La semaine dernière, Kalev Mutond, l’ancien directeur de l’Agence nationale de renseignements (ANR) de la République démocratique du Congo, est sorti de l’ombre. Craignant d’être arrêté, il avait fui le pays en mars 2021, quelques jours seulement avant que les autorités judiciaires ne lancent un avis de recherche à son encontre, suite aux plaintes déposées en justice par plusieurs victimes l’accusant de détention arbitraire, de torture et de tentative de meurtre.
Les médias ont rapporté que Kalev Mutond présenterait désormais des excuses aux victimes et demanderait pardon. En guise de réponse, l’activiste congolais Carbone Beni, sévèrement battu et détenu arbitrairement par l’ANR pendant plusieurs mois entre 2017 et 2018, a tweeté que le pardon découle normalement « d’une prise de conscience individuelle » et ne devrait pas être « une ruse ou une malice pour se dédouaner d’une sanction ».
Généralement connu par son prénom « Kalev », l’ancien chef des renseignements a orchestré la répression brutale menée par le gouvernement contre la dissidence politique lorsque le président de l’époque, Joseph Kabila, cherchait à briguer un troisième mandat à partir de décembre 2016 malgré la limite de deux mandats prévus par la Constitution.
Sous le commandement de Kalev Mutond, l’agence de renseignements avait arrêté des dizaines de militants des droits humains et prodémocratie, ainsi que des membres de l’opposition, dont beaucoup ont été détenus sans inculpation ni accès à leurs familles ou à leurs avocats.
Les États-Unis ont sanctionné Mutond en décembre 2016 pour avoir « entravé des processus démocratiques » et l’Union européenne l’a sanctionné à son tour en mai 2017 pour avoir « planifié, dirigé ou commis » de graves violations des droits humains.
Lorsque le président Félix Tshisekedi l’a démis de ses fonctions de directeur de l’ANR en mars 2019, les victimes pouvaient alors espérer que le haut-responsable jusque-là intouchable finisse par faire face à la justice.
Or, depuis son retour à la fin du mois d’août, Kalev Mutond semble vivre à Kinshasa en tant qu’homme libre, suscitant des inquiétudes quant à la possibilité qu’un accord ait été conclu, lui permettant d’échapper aux poursuites.
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Pour Human Rights Watch, il faut « ouvrir une enquête sur Kalev Mutond pour détention arbitraire et torture ».
« Ces gens doivent savoir qu’il y a des conséquences pour les actes qu’ils posent », a déclaré l’activiste et ancien détenu de l’ANR Christopher Ngoyi, qui a déposé plainte en janvier 2021 pour « qu’à l’avenir il n’y ait pas un autre Kalev Mutond ». Toute « solution à l’amiable n’aiderait pas le pays à aller de l’avant », a-t-il déclaré à Human Rights Watch.
Si le président Tshisekedi est réellement déterminé à lutter contre l’impunité, il doit veiller à ce que « Kalev » soit tenu responsable des nombreuses exactions graves qu’il a supervisées. Pour les victimes, la justice n’est pas négociable.
Avec HRW
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