellations judiciaires controversées dans le cadre de ce procès 100 Jours, un juge meurt mystérieusement. Il importe de souligner que Vital Kamerhe fut condamné après un procès marathon, à 20 ans des travaux forcés assortie de la privation de ses droits politiques. Si la condamnation est saluée par les « Talibans » (Militants UDPS), elle est plutôt contestée par le « peuple » UNC, dont Vital Kamerhe incarne la lutte.

« En effet, selon ce journal, on peut comprendre qu’il s’agit d’un procès préfabriqué dans le but d’écarter un allié gênant puis le mettre au froid, profitant de quelques imprudences »

Une seule journée aura suffi que le parti de Vital Kamerhe décide de démontrer sa force au pays, en signe de contestation d’une arrestation aux couleurs politiques mais aussi administrer plusieurs leçons aux partenaires et adversaires politiques.

Comment expliquer la position constante de l’UNC face à l’arrestation et condamnation de Kamerhe à Makala ? Quelles sont les leçons pédagogiques tirées de l’exercice de droit de manifester, observées dans les marches de l’UNC en coïncidence avec celle du FCC à Kinshasa ? Quelles sont les perspectives pour l’unité nationale ?

1.« Kisiki Ni kwale, ni pate Sababu » : Les controverses d’un procès par procuration 

Le dossier Vital Kamerhe est complexe dans sa forme que dans son fond, pose une controverse. Cette dernière est à épingler sur la forme de son arrestation tant décriée par ses avocats que par la mort mystérieuse du Juge président Raphaël Yanyi Ovungu. Dans le fond, c’est des contradictions notoires des pratiques sur la conduite des affaires de l’Etat à la présidence de la République mais aussi des concours aux allures d’une cabale, pourtant relookée par des textes de lois. Heureusement que le journal Le Monde.fr (Dubois et Bonnerot, 14 Juillet 2020) a révélé les dessous des cartes.

« En bénéficiant des promotions (Bonus), les magistrats promus ne vont-ils pas recondamner Vital Kamerhe ? »

En effet, selon ce journal, on peut comprendre qu’il s’agit d’un procès préfabriqué dans le but d’écarter un allié gênant puis le mettre au froid, profitant de quelques imprudences. De deux, le pays de l’oncle Sam n’a pas hésité à appuyer pour que le cas Vital Kamerhe serve de « Cobaye d’expérimentation de l’Etat de droit partisan ». Si sa condamnation devait stimuler le partenaire privilégié, un appui en termes de conseils, le complot aurait suffi à ne pas accorder la liberté provisoire, de préparer un jugement fuité en avance et de clouer Vital Kamerhe derrière sa nouvelle griffe étiquetée « Pièces contre Pièces » Made in Makala.

Nous fondant sur les écrits de Bubois et Bonnerot, les guerres de positionnement intra-CACH, inter-CACH et FCC ne sont pas à négliger. Par contre, lors d’un conseil des ministres, le vice premier ministre et ministre de l’Intérieur Gilbert Kankonde, affirmerait que la condamnation de Vital Kamerhe a été bien saluée dans l’opinion ? Contre toute surprise, Kinshasa, le Sud et Nord-Kivu n’avaient pas encore livré le contenu de leurs gibecières politiques respectifs. Finalement, une décision exigeant « la libération » de Vital Kamerhe à la veille de son procès en Appel fut déclenchée : Est-ce une pression contre un allié biface ? Les questions que je voulais explorer veulent exposer les rapports de forces reconnus à l’UNC pour obtenir l’acquittement de Vital Kamerhe. En bénéficiant des promotions (Bonus), les magistrats promus ne vont-ils pas recondamner Vital Kamerhe ? Comment expliquer la mobilisation politique de l’UNC dans le respect des règles organisant les libertés de manifestations publiques et le respect des biens des autres congolais ne participant pas aux manifestions? Quels seraient les risques d’une condamnation politique de Vital Kamerhe dans la prison de Makala.

2. Mobiliser les motards et des militants violents et/ou non-violents : Leçons tirées de la Journée du 23 Juillet 2020 

Un réchauffement du 22 Juillet 2020 a suffi pour que les militants UNC se mobilisent afin d’exprimer mécontentement, protestation et exiger la libération de Vital Kamerhe. Au même moment, un autre parti politique de la coalition gouvernementale organisait sa démonstration de force au cours de la même journée dont l’objectif était de soutenir les institutions du pays et dénoncer les dérives dictatoriales. Deux zones ont marqué la journée notamment la ville de Kinshasa et les provinces du Sud & Nord-Kivu.

