Depuis plus de deux mois, la cité de Bunagana, située en territoire de Rutshuru au Nord-Kivu, est occupée par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. En dépit des offensives menées par l’armée congolaise et des initiatives diplomatiques jusqu’ici menées, notamment à Nairobi et à Luanda, ce mouvement « terroriste » continue de contrôler cette cité stratégique, frontalière avec l’Ouganda.
Pour sortir de cette situation, le député national Juvenal Munubo, élu de Walikale au Nord-Kivu, appelle le Gouvernement congolais à « maintenir la pression militaire » contre les rebelles du M23. Dans un entretien avec Afrikarabia, ce membre de la Commission défense et sécurité de l’Assemblée Nationale estime tout de même que l’action militaire elle seule, ne peut aboutir. Il appelle également à l’accentuation des efforts diplomatiques par la RDC.
«Dans un premier temps, il ne faut pas envisager [la négociation]. Ce serait se décrédibiliser. Il faut maintenir la pression militaire et faire des progrès diplomatiques. Il me semble que la solution durable se trouve dans la diplomatie, et pas forcément dans l’action militaire. Nous devons exiger un peu plus du gouvernement. Il faut que l’armée se réorganise absolument. La ville de Bunagana est stratégique. Les rebelles perçoivent les taxes douanières. Des équipements militaires peuvent transiter par ce poste-frontière. Bunagana ne doit pas rester longtemps aux mains du M23. Il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités,» indique-t-il.
« Sanctionner le Rwanda »
Début août, un rapport du groupe d’experts de l’ONU a confirmé que des militaires rwandais ont combattu les FARDC, aux côtés du M23, depuis novembre dernier dans l’Est de la RDC.
Juvénal Munubo pense que le Rwanda devrait être « sanctionné », et qu’une juridiction internationale puisse examiner ces preuves et la responsabilité de Kigali.
«L’armée congolaise avait déjà récolté de nombreuses preuves de l’implication du Rwanda. Et déjà, en 2013, un premier rapport de l’ONU avait établi la responsabilité du Rwanda en appui au M23. L’histoire semble donc se répéter. Toute la question est maintenant de savoir ce que l’on fait du rapport. Je crois qu’il faut un plaidoyer de haut niveau. Le président Tshisekedi a rencontré le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, et ils en ont parlé. Pour moi, c’est important que le Rwanda soit sanctionné et qu’une juridiction internationale puisse examiner ces preuves et la responsabilité de Kigali. Les contacts diplomatiques doivent se poursuivre. Le processus de Luanda doit être soutenu, et la feuille de route qui prévoit le retrait du M23 de ses positions doit être appliquée,» déclare-t-il.
Cet élu de l’UNC regrette par ailleurs le fait que la RDC n’ait pas fait beaucoup de progrès dans la réforme du secteur de la sécurité et dans le processus de démobilisation et réinsertion.
«On parle actuellement beaucoup du départ de la Monusco. C’est très facile de dire que la Monusco doit partir, mais qu’est-ce qui a été fait pour la reconstruction de l’armée et pour les opérations de démobilisation pendant tout ce temps ? Peu de choses. Cela fait plusieurs mois qu’un coordonnateur du DDR a été nommé, avec une nouvelle approche de réinsertion communautaire et de stabilisation. Mais il n’y a aucun projet. Lorsque vous arrivez au Nord-Kivu ou en Ituri, on ne sait pas où se trouvent les centres de réinsertion. Il n’y en a tout simplement pas. Le DDR reste encore un projet de papier avec une structure qui existe à Kinshasa, mais il n’y a pas de filières de réinsertion sur le terrain, dans les zones de conflit,» fustige-t-il.
Et d’ajouter : «C’est en effet un problème. Vous sensibilisez des jeunes à déposer les armes et ensuite, ils restent dans les centres de démobilisation sans nourriture, sans encadrement et sans perceptives. On doit repenser cette stratégie et il faut clairement davantage de volonté politique. Nommer un coordinateur de DDR ne suffit pas. Il faut quitter les bureaux climatisés de Kinshasa et aller sur le terrain. Il faut aussi assurer le financement du processus entre le gouvernement et la communauté internationale ».
« Écarter les Officiers affairistes »
En ce qui concerne la réforme de l’armée, Juvénal Munubo relève la nécessité pour le Parlement congolais d’examiner le projet de loi de programmation militaire, qui a été adopté par le Gouvernement.
Selon lui, des Officiers militaires « affairistes » devraient également être écartés des Forces armées congolaises.
«Ce projet de loi est un outil important, notamment car il permet de programmer des dépenses de fonctionnement et d’investissement. Ce qui est différent du budget annuel qui est assez faible, avec seulement 400 millions de dollars pour une armée confrontée à de nombreux défis. Il faut notamment des équipements modernes, des drones de surveillance, des avions de chasse… Il faut davantage de moyens et une loi de programmation sur trois ans. Nous avons déjà eu un projet de loi de programmation pour la police, mais il n’a pas été financé ! Il faudra dont être très vigilant concernant l’armée. […] La réalité, c’est qu’il y a des officiers congolais qui font du business avec les groupes armés, et cela doit cesser. Il y a des structures internes à l’armée qui doivent veiller à cela : l’inspection générale des FARDC et l’auditorat militaire. L’Est du pays est une zone riche en opportunité d’affaires et certains officiers sont parfois tentés de mélanger business et sécurité. Le président Tshisekedi doit nettoyer les écuries d’Augias dans l’armée. Les officiers affairistes doivent être écartés. Cela s’impose,» a-t-il indiqué.
Juvénal Munubo ajoute que le déploiement de la force régionale, dans le cadre de l’EAC, serait une force « complémentaire » aux efforts internes des FARDC. Mais selon lui, si l’on trouve des contingents « rwandais ou burundais » dans cette force, il y aura un « déficit de confiance ». Car pour ce député national, « il faut que les pays contributeurs ne soient pas directement impliqués dans le conflit congolais ». C’est le cas aussi de l’armée ougandais, que dit-il, l’on soupçonne aussi de soutenir le M23. Si celle-ci est également déployée, « cela n’apportera aucune solution au conflit, » estime-t-il.
Museza Cikuru