Alors que la ville de Goma retrouve un semblant d’accalmie après les bruits des bottes qui s’y sont fait entendre, les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu restent plongées dans une crise sécuritaire et humanitaire inquiétante. Entre les retours précipités des déplacés, appelés par le M23 à retourner dans leurs milieux d’origine, la recrudescence des violences, la pénurie d’eau et d’électricité, ainsi que la fermeture de l’aéroport, la population tente de survivre dans un contexte de plus en plus précaire.
Après plusieurs semaines de tensions, les activités socio-économiques reprennent progressivement à Goma et dans ses environs. Le trafic routier est rétabli sur les axes principaux, notamment entre Goma et Minova via Sake-Masisi, ainsi qu’entre Goma et Rutshuru, facilitant l’approvisionnement en denrées alimentaires pour les habitants. Ceci après plusieurs jours de fermeture suite aux combats violents entre les rebelles du M23-AFC et l’armée régulière. Cependant, la ville reste sous la menace d’actes criminels et de violences ciblées.
Selon un rapport du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) couvrant la période du 3 au 5 février, il est indiqué que, le 5 février, trois travailleurs humanitaires de l’ONG HEKS/EPER ont été assassinés par des hommes armés à Kabirangiriro, dans la zone de santé de Bambo, en territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu. Par ailleurs, des cas de vols de véhicules appartenant aux ONG et aux structures étatiques continuent d’être signalés.
Depuis le 22 janvier, Goma subit une coupure d’électricité majeure causée par des affrontements dans le Sud-Kivu, endommageant la ligne haute tension reliant Bukavu à Goma. Cette situation paralyse les établissements de santé, empêchant le bon fonctionnement des équipements médicaux essentiels.
En parallèle, l’approvisionnement en eau potable est fortement perturbé.
« L’absence d’électricité empêche les stations de pompage de fonctionner, obligeant les habitants à puiser directement dans le lac Kivu », explique un acteur humanitaire. Cette situation entraîne une flambée des cas de choléra, avec 70 nouveaux cas signalés en une semaine près du site de déplacés de Bulengo. Selon les experts, 80 % des cas de choléra recensés dans la province du Nord-Kivu proviennent des sites de déplacés.
Un retour des déplacés dans des conditions précaires
Face à l’amélioration relative de la situation sécuritaire dans certaines zones, un mouvement de retour des déplacés s’observe. Au 4 février, plus de 42.600 personnes étaient retournées dans le territoire de Masisi, tandis que 32.600 déplacés ont regagné leurs localités d’origine dans le territoire de Nyiragongo. Cependant, ces retours s’effectuent dans des conditions alarmantes.
«Les infrastructures sanitaires sont inexistantes, il n’y a ni médicaments ni électricité», témoigne OCHA. De nombreuses maisons ont été détruites, les écoles restent fermées et l’accès à la nourriture est extrêmement limité. Les cultures et les réserves alimentaires ont été pillées, plongeant les populations dans une insécurité alimentaire critique.
Selon les acteurs du secteur de l’éducation, 214 écoles sont fermées depuis plus d’un an en raison de leur occupation par des déplacés ou de leur destruction.
« Nous devons renforcer l’éducation d’urgence pour éviter que toute une génération d’enfants ne soit sacrifiée », alerte la communauté humanitaire.
Le Sud-Kivu sous tension : violences, déplacements et crainte d’un embrasement
Dans le territoire de Kalehe, les affrontements entre l’armée congolaise et le groupe armé M23 se poursuivent. Des bombardements à Nyabibwe et Ihusi, à près de 60 km de Bukavu, ont blessé plusieurs personnes et endommagé des infrastructures électriques.
Les violences ont provoqué le déplacement de 30.000 personnes vers Bukavu, Katana, Kavumu et Mudaka. De nombreux déplacés se sont aussi dirigés vers Idjwi et Bunyakiri. La situation humanitaire est critique, avec des violations des droits humains signalées, dont des violences sexuelles et des pillages.
À Minova, bien que le calme soit revenu, l’interdiction de traverser le lac Kivu complique le retour des habitants qui avaient fui vers Goma.
« Nous voulons rentrer, mais nous sommes bloqués à cause de la fermeture du trafic lacustre », témoigne un déplacé.
Difficile d’acheminer l’aide vers Goma après la fermeture de l’aéroport occupé par les rebelles
L’aéroport international de Goma reste fermé, limitant l’acheminement des secours et l’évacuation des blessés. Dans un communiqué du 4 février, le coordonnateur humanitaire en RDC, M. Bruno LeMarquis, a plaidé pour sa réouverture urgente afin de faciliter l’arrivée de renforts médicaux et logistiques nécessaires.
En parallèle, le financement humanitaire est en péril. La suspension pour 90 jours du soutien du Bureau de l’USAID pour l’Assistance Humanitaire (BHA) affecte gravement la réponse humanitaire.
« Avec cette suspension, notre capacité à fournir une aide d’urgence est drastiquement réduite », s’inquiète la communauté humanitaire.
Malgré un retour progressif des déplacés, la situation au Nord-Kivu et au Sud-Kivu reste extrêmement fragile. Entre insécurité persistante, manque d’infrastructures et crise humanitaire aggravée, la population attend une réponse urgente et efficace.
« Si rien n’est fait rapidement, la situation risque de s’aggraver encore davantage », prévient un humanitaire sur le terrain.