« L’Union pour la Nation Congolaise a prouvé à l’UDPS que les motards et/ou des manifestants ne sont pas tous violents comme ceux affiliés à l’UDPS, souvent associés aux gangsters ou à une milice politique urbaine Kinoise »

Sachant que des militants UDPS se sont opposés contre les lois Minaku-Sakata ainsi que la consécration de Ronsard Malonda Ngimbi à la présidence de la CENI, dans une marche pacifique, lourde des conséquences en perte de vies humaines, pillages de biens des privés, la destruction méchante, atteintes aux libertés individuelles envers les acteurs du Front Commun pour le Congo mais aussi des attaques contre des députés furent documentés par Human Right Watch.

Contrairement, la coalition Lamuka a marché le 13 Juillet 2020 avec presque pas de cas de tueries, vols ou scènes des pillages. Pourtant, l’UNC ainsi que le FCC, après avoir informé les autorités compétentes ont finalement donné une leçon pédagogique à l’UDPS. Cette dernière est perçue comme un parti politique recrutant des militants incontrôlés, indisciplinés, parfois oisifs dont les moments de fortes mobilisations politiques sont devenus des opportunités moins des revendications politiques légitimes, plutôt des occasions en cuivre de pillages des biens publics, de vandalisation des symboles étatiques et de dépravation des mœurs. Ensuite, si la plupart des partis politiques ont leurs associations des motards, par contre, dans les villes de Kinshasa et le Sud-Kivu, L’Union pour la Nation Congolaise a prouvé à l’UDPS que les motards et/ou des manifestants ne sont pas tous violents comme ceux affiliés à l’UDPS, souvent associés aux gangsters ou à une milice politique urbaine Kinoise.

Subséquemment, se proclamer un parti non-violent, aux méthodes de revendication violente, sape et érode sa légitimité et ses discours républicains sans contenus: A quoi servent les parlements debout, finalement ? L’on serait tenté de penser que ces précités, servent à forger une culture démocratique de revendication dans la violence, de l’intoxication ou de l’injure comme c’est observé à Kinshasa ?

3. Bemba à l’Ouest et Kamerhe à l’Est ? : A Chacun son « Peuple »

La sociologie électorale congolaise contextualisée, a démontré que loin d’avoir une assise électorale linguistique, il y a des éléments les plus importants sur les origines communautaires, les rôles des acteurs locaux, les coutumiers, des églises mais aussi une légitimité charismatique localisée de chaque leader dans un pan de l’espace national. Sans plonger dans le fanatisme, les marches du 9 juillet 2020 ou celle de 13 Juillet 2020 ont déconstruit le discours de légitimation et imprudent du parti présidentiel. L’opinion publique a été témoin du poids charismatique de Jean Pierre Bemba Gombo ainsi que de l’appel des leaders de la coalition Lamuka.

« La marche d’aujourd’hui a permis de déconstruire et désillusionner le camp présidentiel sachant qu’à Kinshasa Kamerhe reste autant adoubé que dans la ville de Bukavu : Il reste le maître de l’Est du pays malgré le procès et une condamnation »

Il est à noter que l’illusion communicationnelle et populaire dont se vante ce parti mérite d’être repensée. Si nous nous tournons vers l’Est du pays, malgré les tensions et péripéties politiques dans lesquelles est confronté vital Kamerhe, sa popularité n’a pas dégringolé, au contraire, un élan de solidarité se consoliderait autour de Vital Kamerhe à l’Est et bien même dans l’Ouest du pays. La sortie politique des jeunes de l’Union pour la Nation Congolaise ce mercredi 22 Juillet 2020 dans la capitale Kinshasa en est une illustration. Il se peut que l’on assiste à une autre démonstration dans les prochains jours. La marche d’aujourd’hui a permis de déconstruire et désillusionner le camp présidentiel sachant qu’à Kinshasa Kamerhe reste autant adoubé que dans la ville de Bukavu : Il reste le maître de l’Est du pays malgré le procès et une condamnation. C’est pourquoi, dans cette lutte politique entre différents acteurs, aucune formation politique ne peut se prévaloir la rue et/ou le peuple car dans un contexte de fragmentations géographiques (Est, Ouest, Centre, Sud et Nord), combinée à celui « provincialisé » et tribalisé), chaque leader politique ou formation politique possède son peuple qui croit en lui et à ses idéaux.

On ne peut pas prétendre parler du peuple lorsqu’une certaine opinion publique Kinoise s’exprime pour le compte d’un parti politique et prétendre la cristalliser sur l’ensemble des congolais. Sachant que l’opinion publique nationale est fragmentée, toute tentative de justifier une action violente d’un parti politique présidentiel est de nature à combattre et à déconstruire.

