Le président de la République démocratique du Congo, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, a tenté ce mardi de dissiper la controverse née de ses propos qualifiant l’état de l’armée congolaise de 2019 d’« armée de clochards ». Une déclaration qui continue cependant de susciter une vive indignation au sein de la société civile, notamment de l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP).
S’exprimant lors du lancement de la première édition des Conférences annuelles des services publics, à Kinshasa, le chef de l’État a assuré que ses mots n’avaient jamais visé à humilier les Forces armées de la RDC (FARDC), mais plutôt à dénoncer les conditions de vie indignes dans lesquelles les militaires étaient contraints de servir à son arrivée au pouvoir en 2018.
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« Lorsque je dénonce, parfois avec des mots durs, l’indignité des conditions de vie dans lesquelles tant de nos compatriotes ont été contraints durant des années, ce n’est jamais pour les mépriser, et certainement pas pour dénigrer notre vaillante force de défense et de sécurité », a déclaré Félix Tshisekedi.
Le président a insisté sur le fait que la responsabilité incombe à l’État, rappelant que la véritable honte réside moins dans l’injustice subie que dans l’indifférence institutionnelle.
« La vraie honte n’est pas dans l’injustice subie, elle est dans l’indifférence organisée. Je ne pouvais plus tolérer que des hommes et des femmes qui servent l’État vivent eux-mêmes dans des conditions indignes de l’État qu’ils défendent », a-t-il ajouté, affirmant que cette indignation a guidé les décisions prises depuis son mandat.
Malgré cette clarification, la polémique demeure. Dans un communiqué publié le 15 décembre 2025, l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP), par la voix de son président Florimond Muteba, a fermement condamné la déclaration présidentielle, estimant qu’elle porte atteinte à la dignité des FARDC.
Pour l’ODEP, qualifier l’armée de « clochards », même dans un contexte de dénonciation, est d’autant plus inacceptable que les forces armées sont engagées sur plusieurs fronts dans un climat sécuritaire extrêmement tendu, marqué par la prise récente de villes stratégiques comme Goma, Bukavu et Uvira par des groupes rebelles.
L’organisation de la société civile va plus loin, dénonçant l’absence de réformes structurelles profondes au sein de l’armée depuis l’accession de Félix Tshisekedi à la présidence, ainsi que de présumés détournements de fonds alloués au secteur de la défense.
L’ODEP pointe également la gestion des finances publiques, évoquant une exécution du budget de la Présidence évaluée à 221 % en 2024, une surconsommation jugée choquante au regard des difficultés logistiques et sociales des militaires déployés sur le terrain.
Pour l’Observatoire, cette situation révèle un décalage préoccupant entre les priorités budgétaires de l’État et les besoins réels de la défense nationale.
Au-delà de la controverse sémantique, cet épisode relance le débat sur la gouvernance sécuritaire et financière en RDC. Alors que les FARDC luttent pour préserver l’intégrité territoriale du pays, la société civile appelle à la fois à la retenue verbale, au respect de la dignité des soldats et à une redevabilité accrue dans la gestion des deniers publics.
Une question demeure en filigrane : les défis sécuritaires de la RDC tiennent-ils uniquement à l’état de l’armée, ou aussi aux choix politiques et budgétaires de l’État ?
Trésor Wilondja & Joseph Aciza

