Intervenons-nous

Vingt-six ans après l’un des crimes les plus atroces de l’histoire de la République Démocratique du Congo, le Docteur Denis Mukwege a, ce vendredi 17 octobre 2025, réitéré son appel à la justice et à la dignité pour les quatorze femmes violées, torturées et enterrées vivantes à Mwenga, dans la province du Sud-Kivu, par des éléments du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), soutenus à l’époque par le Rwanda.

Dans une déclaration publiée sur ses réseaux sociaux, le Prix Nobel de la Paix 2018 a rappelé que 26 ans jour pour jour, ce crime d’une cruauté inouïe demeure impuni, malgré les multiples appels des familles, des défenseurs des droits humains et des organisations locales.

« Nous nous joignons aux voix des enfants, des époux et des familles de ces victimes pour qu’on leur offre une sépulture digne. Nous continuons à exiger que justice soit rendue pour les victimes et que les criminels, qui sont connus, puissent répondre de leurs actes », a insisté Denis Mukwege.

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Le 17 octobre 1999, à Bulinzi, un village du groupement d’Ikoma, dans le territoire de Mwenga, quatorze femmes et un homme avaient été accusés à tort de sorcellerieviolés, torturés et enterrés vivants par des rebelles du RCD.

Le drame, survenu en plein jour, avait profondément marqué la population locale. Selon les témoignages recueillis au fil des années, les familles endeuillées n’avaient même pas été autorisées à organiser le deuil.

Chaque année, des militantes locales, telles qu’Esther Bukaba de l’Association des Femmes des Médias à Kamituga, Bililo Mazambi Béatrice et Esther Yanda à Mwenga, poursuivent inlassablement le combat pour que justice soit faite.

Elles rappellent que ni les corps des victimes n’ont été exhumés, ni les responsables de ce massacre jugés.

« Nous ne pouvons pas construire la paix sur l’oubli. Ces femmes étaient des mères, des sœurs, des filles innocentes. Elles méritent justice », avait plaidé, en 2024, Esther Bukaba

Dans son message de l’an dernier, Denis Mukwege avait appelé les autorités congolaises à inviter la Commission internationale pour les personnes disparues (ICMP), basée à La Haye, afin de sécuriser les sites de massacres et procéder à l’exhumation des fosses communes.

« Offrir une sépulture digne aux défunts est essentiel pour permettre aux familles de faire leur deuil », a-t-il souligné, tout en rappelant la nécessité de préserver les preuves pour d’éventuelles poursuites judiciaires.

Le gynécologue militant a également réitéré la nécessité d’un processus de justice transitionnelle en République Démocratique du Congo, estimant qu’aucune paix durable ne sera possible sans justice.

« L’impunité des crimes de guerre et des violations massives des droits humains est une entrave à la stabilité et à la réconciliation nationale », a-t-il déclaré.

À Mwenga, la douleur reste vive pour les familles des victimes, comme celle de Mulala Kapumba, dont la mère figure parmi les femmes enterrées vivantes.

« J’ai perdu ma mère dans la fleur de l’âge. Elle était tout pour moi et mes frères et sœurs. J’attends que le monde dénonce ce crime odieux », avait-elle confié, émue, l’année dernière.

Depuis l’intervention en 2010 de l’épouse de l’ancien président Joseph Kabila, Olive Lembe, aucune autre autorité nationale n’est retournée sur le site du drame pour témoigner de la solidarité de l’État envers les familles meurtries.

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Enfin, Denis Mukwege exhorte la communauté internationale à agir pour briser le cycle de l’impunité dans l’est de la RDC.

Les commémorations de Mwenga, chaque 17 octobre, demeurent un rappel douloureux du prix du silence face à la barbarie — mais aussi un cri d’espoir pour que la justice et la dignité triomphent enfin.

Abdallah Mapenzi

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