« Si le président Felix-Antoine Tshisekedi ne se ravise pas à temps, il risque de créer un monstre en Prison de Makala, comme un Mandela Congolais, au pire une balkanisation du pays »

4.Fragmentation identitaire, Balkanisation ou un nouveau « Mandela Congolais » à Makala

Mon argument, en publiant ce numéro est à lier les pulsions présidentialistes, les pressions étrangères et la réalisation des promesses : « Le peuple d’abord » qui tarde à venir. Chercher à s’écarter d’un allié malgré les imprudences, pour répondre à une pression de l’Oncle Sam est une chose, opérer les remaniements au sein de l’armée et la justice pour bien asseoir son imperium et contrôler les autres, à travers une action présidentielle ne garantira pas la stabilité à la fois des institutions du pays. Car, il s’est observé que depuis l’arrivée du régime UDPS à la cité de l’OUA, se dégagent des relents de replis identitaires alors que la fibre d’une identité commune commence petit à petit à céder. Les rebellions étrangères, des groupes armés locaux loin de s’effacer, sont dans un statuquo. C’est pourquoi, les dynamiques politiques, sécuritaires et sociales actuelles en RDC constituent des ‘ trigger points ’ d’une probable et irréparable scissiparité dont les congolais eux-mêmes seraient des artisans parce qu’ils refusent de vivre un Etat de droit aux allures partisanes.

Enfin, le Président Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo devrait œuvrer pour l’unité du pays qui est fortement menacée et des équilibres sont traumatisés. S’agissant du dossier Vital Kamerhe, si le président Felix-Antoine Tshisekedi ne se ravise pas à temps, il risque de créer un monstre en Prison de Makala, comme un Mandela Congolais, au pire une balkanisation du pays car mort ou vivant, libre ou arrêté, il est démontré que Vital Kamerhe a un mot à dire …

Conclusion !

Le discours sur l’Etat de droit devrait commencer dans le parti présidentiel comme des cycles des intérimaires se jouent dans ce parti. Si les partisans de l’UDPS ont jubilé lors de l’arrestation de Vital Kamerhe, ceux de l’UNC contestent et exigent la libération de leur leader. Tout en corrigeant l’UDPS dans la manière de revendiquer démocratiquement les droits, l’UNC a donné une leçon pédagogique et de haute portée lors de sa marche organisée à ce jour. Il est à noter que tous les motards autant que des militants ne sont pas violents mais une dose de culture politique de participation est requise pour les aider à bien jouer leurs rôles.

Les manifestations observées dans les villes de Kinshasa, de Goma, et au Sud-Kivu à la fois par l’UNC et le FCC ont démontré que l’on ne peut pas s’approprier le peuple congolais autant que cristalliser les expressions d’une tartine des militants d’un parti politique en une opinion publique de portée nationale. Par contre, observant les récentes manifestions entre le FCC, la coalition Lamuka et l’UDPS, on doit se dire que Jean-Pierre Bemba a démontré sa légitimité charismatique dans l’Ouest du pays alors que Vital Kamerhe, malgré qu’il soit privé de sa liberté reste toujours populaire dans l’Est du pays et à Kinshasa.

« Dire aussi que les luttes socio-politiques rangées derrière Vital Kamerhe témoignent d’un certain proverbe Swahili qui dit « Wa Mtu, ni Wa mtu tuu… ».

Enfin, les risque de fragmentation identitaire sont visibles, les relents de la scissiparité et au-dessus de toute la consécration de Vital Kamerhe en un Héros-monstre dans la prison de Makala se dessinent, d’où il faut que le président Felix Antoine interroge ses propres questionnements.

C’est pourquoi, comprendre les revendications des congolais de l’Est et ceux de Kinshasa lorsqu’ils exigent le relâchement de leur leader dans une culture politique de respect des normes sur les libertés de manifestations et de non-violence, nécessite de requestionner le procès et rouvrir les questions fermées par les juges en première instance. Dire aussi que les luttes socio-politiques rangées derrière Vital Kamerhe témoignent d’un certain proverbe Swahili qui dit « Wa Mtu, ni Wa mtu tuu… ».

Josaphat Musamba, Doctorant à Ghent University et Chercheur au GEC-SH/CERUKI

Share.

Un commentaire

  1. Kamerhe un monstre à Makala et Mandela Congolais!!!!??? Une comparaison toute à fait erronnée et sans base ni fondement.

    Pourquoi vous voulez que Tshisekedi se mêle dans la justice? Pourquoi continuer à penser que c’est Tshisekedi qui cherche à écarter Kamerhe? Kamerhe lui même, dans son procès dans le dernier jour, il avait dit que le complôt était plutôt contre le president de la Republique en l’écartant de ce dernier.

    Mr Musamba, avec tout le respect que je vous dois, votre analyse (publication) est totalement biaisée et sans aucune objectivité.

Leave A Reply

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.