Présenté à l’Assemblée Provinciale par l’Alliance des Forces Démocratiques du Cogo de Bahati Lukwebo, aux élections de 2018, le Gouverneur du Sud-Kivu demeure l’un des chefs des Exécutifs provinciaux les plus contestés en République Démocratique du Congo mais peut-être le plus chanceux. D’abord cadre de l’AFDC-A de Lukwebo puis soutenant une aile dissidente proche de Joseph Kabila, revenu chez Lukwebo, Théo Ngwabidje pourrait adhérer ce dimanche au sein de l’UDPS.
En effet, plus de trois ans après depuis que Théo Ngwabidje a pris les rênes de cette province certains estiment qu’il n’a pas réussi à aligner cette dernière sur la liste des provinces en voie de développement en République Démocratique du Congo. Pour tenter de le mettre à l’écart avec des graves accusations de détournement notamment, des initiatives parlementaires ont été plusieurs fois entamées par l’Assemblée provinciale mais sans issues favorables.
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Motions de défiance et de censure ont même étaient initiées et soumises au vote à l’organe délibérant pour tenter de déchoir Théo Ngwabiddje mais sans y parvenir. La dernière en date est celle intervenue en décembre 2021 et qui s’est soldée par un vote pour le départ de Ngwabidje. Malheureusement pour les députés provinciaux et toutes les couches sociales qui exigeaient son départ, il est revenu aux affaires quelques jours après un arrêt de la Cour Constitutionnelle le réhabilitant de ses fonctions.
Des éternels volte-face ?
Mais pour le moment, qui de l’Alliance des Forces Démocratiques du Cogo de Bahati Lukwebo et l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social de Félix Tshisekedi, continue à maintenir Ngwabidje, le Gouverneur toujours « contesté » à la tête de la province ?
C’est en tout cas la question que se posent plusieurs acteurs sociaux et politiques du Sud-Kivu. Dans les salons politiques de la province, plusieurs sources évoquent un divorce official en vue entre le Gouverneur Théo Ngwabidje et son « mentor » Lukwebo. Selon les mêmes sources, l’autorité morale de l’AFDC aurait réfusé de continuer à garder confiance en un Théo « dribleur » et qui ne protège plus ses intérêts.
Ce dernier temps, l’accablant rapport de l’IGF sur le détournement présumé de plus de 6 millions des dollars par l’exécutif provincial du Sud-Kivu serait la goutte qui est venu déborder le vase. Lukwebo ne sait plus soutenir un Gouverneur à la base de plusieurs scandales dans une province où lui-même compte revenir solliciter un électorat.
Driblé plusieurs fois par le même Gouverneur, Lukwebo aurait donc décidé de laisser Théo Ngwabidje évoluer en solo, craignant être comptable d’une gestion « calamiteuse » dans une province politiquement dangereuse et où il a eu toujours difficile à se faire élire.
Sur les réseaux sociaux, la tension est monté d’un cran ces derniers jours. Les membres des sulfureuses Cellules de Communication et d’investigation du Gouverneur n’arrêtent d’insulter l’actuel Président du Sénat le qualifiant de tous les maux alors que les AFDC Lukwebo se défendent.
Mais dans l’entre-temps, d’autres analystes font remarquer que des membres de la famille politique et biologique restent toujours au sein du Gouvernement provincial. Ce parti n’a jamais donné un quelconque mot d’ordre leur demandant de démissionner.
Que tente de faire Ngwabidje pour se sauver ?
Au lendemain de l’ouverture de la session de septembre en cours à l’Assemblée Provinciale, le Gouverneur Ngwabidje comme pour le temps passé, tente de se trouver une nouvelle formule pour se maintenir au pouvoir. Surtout qu’on le sait, la session de Septembre à l’Assemblée provinciale affiche des couleurs politiques au lendemain sombre pour l’ex Directeur Provincial de la CNSS.
Comme pour toujours, ce membre de l’AFDC et peut-être bientôt combattant UDPS, fait tout pour essayer de s’en sortir à chaque fois qu’il est dans le pétrin. Il change de camp chaque fois qu’il a la sensation que son heure est arrivée. Dans son entourage, on parle de pragmatisme.
Cette fois, la formule est simple : se cacher derrière le parti présidentiel en province ! Lui, qu’on dit être désormais l’enfant chéri de la première dame, Denise Nyakeru.
Le Gouverneur « contesté » a encore une fois choisi son camp du moment. Pour ce faire il tente de renforcer son pouvoir à travers les récentes nominations au sein de son cabinet politique mettant un peu à l’écart certains fidèles de Lukwebo. Pas tous, pour le moment.
Pourtant sans force politique à l’Assemblée Provinciale, l’UDPS se retrouve dans les dernières nominations dans toute la sphère politique.
« Tonton millionnaire » comme aiment l’appeler ses opposants [en référence aux millions de dollars qu’on l’accuse d’avoir détourné], sait désormais que comme parti présidentiel, l’UDPS peut jouer un rôle important lors des prochains duels politiques à son encontre.
