Prince Murhula, est l’un des journalistes les plus respectés de la ville de Bukavu. Il est non seulement formateur des journalistes, promoteur des médias et défenseur des droits de l’homme. Sur sa page Facebook, il essaye de réfléchir sur les 60 années de l’indépendance de la République Démocratique du Congo. Dans cette réflexion que Laprunellerdc.info vous propose en forme de Tribune, Prince Murhula veut comprendre si le Congo a été géré par « des « présidents » ou des « Gouverneurs généraux». Une manière pour lui d’évoquer le rôle important des puissances étrangères dans le choix des dirigeants congolais.
« Des présidents ou Gouverneurs généraux ? », ci-dessous la Tribune de Prince Murhula.
«Juste au lendemain de la prestation de son serment, en février 2019, Félix Tshisekedi entreprend un long périple pour officiellement » réchauffer les relations avec les pays occidentaux » mais surtout de convaincre qu’il n’est pas la marionnette de Kabila. En une année, il va placer plus de temps à l’étranger qu’au pays pour cette fin. La vérité est que Félix venait d’être proclamé président de la République à la surprise de tous, même de l’occident qui semblait miser sur Martin Fayulu, le candidat de Lamuka.
Ne devient président au Congo que celui accepté par l’occident
Lorsque Félix Tshisekedi est proclamé Président de la République, plusieurs pays occidentaux dont la Belgique et les Etats Unis ne sont pas convaincus de la véracité des résultats. L’Eglise Catholique soutient aussi cette thèse. Mais après la prestation de serment du fils de l’opposant historique, tout le monde accepte de faire avec. Depuis, Martin Fayulu s’autoproclame « président Élu » tout en réclamant la vérité des urnes. Mais les jeux sont faits. Tshisekedi est là et on ne doit que faire avec. « Mais il doit donner des garanties du changement » conseillent des chancelleries occidentales. « Notamment dans le domaine de la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance ». Mais ces derniers restent méfiants.
En réalité, Tshisekedi est le premier Président Congolais investi sans l’aval préalable des occidentaux, la Belgique et les Etats-Unis au premier plan. Nombreux pensent que son avènement est le fruit d’un accord secret avec Kabila. Pourtant, il est de règle dans l’histoire du Congo, depuis son indépendance, qu’on ne peut pas devenir Président de la République ou le demeurer sans l’aval de l’occident. Kasavubu, Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila, tous sont devenus présidents car portés par l’occident.
Pour le cas Tshisekedi, il doit convaincre. « Je ne suis pas la marionnette de Kabila » déclarait-il sans cesse. « Kabila c’est mon consultant », » je vais déboulonner la dictature » « je vais utiliser un bic rouge ». A chacune de ses visites et déclarations à l’étranger, Félix cherche à démontrer qu’il contrôle les manettes du pays. Les États-Unis lui mettent la pression. Trump n’y croit pas trop et refuse, jusqu’ici, de programmer un tête à tête avec lui. L’ambassadeur américain semble être de plus en plus permanent dans des discussions internes du pays. Il faut qu’il prouve, en fait, qu’il peut aussi mériter la confiance des « muzungu ».
Gouverneurs généraux
Pendant l’époque coloniale, et même au temps de Léopold II, le Congo était dirigé par « le roi des Belges » qui faisait office de Président de la République. Et celui-ci déléguait un « Gouverneur général » qui jouait le rôle de « président national » et rendait compte au roi et à son administration. Le Gouverneur général dirigeait le Congo mais avait un chef. Cette administration, quoi que ne figurant pas officiellement dans la constitution de l’après indépendance, semble être d’application dans les faits.
A l’indépendance du Congo, en 1960, lors de la table ronde, Kasavubu est trouvé plus « raisonnable » que Lumumba par les anciens colons.
Lumumba est vu « barbare », moins diplomate. Ainsi, Kasavubu devient Président de la République, Lumumba premier ministre. Quand celui-ci essaye de prendre un peu plus de zèle, il sera éliminé sur ordre de l’occident.
Au moment où Kasavubu semble ne plus maîtriser le Congo, la Belgique et les Etats-Unis décident de le remplacer par quelqu’un de plus fort et de plus rigoureux. Mobutu. 32 ans plus tard, affaibli politiquement et par la maladie, il est remplacé par Laurent-Désiré Kabila qui vient à la tête de la rébellion de l’AFDL toujours soutenu par les Etats-Unis et la Belgique entre autres.
Mais comme Lumumba, Laurent Kabila semble incontrôlable dès sa première année de pouvoir, il est déstabilisé par une rébellion, le RCD, (appuyé par les mêmes puissances) avant d’être éliminé physiquement en 2001.
C’est Louis Michel, premier ministre belge, qui présente « l’oiseau rare », Joseph Kabila. Il sera reçu par les présidents des États-Unis, sera porté par les occidentaux jusqu’à ce qu’il devienne aussi « incontrôlable » à la veille de ses 16 ans de règne.
Le premier choix occidental pour sa succession était Moïse Katumbi, mais Kabila le fera échouer en le rendant inéligible. Ensuite Martin Fayulu, lui-aussi connaîtra sa surprise à la proclamation des résultats « truqués » selon lui.
Comme pendant la colonisation, la RDC semble avoir gardé des Gouverneurs généraux à sa tête. La logique internationale reste la même. Qui pour garantir nos intérêts? Quel Gouverneur général sera-t-il capable de bien nous servir ?
Peut être que je me trompes dans mon analyse. Mais j’essaie seulement de comprendre les faits