Intervenons-nous

Le Chef de l’Inspection Générale des Finances (IGF) Jules Alingete, s’est exprimé au sujet des 43 millions USD, identifiés dans l’enquête Congo Hold-up comme ayant été détournés par le cercle de l’ancien Président Joseph Kabila. Dans une interview accordée au journaliste Alain Foka de RFI, Jules Alingete a fait savoir que c’est « faux », « l’argent n’est pas allé chez Kabila ». Selon lui, il n’y a « aucune trace » de la manipulation de ce compte par la société Egal, moins encore par Joseph Kabila.

Laprunellerdc.info vous propose ci-dessous l’intégralité de cette interview publiée ce lundi 29 novembre 2021.

Alain Foka : Jules Alingete Bonjour, merci de nous recevoir. L’actualité actuellement dans la presse internationale est cette enquête rendue publique par un ensemble de journalistes, une association des journalistes qui montrent à quel point la République Démocratique du Congo est pillée par ses cadres, par ses responsables. Plusieurs dizaines des millions de dollars qui se volatilisent, qui ont été siphonnés par les responsables de ce pays. Ça vous est passé au-dessus de la tête, vous n’avez pas vu venir ça, pour que ce soit la presse internationale qui découvre cela ?

Jules Alingete : Bonjour. Je voudrais d’abord que vous sachiez, que pour nous, toutes les révélations faites par l’ensemble de ces médias ne sont pas des faits nouveaux. Ce sont des choses connues de l’inspection générale des finances. Nous avions déjà mené ces enquêtes et nous avions eu des conclusions. Je pense qu’ils doivent être sincères en disant qu’il y a beaucoup d’informations et beaucoup de choses qu’ils ont eu de l’inspection générale des finances. Parce qu’ils ont adressé des questionnaires à toutes les autorités congolaises et nous avions répondues.

Alain Foka : Vous êtes le seul à avoir répondu ?

Jules Alingete : Oui, parce que nous voulons la transparence. Donc je disais, ce n’est sont pas des faits nouveaux pour l’Inspection générale des finances, mais il y a quand-même une différence entre les enquêtes menées par l’Inspection générale des finances et celles de ces médias. Nous avons l’impression que nous n’avons pas les mêmes objectifs. Pour nous, Inspection générale des finances, en menant des enquêtes, nous avons les éléments de base qui sont des preuves probantes quand nous menons des enquêtes. Dans cette affaire, nous avions initié des enquêtes sur le détournement de 43 millions de dollars de la Banque centrale par la BGFI Bank et on est arrivé à des conclusions que la BGFI Bank a bel et bien pris cet argent. Et la BGFI Bank a reconnu sa responsabilité, mais quand nous allons dans les enquêtes des médias internationaux, nous nous rendons compte qu’ils n’ont pas les mêmes objectifs que nous. Prce que nous nous voulons préserver l’intérêt du Congo, mais ce n’est pas la même chose avec eux.

Foka : qu’est-ce qu’ils ont dit qui n’est pas vrai ? cet argent est bien sorti de la Banque centrale, ces quarantaines de millions de dollars sont sortis de la Banque centrale vers la BGFI.

Alingete : Je ne suis pas d’accord quand dans ses enquêtes, on veut à tout prix aller au-delà de ce que nous, nous disposons comme preuve. Pour nous, les 43 millions ont quitté de la Banque centrale du Congo pour la BGFI Bank, mais pour eux les 43 millions des dollars ont quittés le compte de la Banque Centrale du Congo pour la BGFI Bank et par la suite la société Egal et avec des insinuations. Or, nous ne pouvons pas travailler avec des insinuations.

Foka : en toute honnêteté, ces insinuations ne sont pas la réalité que tout le monde connait, est-ce que ce n’est pas allé vers l’ancien président Joseph Kabila ?

Alingete : je pense qu’avec les éléments à la disposition de l’inspection générale des finances, c’est faux. Je le dis bien, c’est faux.

