Intervenons-nous

    À 23 ans, Tatiana (nom d’emprunt) vit un quotidien que peu connaissent à Bukavu. Native de Goma, elle a quitté sa ville natale pour s’installer dans la commune de Bagira, où elle vit avec sa mère et ses sept frères et sœurs. Orpheline de père, elle a choisi de travailler dans le sexe depuis un an, pour subvenir aux besoins de sa famille.

    Assise dans la maison de tolérance où elle exerce aujourd’hui à Ibanda, Tatiana raconte comment la pauvreté l’a poussée à faire ce choix difficile.

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     Je peux vous avouer que ce sont les conditions de vie difficiles qui m’ont poussée à intégrer cette carrière. C’est à cause de la pauvreté que j’exerce ici. »

    Grâce à ce travail, elle parvient à acheter des provisions pour sa famille, des habits pour son enfant et ses frères et sœurs.

    « Certains clients me donnent mille francs ou plus. J’épargne, et quand la somme augmente, j’achète 25 kg de farine ou des vêtements pour ma famille », explique-t-elle.

    Mais ce métier n’est pas sans défis. Tatiana doit faire face à la pression de son patron, à des amendes parfois injustifiées, à un salaire insuffisant et à des provocations entre collègues.

    « Une simple erreur peut me coûter une amende. Mon salaire est convenu à 40 dollars par mois, mais parfois je ne perçois que 10 USD si je fais cinq minutes au bord de la route. J’ai été chassée trois fois à cause de rapports non fondés, et pour rester, je devais payer 15.000 francs congolais », confie-t-elle.

    Sa famille ne comprend pas toujours ses explications lorsqu’elle revient sans argent, après une amende injustifiée. Pourtant, Tatiana insiste sur sa dignité et son intégrité.

     « Contrairement à ce que pensent certaines personnes, je ne suis pas voleuse. Avant-hier, un client ivre avait 600 USD, mais je n’ai rien pris. Le matin, il m’a donné 20 USD comme récompense. »

    Elle espère pouvoir un jour quitter cette profession si une opportunité de travail plus stable se présente.

    « Si je trouve un travail qui répond à mes besoins, je peux immédiatement arrêter. Ici, les conditions sont difficiles et une simple erreur équivaut à une amende. »

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    Tatiana reste malgré tout un exemple de courage et de résilience. À travers son parcours, elle incarne la réalité des femmes qui exercent le travail sexuel à Bukavu : confrontées à la pauvreté, aux risques et aux préjugés, elles luttent chaque jour pour survivre et nourrir leurs proches.

    Séraphin Mapenzi

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