Depuis 2019, Médecins Sans Frontières (MSF) a pris en charge 16 445 femmes victimes de violences sexuelles à Salamabila, dans la province du Maniema.
L’organisation humanitaire, qui prévoit de se retirer de la zone fin octobre 2025, alerte sur l’ampleur d’une crise « silencieuse, trop souvent négligée par les instances nationales et internationales et oubliée », selon son communiqué.
MSF rappelle que les violences sexuelles demeurent une urgence de santé publique dans l’est de la RDC, y compris au Maniema, province voisine du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. La forte présence de groupes armés attirés par le contrôle des ressources naturelles, mais aussi les violences domestiques et le banditisme, continuent d’alimenter un nombre élevé d’agressions sexuelles.
Les victimes qui ne reçoivent pas de traitement dans les 72 heures courent des risques d’infection au VIH, et dans les 120 heures, des risques de grossesse.
« Cette fois, c’est la troisième fois. Ils m’ont encore trouvée dans la maison. J’étais avec mon enfant, qui est épileptique. Nous avons toutes les deux été violées », témoigne une survivante prise en charge par MSF en 2025.
Une autre raconte : « La première fois, je rentrais du champ… Une ASR m’a trouvée en pleurs, m’a écoutée, m’a donné un médicament et m’a orientée vers l’hôpital. J’ai été soignée gratuitement. »
Pour répondre aux besoins des victimes, MSF a mis en place à Salamabila une approche décentralisée fondée sur les Agents de Santé Reproductive (ASR), des femmes issues de la communauté, souvent elles-mêmes survivantes. Formées pour offrir une prise en charge médicale et psychosociale rapide, confidentielle et gratuite, elles sont devenues essentielles dans la réponse.
En 2024, les trois quarts des cas ont été pris en charge par ces ASR, preuve de l’efficacité de ce modèle communautaire.
Afin de réduire la stigmatisation, MSF a lancé « l’école des maris », où au moins 1.520 hommes ont été sensibilisés. « Un viol n’est pas une infidélité mais une violence subie », rappelle l’organisation.
« Peu à peu, nous avons vu des maris inciter leur femme à venir consulter et même les accompagner. C’était inimaginable auparavant », souligne Élodie Françoise, responsable médicale du projet.
Malgré l’ampleur des besoins, le Maniema reste marginalisé dans les financements humanitaires. En 2024, il n’a reçu que 2,5 % des fonds alloués par le Fonds Humanitaire de la RDC.
MSF déplore que ce sous-financement compromette la continuité des soins et la protection des survivantes. De plus, la fermeture depuis février dernier de l’aéroport stratégique de Bukavu a accentué l’enclavement de la région, compliquant l’acheminement de l’aide.
À l’approche de son départ, MSF appelle autorités, bailleurs et partenaires humanitaires à se mobiliser pour assurer la continuité d’une prise en charge holistique incluant soins médicaux, soutien psychologique, accompagnement socio-économique et protection d’urgence.
« Aujourd’hui, beaucoup de femmes ayant subi un viol ont le courage de consulter. Dans un contexte comme celui de Salamabila, c’est une victoire », conclut l’organisation.