Le Président du Sénat, Bahati Lukwebo interdit aux militants de l’Alliance des Forces Démocratiques du Congo (AFDC et Alliés) de faire recours à la violence, pour solliciter le départ de la Monusco en RDC.
Il l’a dit dans un message publié ce mercredi 27 juillet 2022, à la suite des violentes manifestations enregistrées au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, pour exiger le retrait « immédiat » de la Monusco. Lors de ces manifestations, plusieurs morts ont été enregistrés, et d’importants dégâts matériels.
«En tant qu’homme de paix et en ma qualité de sénateur, j’appelle à l’apaisement, au calme, et je condamne fermement toute violence, d’où qu’elle vienne, et j’interdit également à tous les membres de notre parti et regroupement AFDC et Alliés, et à tous ceux qui me sont proches, de s’attaquer, sous quelque forme que ce soit, au patrimoine et au personnel des Nations-Unies. Je condamne également les tueries qui se produisent en ce moment à la suite de la manifestation des citoyens congolais. Les manifestations sont autorisées par la Constitution, mais nous insistons sur le fait qu’il faut éviter toute destruction, toute brutalité. On peut s’exprimer, mais pas nécessairement causer des dégâts humains et matériels,» déclare Bahati Lukwebo.
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A la suite de ces manifestations, certaines personnes ont allégué que le Président du Sénat aurait, dans son message à la population de Goma et de Bukavu mi-juillet dernier, appelé à des manifestations contre la Monusco. Bahati Lukwebo a certes demandé le départ de la Monusco, pour n’avoir pas réussi à restaurer la paix en RDC depuis plus de 20 ans. Mais il insiste qu’il n’a jamais appelé la population à s’en prendre à la mission onusienne.
«Lors de mon passage à Goma et à Bukavu dans le cadre de mes vacances parlementaires, entant qu’élu je me suis adressé à la population pour demander à ce que la jeunesse puisse s’enrôler dans les Forces Armées en vue de défendre la patrie, défendre les innocents qui sont tués ça et là suite à la guerre qui nous est imposée injustement. Mais j’ai constaté que certains politiciens, opportunistes, tentent de sortir mes propos de leur contexte, en m’attribuant une quelconque responsabilité dans ce qui se passe actuellement,» dénonce Bahati Lukwebo.
La mission onusienne est en RDC depuis 1999. Alors qu’elle avait notamment pour objectif de contribuer au rétablissement de la paix en RDC, elle a toujours été critiquée par ses faibles résultats. Car malgré sa présence, les massacres se sont poursuivis dans plusieurs régions de l’Est du pays. Elle n’aurait d’ailleurs, jusqu’ici, réussi à déloger aucun groupe armé.
Cette faible performance de la mission onusienne a d’ailleurs été à la base des manifestations de colère depuis 2020 dans plusieurs villes de la RDC, où des habitants ont maintes fois manifesté à Bukavu, Beni, Butembo, Goma et consorts, pour exiger le départ de cette force.
Lors de son passage à Goma et à Bukavu, le 15 et le 16 juillet dernier, Bahati Lukwebo avait estimé que la Monusco avait déjà fait ce qu’elle a pu, et qu’elle devait s’en aller, « mais sans brutalité ».
«On ne peut pas continuer à compter sur les promesses de la communauté internationale. Nous avons ici une grande force, de plus de 20.000 hommes, depuis 22 ans, nous n’avons pas eu la paix. Maintenant nous devons nous même nous assumer, mais sans les bousculer. Nous demandons qu’ils puissent partir, mais pas de brutalité. Nous devons leur demander tranquillement de se retirer, nous-mêmes nous allons assurer notre sécurité. Nous demandons à la Monusco de se retirer sans délai. Nous demandons aussi à la population de ne pas les bousculer, ils ont fait ce qu’ils ont pu faire, malheureusement nous ne pouvons plus rien attendre d’eux. Qu’ils partent dans la paix, nous-mêmes nous allons nous organiser,» a dit Bahati Lukwebo à la Place de l’indépendance à Bukavu, samedi 16 juillet 2022.
Selon certains observateurs, ces nouvelles manifestations seraient plutôt liées à la récente déclaration de la Cheffe de la Monusco, dans son adresse au Conseil de sécurité le 29 juin dernier, et dans laquelle elle a indiqué que la Monusco est incapable de faire face aux terroristes du M23, vu que leurs armes sont « sophistiquées ».
«Aujourd’hui, le M23 dispose d’un arsenal de combat supérieur à ceux de la MONUSCO et des FARDC. Il est à même d’abattre des hélicoptères militaires, de terroriser la province du Nord-Kivu et de commettre d’autres crimes dans l’est du Congo. Qui est derrière ce groupe, qui était apparemment désarmé et sous la garde du Rwanda et de l’Ouganda ? Le M23 est une milice de l’armée rwandaise. Il se comporte de plus en plus comme une armée conventionnelle plutôt que comme un groupe armé, disposant d’une puissance de feu et d’équipements de plus en plus sophistiqués,» a déclaré Mme Bintou Keita, fin juin dernier.
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Signalons que lors des manifestations qui ont débuté lundi dernier à Goma, au mois 5 personnes ont été tuées. Les locaux de la Monusco ont été vandalisées par des manifestants, notamment aux bases de la RVA et de Lava. Ce mardi, les manifestations se sont poursuivies au Nord-Kivu, notamment à Butembo, où 16 manifestants ont été tués, et 3 éléments de la Monusco. A Uvira au Sud-Kivu, une autre marche a été signalée la journée ce mercredi 27 juillet 2022, au cours de laquelle au moins 4 personnes ont perdu la vie.
Pendant ce temps, les autorités congolaises, ainsi que plusieurs personnalités et organisations, ne cessent d’appeler la population au calme et à la retenue. Le Prix Nobel de la Paix, Denis Mukwege, a par exemple estimé que bien que la frustration de la population soit « compréhensible », au regard des massacres qu’elle vit au quotidien, elle devrait s’exprimer « dans la non-violence », pour éviter de tomber dans le piège d’une violence qui profite en premier lieu aux « ennemis de la paix ».
Museza Cikuru