Vingt-huit ans après sa mort, le Maréchal Mobutu Sese Seko, ancien président du Zaïre décédé le 7 septembre 1997, continue de susciter débats et controverses. À l’occasion de cet anniversaire, Jean-Bosco Muhemeri, président du Réseau des ONG des droits de l’homme au Sud-Kivu, a accordé un entretien à La Prunelle RDC dans lequel il revient sur les forces et faiblesses du régime mobutiste, notamment sur la gestion sécuritaire dans la région des Grands Lacs.
Selon Muhemeri, Mobutu reste un personnage à double visage. Il représentait l’autorité de l’État et portait l’ambition d’un grand Zaïre, en dotant le pays d’infrastructures majeures sur les plans économique, social, militaire et énergétique. Parmi ses réalisations figurent le barrage d’Inga, la Synergie de Maluku, l’immeuble du CCIA ou encore la Sozacom.
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Mais en parallèle, son régime fut marqué par la dictature et une absence de prise en charge sociale.
« Il était tout sauf un démocrate. Alors que le peuple congolais avait besoin de s’épanouir, l’épanouissement privé était compliqué et les libertés individuelles étaient bruinées », regrette Muhemeri.
Pour le défenseur des droits humains, Mobutu fut aussi « la main des États-Unis en Afrique centrale ». Agent de la CIA, il est présenté comme l’un des acteurs de la chute de Patrice Lumumba et de Joseph Kasavubu. Son pouvoir aurait servi les intérêts stratégiques des pays occidentaux, transformant la RDC en fournisseur des ressources naturelles au profit des puissances étrangères.
Au-delà de ces critiques, Muhemeri reconnaît des initiatives positives du régime Mobutu qui pourraient inspirer les dirigeants actuels. Il cite la création de la Banque pour le Développement des Grands Lacs (BDGL), qui avait facilité la coopération entre la RDC, le Rwanda et le Burundi, assurant une certaine stabilité régionale.
Il évoque également l’initiative du cadre multilatéral de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), qui visait à renforcer l’intégration économique et sécuritaire entre les pays de la sous-région.
« Ces éléments peuvent servir de modèle pour les dirigeants actuels, s’ils veulent copier les bons exemples de Mobutu », estime-t-il.
Jean-Bosco Muhemeri reproche toutefois au Maréchal son refus de l’alternance et son manque de sens d’homme d’État.
« Mobutu était un bon chef de l’État malgré qu’il eût fait un coup d’État et qu’il soit cité dans la mort de ses frères, notamment Lumumba et Kasavubu. Je lui reproche de n’avoir pas compris qu’il était un être humain et qu’il devait gérer le pays en sachant qu’il le laisserait un jour, et de ne pas nous promettre le déluge ».
Enfin, vingt-huit ans après sa disparition, Mobutu demeure une figure ambivalente : bâtisseur d’infrastructures et promoteur d’initiatives régionales d’un côté, mais symbole de dictature, d’alignement sur l’Occident et d’absence d’alternance démocratique de l’autre.
Son héritage, notamment en matière de coopération régionale, reste une référence dont les dirigeants congolais et africains pourraient s’inspirer dans la gestion actuelle des défis sécuritaires et économiques des Grands Lacs.
Suzanne Baleke