L’homme fort de Nyamoma se serait tapé un autre allié dans le sillage du premier citoyen de la République. Il s’agirait de Me Guy Loando, l’actuel ministre de l’aménagement du territoire et Président national du parti « Agissons pour la République » (AREP).
D’ailleurs apprend-on, c’est en réponse à la demande de Guy Loando, que le Gouverneur Ngwabidje aurait nommé Me Ephrem Iragi, jadis Porte-parole de l’AFDC au Sud-Kivu comme Coordonnateur de la cellule de communication du Gouvernorat de province.
Ngwabidje ne fait plus un mouvement sans citer le nom de la première dame et du Président de la République pour s’attirer la sympathie de Félix Tshisekedi ou de son parti.
Partout, l’homme évoque le nom de Denise Nyakeru et celui du Président Félix Tshisekedi. Tout celui qui tente de critiquer son action est qualifié d’un « haineux » qui veut torpiller la vision du Chef de l’Etat en province. Un membre de son cabinet a même qualifié de Lukwebo de quelqu’un qui soutient les M23.
De la ruse !
Ce positionnement du Gouverneur AFDC ne fait pas l’unanimité au sein du parti présidentiel (UDPS) au Sud-Kivu. Certains cadres craignent une mascarade de la part d’un acteur politique qui parait pour eux « ni chaud ni froid ».
Certes, d’autres jeunes du parti présidentiel trouvent une opportunité pour se définir et se créer une place dans les services publics provinciaux, sans comprendre les conséquences qui en découlent mais aussi son impact sur la crédibilité d’un parti présidentiel à ma quête d’un second mandat pour son leader.
Un parti dont la grande partie des cadres et militants était restée loin de la gestion du pouvoir, même après la venue de Tshisekedi.
Pour nombreux, Ngwabidje est leur sauveur. Celui-ci donc peut compter sur chacun d’eux pour parfois faire rapport à Kinshasa en forme d’intox et de manipulation. Dans cette quête, Ngwabidje peut compter sur certains membres du cabinet du Président Tshisekedi, issus de l’UDPS et qui sont ses amis depuis des temps alors que le parti était encore à l’opposition. L’homme ne cessait de donner ses cotisations.
« Il s’agit bien d’un Théo qui reflète les maux qui rongent notre société. Un ancien de l’AFDC. Il faut le craindre », prévient un internaute dans un réseau social.
Plusieurs analystes politiques et sociaux de la province estiment que le rapprochement entre Théo Ngwabidje et l’UDPS est simplement une vielle méthode.
De la ruse, et qui pourrait servir d’outil aux opposants de Félix Tshisekedi pour le critiquer en province pour impacter négativement sa popularité en soutenant mordicus un Gouverneur « contesté » pendant plusieurs années.
Pour certains, accepter de soutenir un Gouverneur « contesté », conduirait au rejet de l’UDPS au Sud-Kivu.
« Nous connaissons cette province. Ngwabidje va étouffer la montée en puissance du Président Félix au Sud-Kivu et les conséquences seront inimaginables pour lui comme pour son parti » commente un analyste politique.
Dans l’entre-temps, au Sud-Kivu ça sent l’implantation de la peur. Il s’attaque à tout le monde. L’homme devient des temps en temps impitoyable contre quiconque tente de critiquer sa gestion. Les derniers recrutements au sein de son cabinet en disent long sur ses intentions.
Journalistes, acteurs politiques et de la Société Civile, tous sont dans les collimateurs de l’homme de Nyamoma.
Bienfait Zihindula, un militant pro-démocratie très critique au pouvoir de Nyamoma est aux arrêts depuis plus d’une semaine. Il en est de même pour le journaliste Aboubakar Kigabi, du média Libregrandlac, qui vit en clandestinité. Des services de sécurité le recherche partout. Son pêché serait d’avoir écrit un article de presse sur les contestions des certains habitants contre le Gouverneur Ngwabidje. D’autres menaces sont continuellement lancées contre des personnes et organisations qui tentent de lever leurs petits doigts pour dénoncer la mauvaise gouvernance.
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Qui de l’AFDC ou de l’UDPS va t-il donc accepter d’être comptable du bilan « chaotique » de Ngwabidje à la tête de la Province du Sud-Kivu? Comment cette énième tentative va-t-elle se terminer? La question est donc posée alors que l’homme n’a pas hésité à consolider sa brigade de communication et d’influence sur tous les réseaux sociaux.
Comme beaucoup des gouverneurs qui n’avaient pas beaucoup à faire depuis Kabila, Ngwabidje sait qu’il peut se faire admirer avec quelques photos sur Twitter et influencer ainsi les décisions de l’autorité nationale à tous les niveaux. Ses nouveaux alliés aiment la visibilité, aiment qu’on ascence le boss et lui Ngwabidje est prêt à tout!