Intervenons-nous

Alors que la République démocratique du Congo est au cœur d’un débat houleux sur la révision de la Constitution, les acteurs politiques du Sud-Kivu affichent des positions très claires. Théodore Mseme, cadre de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), défend ardemment l’idée d’une révision, arguant que la Constitution actuelle, étant souple, doit pouvoir évoluer.

Théodore Mseme pense que ce débat ne devrait pas être tabou et évoque des articles spécifiques qui, selon lui, entravent l’efficacité du gouvernement, notamment en matière de pouvoir décisionnel du Premier ministre. Mseme considère qu’une révision pourrait remédier aux incohérences qu’il perçoit dans le fonctionnement actuel des institutions.

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« La République démocratique du Congo a une Constitution souple, ce qui signifie qu’elle peut être révisée. Contrairement aux constitutions rigides, la nôtre prévoit des mécanismes de révision. Cela ne doit pas être un sujet tabou. Les acteurs politiques doivent dire : « Revoyons la Constitution si cela est nécessaire. » En examinant certains articles, comme l’article 75 ou 79, on constate que les prérogatives du Premier ministre sont limitées. L’article 90 établit le principe du chef du gouvernement, mais l’article 75 ne permet pas au Premier ministre de convoquer un conseil des ministres sans mandat. Cela crée des incohérences, surtout en cas de coalition. Nous avons besoin d’un président capable de gouverner efficacement. Il est essentiel que la Constitution permette au Premier ministre de mener les politiques de la nation en collaboration avec le Président », affirme-t-il.

En revanche, Albert Matabaro, porte-parole adjoint de l’ECiDé, rejette catégoriquement toute idée de changement constitutionnel. Il accuse le régime actuel d’être en débandade et de ne pas répondre aux besoins fondamentaux des Congolais.

Pour lui, les véritables préoccupations résident dans des enjeux plus urgents, comme la sécurité et les conditions de vie, et non dans une révision constitutionnelle qui, selon lui, ne ferait qu’aggraver la situation. Matabaro insiste sur le respect de la Constitution existante avant d’envisager tout changement.

« Il n’y aura pas de changement de Constitution ni de présidence à vie ; le Président Martin Fayulu a été clair sur ce point. Avant d’envisager une révision, il est impératif de respecter l’actuelle. Ce régime est en débandade et ne sait plus où donner de la tête. Pour nous, ce n’est pas la Constitution qui est responsable du manque d’infrastructures ou de la sécurité dans l’est du pays. Aujourd’hui, les fonctionnaires ne sont pas payés ; la Constitution est-elle à la base de cela ? Nous tenons à l’œil Félix Tshisekedi qui cherche un troisième mandat, et nous n’accepterons pas cela », soutient-il.

Désiré Ntayira, coordonnateur des Communicateurs Républicains (COREP/RDC), s’oppose également à la révision, affirmant que le moment est inapproprié étant donné l’état actuel du pays. Il dénonce l’échec du gouvernement face aux crises éducatives, sécuritaires et économiques, et appelle à la mobilisation citoyenne pour barrer la route à toute tentative de changement, qu’il juge comme une tentative de prolonger le pouvoir actuel.

« Messieurs, vous avez échoué à servir le peuple, et vous le savez. Les enfants ne vont plus à l’école, les enseignants sont en grève, la guerre et les tueries continuent à l’est. Partout, les Congolais se sentent abandonnés et n’attendent qu’à la fin paisible de votre mandat. Étant donné qu’il est inopportun de réviser la Constitution pendant ce mandat, le COREP/RDC et son gouvernement de l’Opposition républicaine mettront tous les moyens démocratiques en œuvre pour s’opposer à cette démarche », déclare-t-il.

Éric Kabala, du PPRD, soulève des questions sur la pertinence du débat constitutionnel dans un contexte où d’autres défis, tels que la guerre et l’instabilité dans l’est du pays, demeurent non résolus. Il accuse le gouvernement en place de détourner l’attention des véritables problèmes et de chercher des boucs émissaires dans la Constitution plutôt que de prendre des décisions efficaces pour le bien-être de la population.

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« Je ne sais pas si le moment est favorable. Les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu sont sous état de siège. Ce n’est pas la Constitution qui empêche nos amis de l’UDPS de gagner la guerre à Goma. Concentrons-nous d’abord sur la fin de la guerre et la levée de l’état de siège », insiste-t-il.

Le politologue Elie Habibu observe que ce débat est mené avec passion, bien que la Constitution congolaise soit dans la catégorie des mixtes, définissant les modalités de sa propre révision.

« La révision de la Constitution est constitutionnelle. Ce débat devient passionné parce qu’on a peur que ceux qui sont au pouvoir utilisent la révision pour se pérenniser. Cela dépend de la responsabilité des acteurs », conclut-il.

Ainsi, ce débat sur la révision constitutionnelle révèle des divergences idéologiques et une profonde inquiétude parmi les acteurs politiques du Sud-Kivu quant à la capacité de l’État à répondre aux attentes des Congolais. Le sentiment général semble être que les révisions proposées ne sont qu’un écran de fumée face à des enjeux plus pressants.

Trésor Wilondja

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