Intervenons-nous

Les organisations membres du Comité de Suivi des Mécanismes de Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme (CMPDDH) au Sud-Kivu ont exprimé leur inquiétude face à un récent communiqué émis par le Ministère de la Justice, daté du 20 juin 2024 et signé le 20 juillet 2024. Ce communiqué vise à renforcer la réglementation des Associations Sans But Lucratif (asbl), des organisations confessionnelles, et des établissements d’utilité publique, conformément à la loi n°004/2001 du 20 juillet 2001.

Dans leur déclaration, les membres du CMPDDH ont salué la volonté du Ministre de la Justice de renforcer le respect des lois et de maintenir l’ordre public, en particulier en ce qui concerne la réduction des nuisances sonores. Toutefois, ils ont exprimé de sérieuses préoccupations concernant les modifications proposées, qu’ils jugent contraires à la législation en vigueur et aux droits des associations.

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Des modifications inquiétantes

Les organisations de défense des droits humains soulignent que le communiqué semble introduire des modifications significatives aux dispositions légales établies depuis 2001, compromettant ainsi les droits acquis des asbl. Elles critiquent notamment la suppression du document F92, un « Avis Favorable » délivré aux asbl en attente de l’obtention de la personnalité juridique. Ce document, selon les signataires, a joué un rôle crucial en attestant que les asbl avaient satisfait aux exigences légales et réglementaires.

Les organisations rappellent que le « F92 » est un accusé de réception indispensable, surtout pour les organisations situées en provinces éloignées de Kinshasa et que sa suppression pourrait compromettre la capacité des ASBL à suivre l’évolution de leurs dossiers.

« Nous tenons à vous informer qu’en parcourant ce communiqué, son contenu a tendance à modifier des dispositions légales en vigueur depuis 2001 et remettre en cause les droits acquis des associations Sans But Lucratif depuis des dizaines d’années. Pour ne pas dire que ce communiqué est contraire à la loi et de nature à violer le droit d’association et de réunion ».

Un retour en arrière pour la liberté d’association

Le communiqué note également que dans son communiqué, le Ministère décide que toute Assemblée Générale d’une asbl devra désormais se faire en présence d’au moins deux agents délégués du Ministère de la Justice. Cette exigence est jugée comme une atteinte grave à l’indépendance des asbl et un obstacle à leur fonctionnement libre.

Pour les organisations, cette mesure est un recul par rapport aux principes de liberté d’association et pourrait paralyser les activités des asbl dans des zones où les agents du Ministère ne sont pas disponibles.

« Institutionnaliser une telle pratique, entamera l’indépendance des asbl en voulant les soumettre à un régime d’autorisation préalable pour la tenue de leurs Assemblées Générales, sans oublier qu’en RD Congo les réunions et manifestations publiques sont soumises à un régime d’information préalable d’une part et d’autre part au regard de l’immensité du territoire national, il y a des zones où on ne peut pas trouver des agents à déléguer faute de leur existence et de l’accessibilité du lieu; est-ce pour dire que les asbl de ces zones n’organiseront plus des Assemblées Générales ? »

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Appel à la rectification et au respect des droits

Les organisations demandent au Ministre de la Justice de retirer le moratoire accordé aux asbl pour se conformer à la nouvelle réglementation et de procéder à l’octroi de la personnalité juridique aux asbl en possession de l’avis favorable F92. Elles rappellent que la lenteur administrative ne devrait pas être imputée aux asbl mais aux services publics.

« Nous vous saurions gré de bien vouloir reconnaître que c’est la lenteur de l’Administration au niveau du Ministère de la Justice qui a mis les asbl dans cette situation et cette erreur ne peut aucunement leur être imputable ; surtout qu’il est de principe connu que les erreurs de l’administration profitent aux administrés, consolidé par le principe de continuité de services publics. Ainsi, il serait un grand recul démocratique que de vouloir revenir sur les actes légaux posés par vos prédécesseurs dans l’exercice de leurs fonctions, sans pour autant violer la loi ».

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Les organisations expriment tout de même leur soutien aux efforts du gouvernement visant à réduire les nuisances sonores, tout en appelant à une révision urgente des nouvelles mesures pour éviter de compromettre les libertés associatives et la conformité aux normes internationales.

Jean-Luc M.

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3 commentaires

  1. UJUMBE Grands Lacs asbl on

    Ujumbe Grands Lacs asbl se joint totalement au Comité de Suivi des Mécanismes de Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme (CMPDDH) au Sud-Kivu et s’approprie leur inquiétude face à ce récent communiqué du Ministère de la Justice qui vise à renforcer le respect des lois et de maintenir l’ordre public, en particulier en ce qui concerne la réduction des nuisances sonores en RDC.

    Ujumbe Grands Lacs asbl invite le Ministre de la Justice à plutôt s’intéresser au détournement des fonds destinés à la subvention des associations non gouvernementales qui pourtant apportent leur soutien au gouvernement congolais dans tous les secteurs.

    Le Ministre de la Justice ne devrait pas négliger l’orientation et la gestion opaque des financements étrangers au sein des ONGI sans aucune orientation ni suivi du Gouvernement, tant national que provincial !

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