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Foka : pour vous ce n’est pas allé chez Kabila ?

Alingete : c’est faux car nous ne disposons pas des éléments pour ça. Des éléments à notre possession, établissent que la BGFI Bank a pris l’argent de la Banque centrale du Congo et a mis dans un compte appelé Egal. Mais quand vous regardez ce compte, intitulé Egal, ce compte a été ouvert par la BGFI elle-même et ce compte est actionnait par la BGFI elle-même. Donc, on n’a trouvé aucune trace de la manipulation de ce compte par la société Egal, et de très loin avec Joseph Kabila. Donc pour nous, nous devons rester avec les éléments de preuve, que la BGFI a pris 43 millions de dollars de la banque centrale du Congo, et elle a reconnu cette responsabilité. Alors tenter d’aller au-delà de ce que nous avons comme éléments, ou glisser sur un terrain dont personne ne dispose de preuves… 

Foka : est-ce que vous avez les mains libres, à l’IGF, parce qu’on a le sentiment quand on vous entend que vous êtes un peu liés. Que ne voulez aller montrer ce qui se passe !

Alingete : Non, nous avons totalement les mains libres. Je m’en vais tout d’abord vous dire quel est l’objectif aujourd’hui poursuivi par l’Inspection générale des finances dans tout ce que nous sommes entrain de faire. Ce que nous voulons est que le Congo puisse se mettre sur la bonne direction cette fois-ci. Voilà pourquoi, nous cherchons dans tout ce que nous sommes entrain de faire d’assainir l’environnement économique de la RDC. Nous cherchons d’établir un tableau de valeur dans la gestion publique. Nous cherchons à ce qu’il y ait amélioration du climat des affaires, parce que dans une économie où il y a la corruption, où il y a le détournement, on est loin d’améliorer le climat des affaires. Nous voulons qu’il y ait l’amélioration du climat des affaires. Bref, l’implémentation de la bonne gouvernance. C’est ça au fait nos objectifs et nous avons les moyens pour ça. En ce qui nous concerne, nous pensons que le premier moyen c’est la volonté politique et de ce point de vue-là, la volonté politique est manifeste et sans faille.  Deuxièmement, pour avoir à tous ses objectifs, nous avons besoin des moyens en termes de ressources humaines et nous avons travaillé sur ça.

Foka : Quand on regarde la presse internationale qui vient enquêter sur l’énorme pillage des derniers de l’Etat, des ressources de l’Etat congolais et on se dit est-ce que c’est le moyen, est-ce que ces enquêtes ne sont pas au-dessus de vos moyens ? C’est-à-dire en termes de ressources humaines.

Alingete : Nous avons des moyens, des capacités et des compétences. Vous savez, l’inspection générale des finances on y entre pas comme dans tous les autres services étatiques. Chez nous, il y a des critères, on devient inspecteur des finances par un concours. Comme un corps de métier multidimensionnel, donc nous avons au sein de l’inspection des finances un  général des finances de toutes les compétences pour mener les enquêtes. Quand nous sommes arrivés à la tête de l’inspection des finances, nous avions trouvés 60 inspecteurs qui sont là, nous avons organisé des tests de recrutement que nous avons confiés à un cabinet international Price White House pour des besoins de crédibilité, de transparence, et c’est ce qui nous a permis de porter l’effectivité de l’inspection générale des finances jusqu’aujourd’hui.  La transparence est là, la compétence nous l’aurons parce que je peux vous dire dans ce test, mon fils a postulé mais n’a pas été retenu.

Foka : Donc, on sait que dans ce pays généralement ça peut-être à tête chercheuse que vous menez vos enquêtes aujourd’hui. Est-ce vous ne travaillez pas essentiellement sur l’ancien régime pour l’affaiblir, parce qu’on sait qu’on n’est pas loin pour les élections. Est-ce que ceux qui sont aux affaires sont concernés ?

