Intervenons-nous

C’est une histoire qui fait rire pour les uns mais qui explique bien le climat politique devenu inquiétant dans la Province du Sud-Kivu depuis l’élection du Gouverneur Ngwabidje et l’ascension de Modeste Bahati Lukwebo à la tête du Sénat Congolais. Désormais acteurs politiques, activistes ou journalistes n’ont que deux choix : soit vous êtes un soutien à Modeste Lukwebo, soit vous êtes malmené, insulté, menacé ou carrément vous allez en prison ! Une véritable histoire digne du Mobutisme béant qu’expérimente le Sud-Kivu, jadis démocratique.

Le dernier cas en date est celui des jeunes dits « pétitionnaires ». Leur malheur : avoir initié une pétition contre Modeste Bahati Lukwebo, le Président de la Chambre haute du Parlement Congolais.

En effet, Augustin Ntayitunda et Alfani Bawili font partie de ces jeunes activistes et membres des partis politiques très critiques sur la gouvernance actuelle de la Province du Sud-Kivu sous le leadership de l’AFDC-A de Lukwebo.

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C’est vers la fin du mois de décembre dernier que cela commence se fondant sur l’article 27 de la Constitution de la RDC après la destitution, par l’Assemblée Provinciale, du Gouvernement Ngwabidje.

Ces jeunes pétitionnaires lancent une pétition « de désaveu social et politique » du Président du sénat congolais, Modeste Bahati Lukwebo et son parti politique l’Alliance des Forces Démocratiques du Congo (AFDC). Plusieurs accusations à leur charge.

Des accusations contre Lukwebo et son parti

Dans cette pétition qui a commencé à circuler dans la ville de Bukavu, ces jeunes reprochent à Lukwebo et son parti l’AFDC la gestion opaque et calamiteuse de la Province par un mandataire de l’AFDC « sous un silence complice de Bahati Lukwebo et son AFDC » ;

  • L’exploitation et trafic illicite des minerais en Province, le cas particulier de Mwenga ;
  • Le Sabotage des institutions provinciales et forcing d’un système de gestion entretien d’un chao administratif dans les communes, les divisions et les territoires.
  • Complot d’un retour de la prime et le sabotage de la gratuité par son Gouverneur protégé sans vision sociale et éducative ;
  • Entretien des milices des jeunes dits «Bérets jaunes » et autres qui perpétuent des
    actes de vandalisme, le cas récent de l’incendie d’un véhicule de l’ONGI Alerte International ainsi que des tortures à l’endroit de plusieurs compatriotes ;
  • Fuite et Evasion fiscales de tous ses biens de commerce, quoiqu’incompatible avec ses fonctions;
  • Nomination de deux bourgmestres sans intégrité morale à Bukavu l’un à Ibanda et l’autre à Kadutu; ou encore
  • Le Mépris aux députés provinciaux du Sud-Kivu jusqu’à les traiter de soi-disant, etc.

Par cette démarche, ces jeunes dits « pétitionnaires » disaient vouloir la démission urgente de Modeste Lukwebo de la tête de la chambre des sages.

Chasse à l’homme, procès en flagrance et des graves irrégularités

A peine la pétition lancée, la chasse à l’homme commence également. Le Président du Sénat et son parti ont choisi la manière forte : arrestation immédiate des jeunes impliqués dans la circulation de la pétition jusqu’à la programmation ce mercredi d’un procès en flagrance contre ces jeunes.

Augustin Nyayitunda est arrêté alors qu’il sortait du Studio de la radio Star Bukavu pour une émission de débat le dimanche. Alfani Bawili sera également arrêté quelques temps plus tard.

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Furaha Makombe Pascasie, célèbre militante du mouvement citoyen « Réveil des Indignés » membre de ce groupe des jeunes initiateurs de la pétition vit en clandestinité avec d’autres jeunes.

A laprunellerdc.cd, elle explique qu’elle est pourchassée et recherchée pour être arrêtée depuis plusieurs jours. Elle dit même craindre pour sa sécurité.

Bamba Gally lui, dit être prêt à se constituer prisonnier.

Le Collectif des avocats de ces jeunes affirme que leurs clients ont été arrêtés en vertu d’une plainte adressée au Procureur Général par le Président Fédéral du Parti Politique AFDC/A, le Professeur Landry Cizungu le 29 décembre dernier.

Pourtant, dénoncent ces avocats qui ont saisi le Conseil Supérieur de la Magistrature, la plainte porte l’entête de l’AFDC/A (une personne morale) Aussi, disent-ils, le même jour du dépôt de la plainte et sans que cette dernière n’ait été confirmée par la partie plaignante, le Procureur Général va décerner un mandat d’amener contre leurs clients.

« Ce qui étonne plus d’un juriste, les mandants d’amener ne portent ni numéro RMP, ni PG 030, encore moins le numéro du dossier se trouvant chez l’OPJ ; Qu’au lieu de mettre le numéro sur ses mandats d’amener, le Procureur Général s’arroge le pouvoir de mettre le nom de Pascal sur ses mandants en remplacement de numéro du dossier ; La plainte a été faite au nom du Président du Sénat, le Professeur Modeste Bahati  Lukwebo, alors qu’aucune procuration n’a été déposée au dossier jusqu’au jour de la  déposition de nos clients », explique les avocats.

