Intervenons-nous

Reçus en audience ce jeudi par les anciennes Cheffes d’État Sahle-Work Zewde (Éthiopie) et Catherine Samba Panza (Centrafrique), co-facilitatrices désignées par l’Union Africaine, les représentants de la Société civile du Nord et du Sud-Kivu ont présenté un mémorandum alarmant sur la situation sécuritaire et humanitaire en République Démocratique du Congo. Ils y dénoncent une agression planifiée par le Rwanda via le M23, et formulent des recommandations urgentes pour un retour à la paix et à la souveraineté nationale.

« La RDC est victime d’une agression militaire directe du Rwanda, via le M23-RDF », martèle le document remis aux deux personnalités.

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La délégation, conduite par des leaders de la Société civile active sur le terrain, a exposé les conséquences dramatiques de la progression du M23 dans l’Est de la RDC depuis novembre 2021. Blaise Bubala, Coordinateur du Réseau de protection des défenseurs des droits humains (Réseau Viwine), Team Leader du Groupe thématique Travail, Mines et Hydrocarbures de la Société Civile du Sud-Kivu et Directeur pays de l’ONG ACADHOSHA, a pris la parole pour dénoncer une guerre d’occupation orchestrée par Kigali, mêlant pillages de ressources, violations massives des droits humains et instrumentalisation ethnique.

« La question des FDLR n’est qu’un prétexte idéologique de Kagame pour légitimer les massacres et le pillage des ressources congolaises », a-t-il déclaré devant les facilitatrices.

Depuis le début de l’année, plusieurs villes et localités ont été occupées par le M23 : Lumbishi, Numbi, Minova, Goma, Nyabibwe, Bukavu, avec une avancée continue vers Walungu, Mwenga, Masisi et Walikale. Cette expansion est selon la Société civile, liée à une stratégie régionale de balkanisation économique et géopolitique, visant le contrôle des minerais stratégiques et le sabotage des institutions congolaises.

« Plus de 100 tonnes de coltan et de cassitérite ont été pillées à Bukavu, et les mécanismes de traçabilité ont été désactivés », révèle le mémorandum.

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Les représentants dénoncent une situation humanitaire catastrophique dans les zones sous occupation :

  • Violences sexuelles, assassinats ciblés, enrôlements forcés
  • Déportations de masse, massacres et exécutions sommaires
  • Menaces contre les défenseurs des droits humains
  • Pillages organisés d’institutions financières et circuits de contrebande vers le Rwanda

« La paix durable ne pourra être reconstruite sans justice, sans restauration de la souveraineté nationale, et sans un soutien international cohérent. »

Ils signalent également la libération massive de détenus, qui aggrave l’insécurité, et la stigmatisation des Congolais Hutu, accusés à tort d’être affiliés aux FDLR pour justifier des représailles.Société Civile du Nord et Sud-Kivu

La Société civile critique ouvertement le manque de transparence dans les processus de Doha et Washington, estimant que ces négociations excluent les victimes directes du conflit et renforcent l’impunité.

« Le processus de Doha et l’accord USA-RDC-Rwanda sont caractérisés par un manque de transparence. »

Elle pointe également la faillite des organisations régionales, comme la CIRGL, l’EAC et la SADC, et appelle à la redynamisation de la CEPGL, qui fut jadis un levier de stabilité.

Dans un plaidoyer structuré, les acteurs de la Société civile formulent huit recommandations clés :

  1. Lancer un dialogue national inclusif, impliquant groupes armés, société civile et partenaires internationaux
  2. Déployer une force multinationale offensive, sous Chapitre VII de la Charte de l’ONU
  3. Ouvrir des corridors humanitaires, financiers et aériens vers les zones occupées
  4. Rejeter toute forme d’amnistie et appliquer des sanctions ciblées
  5. Exclure l’intégration automatique des groupes armés dans les FARDC
  6. Mettre en place un Plan Marshall pour la relance économique de l’Est
  7. Organiser des dialogues inter-rwandais, inter-ougandais et inter-burundais pour résoudre les crises exportées
  8. Redynamiser la CEPGL pour favoriser la stabilité régionale

Au-delà des recommandations, la Société civile insiste sur :

  • L’application de la Résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations Unies pour exiger le retrait immédiat des troupes rwandaises ;
  • Le rejet de tout partage des ressources naturelles avec l’agresseur ;
  • La création d’un Fonds spécial d’investissement pour financer :
    • La reconstruction communautaire
    • Les infrastructures de base
    • Le DDRR et la justice transitionnelle
    • La gouvernance locale

« Il est impératif que la RDC jouisse souverainement de ses ressources naturelles. »

Le mémorandum se conclut sur un appel à la responsabilité continentale et à la solidarité :

« Le Plan Marshall congolais est une opportunité historique de sortir du cycle des violences et d’enclencher un véritable processus de réconciliation nationale. »

Les facilitatrices de l’Union Africaine ont, selon les membres de la délégation, prêté une oreille attentive à ce plaidoyer construit, ancré dans les réalités du terrain.

Freddy Ruvunangiza

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