Alingete : je pense que nous travaillons en regardant l’ancien régime et le nouveau régime. Cette façon de voir les choses était perceptible dans certains esprits l’année passée, parce que quand nous sommes arrivés, nous étions dans une période de transition sur le plan politique, les gens qui étaient aux affaires publiques, que ça soit au niveau du gouvernement, des entreprises d’Etat, il y avait les gens de l’ancien régime et quand nous avions commencé nos opérations, on a eu l’impression qu’on s’attaquer aux gens de l’ancien régime. C’était totalement faux car aujourd’hui, la cible de l’inspection des finances c’est ce qui sont là et nous avons pas mal de problèmes, des conflits avec ceux qui gèrent aujourd’hui. Depuis près de six mois, on a eu aucun problème avec les gens du régime passé, c’est sont des gens qui sont là avec nous.

Foka : On ne les voit pas, est-ce que vous avez les exemples des choses qui se passent aujourd’hui, que vous pouvez montrer comme preuve en disant que ça ne concerne pas que l’ancien régime. Ce n’est pas à tête chercheuse, ce n’est pas la chasse à la sorcière.

Alingete : C’est plein, c’est presque chaque semaine, que nous vivons des événements. Aujourd’hui avec l’inspection générale des finances nous parlons de détournement des derniers publics du Ministre de la Culture. On a payé près d’un million des dollars à une ligue d’implémentation théâtrale qui n’existe pas en réalité et ça ce n’est pas l’ancien régime, c’est sont des gens qui sont là qui sont concernés. Le réseau qui opère pour orchestrer le double payement au niveau du trésor public, l’ancien régime n’y est pas. Il n’y a pas que ça, nous avons il n’y a pas plus longtemps, des problèmes avec le ministre de l’agriculture, où il y a eu détournement de 1 millions de dollars, ça ne concerne aucun membre de l’ancien régime. Ce sont les gens qui sont là aujourd’hui.

Donc, je pense aujourd’hui, les gens doivent comprendre que le travail de la lutte contre la corruption et détournement concerne tout le monde parce qu’il n’y a pas des saints d’un côté, et des pécheurs d’autre coté. Non, tous les gestionnaires toute tendance confondues ont presque les mêmes comportements. Voilà, pourquoi, nous notre cible c’est les mauvais gestionnaires. Soit de gauche, soit de droite, pas de couleur politique.

Foka : Aujourd’hui, vous pouvez clairement dire que vous avez les moyens d’investiguer et donner à la justice qu’on a le sentiment qu’une fois vous avez finis, vous mettez quelque part et c’est fini, vous n’en parlez plus. On ne voit pas des gens condamnés pour ces vols qui sont énormes.

Alingete : Non, en interne nous avons toutes les compétences pour mener des enquêtes. Les inspecteurs des finances sont des professionnels en matière de finances publiques.  Nous faisons très bien ce travail en respectant les procédures, et les normes internationales en matière de contrôle et en matière d’audit. Là, il n’y a pas de problème. Lorsque nous terminons nos enquêtes, nous envoyons directement, à la justice, soit aux autorités administratives lorsque il faut prendre des sanctions administratives, et là aussi je peux vous rassurer que les choses avancent. Parce qu’au niveau des autorités administratives, il y a des sanctions, qui sont prises.

Foka : Est-ce que c’est suivi par la justice, parce qu’on a envie de savoir à quel moment on condamne quelqu’un.

Alingete : On envoie les éléments au niveau des autorités administratives pour des sanctions, ou soit à la justice. Pas plus, il y a un ou deux mois, je pense que nous avons fait des rapports sur la gestion du portefeuille de l’Etat. Le gouvernement, le chef de l’Etat a fait une communication et a demandé au gouvernement, de prendre des mesures qui s’imposent. Et vous êtes au courant des mesures qui ont été prises. Sur le plan judiciaire, je peux vous assurer que beaucoup de dossiers que nous envoyons à la justice congolaise avancent, mais la justice a beaucoup de procédures. Les gens pensent que quand on envoie le dossier aujourd’hui, demain vous avez un jugement, non. Il faut laisser la justice faire le travail.

