Intervenons-nous

La Coalition de la société civile « Pamoja kwa Amani » alerte sur ce qu’elle qualifie d’« instrumentalisation grave des populations civiles » par l’Alliance Fleuve Congo–Mouvement du 23 mars (AFC-M23) et dénonce un « simulacre de retrait » des rebelles de la ville stratégique d’Uvira. Dans une note d’alerte publiée ce mardi 23 décembre 2025, l’organisation affirme que, contrairement aux annonces officielles, les combats se poursuivent dans l’Est de la République démocratique du Congo et que les violations des droits humains s’intensifient.

Selon ce document, depuis la mi-décembre 2025, l’AFC-M23 organise des manifestations dites « populaires » dans plusieurs zones sous son contrôle, notamment à Uvira le 16 décembre, Kamanyola le 19, Goma le 22 et Bukavu le 23 décembre.

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D’après « Pamoja kwa Amani », ces marches sont imposées sous la contrainte. Les habitants seraient sommés d’y participer sous peine de représailles physiques, de massacres ou même d’exécutions sommaires en cas de refus. La coalition évoque l’existence de messages audio largement diffusés sur les réseaux sociaux, contraignant différentes catégories socioprofessionnelles à signer des listes de présence afin d’éviter des sanctions.

Ces mobilisations forcées viseraient, selon la note, à donner l’illusion d’un soutien populaire à l’occupation rebelle et à diffuser des messages opposés au départ de l’AFC-M23, tout en réclamant un dialogue direct avec le gouvernement congolais.

À Bukavu, la marche organisée ce mardi 23 décembre n’aurait pas connu l’engouement espéré par ses initiateurs, malgré les menaces et intimidations.

« Pamoja kwa Amani » rapporte, sur base d’images consultées, que plusieurs participants étaient de jeunes adolescents qui, visiblement, ne comprenaient pas les enjeux de la mobilisation. La ville a par ailleurs été secouée par des détonations d’armes lourdes et légères dans plusieurs quartiers, notamment Panzi, Essence, Maria Kachelewa et Gihamba. Des éléments wazalendo y auraient fait incursion pour empêcher la participation de la population à la marche rebelle. Les premiers bilans font état d’au moins trois civils tués, atteints par balles ou par des éclats de bombe.

L’organisation condamne « très fermement » ces violences qu’elle estime contraires à l’article 16 de la Constitution congolaise, qui consacre le caractère sacré de la personne humaine. Elle dénonce également les méthodes de terreur et d’intimidation de l’AFC-M23, jugées incompatibles avec l’article 22 de la Constitution garantissant la liberté de pensée.

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Sur la question du retrait annoncé de l’AFC-M23 d’Uvira le 16 décembre 2025, « Pamoja kwa Amani » parle d’une opération de façade. Si certains contingents auraient quitté la ville sous pression internationale, des sources sécuritaires et locales confirment, selon l’organisation, la présence persistante d’éléments de la police et des services de renseignements de l’AFC-M23 à Uvira, ainsi que l’infiltration d’autres combattants au sein de la population.

Les affrontements signalés le 22 décembre à Uvira entre les wazalendo et l’AFC-M23, ainsi que les combats autour de Makobola, viendraient corroborer cette version. Le gouvernement congolais et les FARDC qualifient d’ailleurs ce mouvement de « simulacre » ou de « redéploiement tactique », et non d’un retrait effectif.

La note d’alerte signale également la poursuite quasi quotidienne des combats sur plusieurs lignes de front, notamment sur l’axe Uvira-Fizi, où les rebelles tenteraient de percer en direction du Grand Katanga via la province du Tanganyika. Des renforts en hommes et en armement continueraient d’affluer de Goma vers Bukavu avant d’être déployés sur les lignes de front, en particulier à Uvira-Fizi. D’autres affrontements sont aussi rapportés à Shabunda et à Kabare, toujours au Sud-Kivu.

Dans ce contexte, « Pamoja kwa Amani » exprime sa vive inquiétude face à l’arrestation et à la détention de Deogratias Buuma Bitalya, directeur exécutif de l’ONG congolaise Action pour la Paix et la Concorde (APC). Interpellé le lundi 22 décembre par le département de renseignements de l’administration rebelle, cet acteur de la société civile reste détenu, selon la coalition, sans que les motifs réels de son arrestation ne soient connus. « Pamoja kwa Amani « exige sa libération immédiate et sans condition.

La coalition formule enfin plusieurs recommandations. Elle appelle les populations à la vigilance face aux tentatives de manipulation et à documenter, lorsque les conditions de sécurité le permettent, les cas d’intimidation.

Elle exhorte l’AFC-M23 à mettre fin aux menaces contre les civils et à cesser toute instrumentalisation politique des populations, rappelant que celles-ci aspirent avant tout à la paix.

À la communauté internationale, « Pamoja kwa Amani » demande d’exiger un retrait « effectif, complet et sans équivoque » des troupes rwandaises et de leurs alliés de l’AFC-M23 de l’ensemble des territoires occupés illégalement, conformément à la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU et à l’accord de paix de Washington du 4 décembre 2025.

Sur le plan humanitaire, l’organisation alerte sur l’afflux massif de déplacés internes, notamment dans le territoire de Fizi, et de réfugiés vers le Burundi voisin, conséquence directe des combats persistants.

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Elle plaide pour une assistance humanitaire urgente et appelle la communauté internationale à accorder une attention accrue aux populations meurtries de l’Est de la RDC, rappelant leur droit fondamental à la vie, à la sécurité et à des conditions d’existence dignes.

Jean-Luc M.

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