Le climat politique congolais s’est brusquement tendu après la suspension des activités de deux partis d’opposition, le PPRD (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie) et l’ATD (Alliance des Travailleurs pour le Développement), par arrêtés du ministère de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires coutumières.
L’arrêté ministériel n°25/CAB/VPM/MININTERSEDECAC/SLBJ/066/2025, signé le 28 octobre 2025 par le vice-premier ministre Shabani Lukoo Bihango, ordonne la suspension immédiate des activités de l’ATD sur l’ensemble du territoire national. Le document évoque des « manquements graves » imputés à son fondateur et président, José Makila Sumanda, accusé d’avoir participé au conclave politique organisé à Nairobi les 14 et 15 octobre 2025 sous la présidence de Joseph Kabila Kabange.
Selon le ministère, ce conclave constituerait un ralliement à la “philosophie d’agression” portée par le Rwanda et ses supplétifs du M23-AFC, considérés comme mouvements hostiles à l’intégrité territoriale de la République Démocratique du Congo. Le texte rappelle que Joseph Kabila a été condamné par la justice congolaise pour haute trahison, et affirme que la participation de José Makila à ce conclave revient à adhérer à des activités contraires à l’unité nationale, à la souveraineté et à l’ordre institutionnel démocratique.
L’arrêté se fonde sur les articles 6 et 93 de la Constitution ainsi que sur la loi n°04/002 du 15 mars 2004 relative à l’organisation et au fonctionnement des partis politiques, lesquels imposent aux formations politiques de respecter l’unité et la souveraineté nationales et interdisent toute activité à caractère militaire ou paramilitaire.
Quelques jours plus tôt, le 18 octobre 2025, un arrêté similaire avait suspendu les activités du PPRD, formation fondée par Joseph Kabila et membre influent de la plateforme d’opposition « Sauvons la RDC ».
L’opposition crie à la dérive autoritaire
Dans un communiqué conjoint publié le 29 octobre 2025, le mouvement « Sauvons la RDC » – qui regroupe plusieurs leaders de l’opposition dont Augustin Matata Ponyo, Frank Diongo, Raymond Tshibanda, André Claudel Lubaya et Jean-Claude Vuemba – a condamné « avec la plus grande fermeté » ces suspensions qualifiées d’arbitraires et de scandaleuses.
Selon ce communiqué, les décisions gouvernementales constituent une « violation flagrante des libertés fondamentales et des principes démocratiques garantis par la Constitution ». Le collectif estime que ces mesures traduisent une dérive autoritaire et une volonté manifeste de museler l’opposition.
« En s’arrogeant le pouvoir de bannir des partis républicains régulièrement constitués, le pouvoir en place confirme sa nature tyrannique et sa volonté d’imposer la pensée unique, la peur et la censure », écrivent les signataires.
Les membres de Sauvons la RDC affirment que ces arrêtés sont « nuls et de nul effet », car pris en violation de la Constitution et des lois sur les partis et l’opposition politiques. Ils dénoncent en outre l’instrumentalisation des institutions publiques, notamment du gouvernement et du pouvoir judiciaire, à des fins politiques.
« Le peuple congolais ne négociera plus ses libertés. Il ne courbera plus l’échine devant l’injustice. Le vent de la liberté souffle, il ne se suspend pas », conclut le communiqué.
Un contexte politique tendu
Ces suspensions interviennent dans un contexte marqué par de fortes tensions entre le pouvoir et l’opposition, sur fond d’offensive du mouvement rebelle M23-AFC dans l’Est du pays.
Le gouvernement justifie sa décision par la nécessité de préserver la sécurité nationale et l’unité du territoire, tandis que l’opposition y voit une tentative de réduire l’espace politique à quelques mois des élections locales attendues en 2026.
Plusieurs observateurs redoutent que ces mesures ne radicalisent davantage le débat politique et accentuent les clivages entre les institutions et l’opposition organisée autour de la plateforme « Sauvons la RDC » ; une plateforme perçue comme une autre branche politique du mouvement rebelle M23 soutenu par le Rwanda.