Foka : Lorsque vous donnez des dossiers, et qu’ils trainent, est-ce que vous n’avez pas des frustrations ?

Alingete : Non, je n’ai pas des frustrations. Beaucoup des dossiers que nous envoyons près de la cour d’appel de Gombe et même le parquet général près la cour d’appel de Matete Kinshasa, ces dossiers avancent et nous avons des résultats, donc la justice travaille.

Foka : Est-ce que vous n’avez pas des frustrations, M.Alingete, que ça soit la presse internationale qui dévoile, que ça soit la presse internationale qui enquête sur des choses aussi graves, avec des sommes aussi importantes. Est-ce que ce n’est pas votre tâche de mettre ça.

Alingete : Non, j’en profite, d’ailleurs pour dire, voilà l’intérêt pour l’inspection générale des finances de communiquer sur les conclusions de ces enquêtes. Parce que les gens ont l’impression que la presse internationale qui est venue parler des problèmes de BGFI, non c’est faux. C’est un problème connu, c’est un problème qui a été traité par l’inspection générale des finances, c’est nous qui avions mené cette enquête, nous avions les résultats et nous avons transmis ça à la justice depuis le mois de Mai 2021. Donc, si on avait fait une conférence de presse pour communiquer, je crois que ce que la presse internationale a fait serait un non-événement. Donc pour nous ce n’est pas un événement. Nous connaissons ces faits, nous avions enquêté, et nous avons des conclusions et la justice congolaise est au courant.

Moi, je voulais en profiter pour demander au gouvernement congolais et à la justice de ne pas tomber dans le piège de la presse internationale. Il n’y a que le rapport de l’inspection générale des finances qui a établi les faits avec preuves à l’appui que BGFI Bank a pris l’argent du trésor public, et elle a reconnu les faits. C’est ce rapport-là, que la justice doit traiter. On ne peut pas traiter des éléments dont on est entrain de suivre dans les réseaux sociaux dont on n’a pas des éléments de preuve.

Foka : Mais les documents sont publiés dans ces enquêtes-là, donc ils sont bien vrais

Alingete : Je ne pense pas, parce que nous on a eu à faire les mêmes enquêtes, nous avons des éléments. Et si vous me posez la question aujourd’hui pourquoi vous responsabiliser BGFI, je vous donne les éléments palpables. Devant la justice, BGFI ne dira pas le contraire, mais le reste on connait dans les insinuations. Vous pouvez amener un autre problème sur un autre terrain.

Foka : Est-ce qu’aujourd’hui, on peut dire que Joseph  Kabila et son entourage, ont siphonné les caisses de l’Etat ici en RDC ?

Alingete : Non, vous parler de l’ensemble. Mais moi, je dois rester dans le dossier BGFI que j’ai enquêté. Sur ce dossier-là, je peux vous dire non, personne ne dispose des preuves que ces fonds sont arrivés entre les mains de certaines personnes de l’entourage de Joseph Kabila, encore moins de Joseph Kabila.

Ce que nous avons comme élément, les 43 millions de dollars sortis de la banque centrale du Congo à l’insu des autorités monétaires et c’est arrivé au compte de BGFI Bank et BGFI Bank a reconnu les faits. Et sur ce terrain-là, suis prêt à aller en justice avec BGFI Bank, et la justice congolaise peut-être à l’aise car nous disposons des éléments probants. Le reste, amener le problème au-delà de là où nous n’avons pas des preuves, je pense que ce sont des insinuations qui n’ont pour objectif que de bruler le Congo.

Et nous n’avons pas intérêt aujourd’hui de bruler le Congo. Nous avons intérêt d’avoir un Congo uni, qui regarde à la même direction et qui travaille pour son développement.

Propos transcrits par Abiud Olinde

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