Intervenons-nous

Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a exécuté sommairement plus de 140 civils en juillet dernier dans au moins 14 villages et zones agricoles du territoire de Rutshuru, près du parc national des Virunga (Nord-Kivu), selon Human Rights Watch (HRW). Le bilan pourrait dépasser 300 victimes, ce qui en fait l’une des pires atrocités commises par ce mouvement depuis sa résurgence fin 2021.

Entre le 10 et le 30 juillet, les combattants du M23 ont tué des habitants dans leurs villages, leurs champs et près de la rivière Rutshuru, y compris des femmes et des enfants. HRW a recensé 141 morts ou disparus, tandis que l’ONU rapporte au moins 319 civils tués entre le 9 et le 21 juillet dans quatre localités de Rutshuru. Des informations évoquent aussi 41 autres exécutions début août.

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Les massacres se sont concentrés dans les villages de Busesa, Kakoro, Kafuru, Kasave, Katanga, Katemba, Katwiguru, Kihito, Kiseguru, Kongo, Lubumbashi, Nyamilima, Nyabanira et Rubare, alors sous contrôle du M23. Des témoins rapportent que les rebelles obligeaient les survivants à enterrer les corps dans les champs ou à les laisser sans sépulture, tandis que d’autres cadavres, y compris ceux de femmes et d’enfants, ont été jetés dans la rivière Rutshuru.

Des sources locales, militaires et onusiennes confirment que les Forces de défense du Rwanda (RDF) ont participé aux opérations. Des témoins disent avoir identifié des soldats rwandais à leurs uniformes et accents. Kigali, de son côté, dément toute implication et attribue les tueries à d’autres groupes armés hutus, dont le CMC-Nyatura.

HRW estime que ces violences s’inscrivent dans une campagne militaire visant les FDLR, groupe armé hutu rwandais formé après le génocide de 1994. Mais la majorité des victimes sont des civils hutus et, dans une moindre mesure, nande, faisant craindre une logique de nettoyage ethnique dans la région de Rutshuru.

Les massacres auraient été menés par le 1er Bataillon de la 1ère Brigade du M23, commandé par le colonel Samuel Mushagara et le général Baudoin Ngaruye, déjà sanctionné par l’ONU pour crimes de guerre. HRW appelle le Conseil de sécurité, l’Union européenne et les gouvernements à imposer de nouvelles sanctions et à traduire les responsables devant la justice internationale.

Des survivants décrivent des scènes de terreur. Un agriculteur raconte avoir vu sa femme et ses trois enfants, âgés de 9 mois à 10 ans, exécutés devant lui. Une autre victime a retrouvé un homme de 47 ans et ses quatre enfants égorgés dans un champ. Une femme témoigne :

« Nous marchions en silence. Si un enfant pleurait, ils menaçaient de le tuer. Ils tuaient avec des couteaux. »

Selon HRW, des femmes et enfants ont été emmenés puis exécutés au confluent des rivières Rutshuru et Ivi. Une rescapée rapporte que 47 personnes y ont été tuées sous ses yeux.

HRW affirme avoir écrit au gouvernement rwandais et au chef du M23, Bertrand Bisimwa, sans obtenir de réponse. L’Alliance Fleuve Congo (AFC), coalition incluant le M23, a rejeté les accusations de l’ONU. Kigali nie également l’implication de ses forces, accusant plutôt des groupes armés rivaux.

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Ces atrocités surviennent quelques semaines après un accord de paix signé le 27 juin entre Kinshasa et Kigali, prévoyant le retrait du M23 et la neutralisation des FDLR. Pour HRW, ces massacres illustrent « l’écart entre la rhétorique diplomatique et la réalité vécue par les civils ».

HRW demande que des experts médico-légaux internationaux et de l’ONU soient déployés pour préserver les preuves, et que les États bailleurs de fonds révisent leur coopération militaire avec Kigali.

Le droit international humanitaire interdit les attaques contre les civils, les exécutions sommaires, les déplacements forcés et les violences sexuelles. Ces crimes relèvent des crimes de guerre, passibles de poursuites devant la Cour pénale internationale (CPI), qui a réactivé ses enquêtes en RDC en octobre 2024, avec une attention particulière sur les crimes commis au Nord-Kivu depuis 2022.

Freddy Ruvunangiza

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