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Ces avocats notent qu’au moment de l’audition de leurs clients devant l’OPJ Pascal, ce dernier recevait des injonctions de la part du Président Fédéral de l’AFDC/A, le Professeur Landry Cizungu à travers des appels téléphoniques. Ils relèvent également que Monsieur Alfani Bawili a été arrêté sans aucun acte de procédure et le mandat d’amener lui a été présenté dans le cachot.

Tu critiques ou accuses Lukwebo, tu vas en prison ou tu fuis la Province !

Des défenseurs des droits de l’homme et activistes notent que jamais que le Sud-Kivu n’a connu une intolérance politique comme celle qu’elle vit actuellement.

Le cas des jeunes aujourd’hui en prison n’est pas le seul enregistré contre les détracteurs de Lukwebo.

L’opinion se souvient de Monsieur Alain Shukuru, ancien cadre de l’AFDC-A qui avait choisi de rester chez Joseph Kabila. Alain Shukuru était également parmi les avocats de Lukwebo et ce dernier lui devait de l’argent.

Il passera le temps à réclamer ses émoluments au Président du Sénat mais finira par aller en exil à la suite des persécutions judiciaires, politiques et sécuritaires.

Alain Shukuru est revenu au pays il y a quelques jours mais a toujours du mal à rejoindre sa Province. Il craint toujours pour sa sécurité.

Les bérets jaunes ou la milice autorisée ?

Bahati Lukwebo et son AFDC-A n’ont pas besoin de faire seuls « le sale boulot ». Ils ont dans leur parti politique les jeunes appelés « bérets jaunes ».

Dirigés au Sud-Kivu, selon plusieurs sources par l’actuel bourgmestre adjoint de la Commune de Kadutu, les bérets jaunes sont ceux qui menacent par des communiqués ou des actions de rue tous ceux qui vont contre les intérêts de leur chef et du parti AFDC-A.

Ils ont été particulièrement actifs dans la dernière crise politique en province ayant conduit à la destitution du Gouverneur Ngwabidje par l’Assemblée Provinciale.

Dans la foulée, un véhicule d’une organisation internationale avait été brulé et nombreuses voix ont pointé du doigt ce groupe.

Depuis la pétition et les critiques contre Lukwebo, ces jeunes sont redevenus très actifs et menacent quiconque à travers des communiqués et des actions violentes.

Au Sud-Kivu, plusieurs plaintes ont déjà été faites contre ce groupe des jeunes particulièrement violents. Une plainte a été même introduite à la justice par les jeunes dits « pétitionnaires » dont certains sont détenus.

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Une plainte a été déposée par les jeunes pétitionnaires devant le Procureur Général a.i contre les jeunes se réclamant de l’AFDC-A pour menaces de mort et destruction méchante de leur pétition

« Après avoir passé aux aveux de leur forfait, l’Avocat Général faisant l’intérim du Procureur Général a dit devant les victimes : « je comprends que vous avez commis ces forfaits, j’allais vous arrêter mais comme vous êtes des prévenus gentils, je ne vous arrête plus » jusqu’à ce jour aucune suite n’a plus été réservée à ce dossier », dénonce le Collectif des avocats des jeunes pétitionnaires.

La deuxième plainte date du 29 novembre contre les membres du Club des Amis de Modeste Bahati Lukwebo CABL en sigle pour menaces de mort, imputations calomnieuses.

Là encore, les avocats notent que celle-ci reste « gelée dans le tiroir du Procureur Général ».

La démocratie en danger

L’article 27 de la constitution garantit l’exercice du droit de pétition pour la défense des droits des citoyens congolais en adressant des pétitions aux autorités publiques.

« Tout Congolais a le droit d’adresser individuellement ou collectivement une pétition à l’autorité publique qui y répond dans les trois mois. Nul ne peut faire l’objet d’incrimination, sous quelque forme que ce soit, pour avoir pris pareille initiative », dit cette disposition Constitutionnelle.

Ces jeunes du Sud-Kivu ont-ils raison de croupir en prison sur base de cette initiative? Faudra-t-il que tous ceux qui accusent Lukwebo et son parti de tel ou tel autre fait soient mis en prison? 

Lukwebo et son parti utilisent-ils leur position pour faire peur à leurs détracteurs dans la Province du Sud-Kivu en utilisant notamment la justice et les services de sécurité? Est-il possible de retrouver un Sud-Kivu démocratique comme dans le passé sous le leadership de ce parti politique? 

Plusieurs questions, alors que des défenseurs des droits humains sont formels: dans ces conditions, il n’est pas possible de respecter les principes démocratiques pendant que le Chef de l’Etat a rappelé qu’une autorité n’est pas un « Dieu ».

Honneur-David Safari.
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Un commentaire

  1. Frank Minani on

    Les gens sont mal intentionnés. Ils finiront par se fatiguer. Le sud-kivu ne sera jamais développé tant que l’amour ne règne pas

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