À Ndendere, dans une petite pièce de la maison familiale, un adolescent s’affaire chaque jour après les cours. Là, entre des circuits imprimés, des fils dénudés, une lampe suspendue de fortune et une étagère de matériaux recyclés, Josué Wenga Bin Bulongo, 16 ans, fabrique ce que beaucoup d’élèves de son âge n’imagineraient même pas : des dispositifs électroniques intelligents, des robots, des détecteurs, une couveuse automatisée et bien d’autres inventions.
À l’occasion de la Journée de l’Enfant Africain, Josué incarne avec éclat cette jeunesse qui croit en la puissance de l’éducation, de l’innovation et du travail. Il est l’un de ces visages lumineux qui donnent un sens nouveau aux combats pour l’accès à l’école et à la science sur le continent.
De Ndendere à Panzi, le chemin d’un passionné
Né à Bukavu en août 2008, Josué réside dans le quartier Ndendere, dans la commune d’Ibanda. Chaque matin, il traverse la ville pour se rendre à l’Institut Père Antonino Manzotti, situé à Panzi, où il étudie en 3e année de la section électronique. Puis, après les cours, quand d’autres adolescents se reposent ou s’amusent, lui rentre chez lui et s’enferme dans son petit atelier, un espace offert par ses parents. Là, il expérimente, code, assemble, démonte et reconstruit. La fatigue n’a pas encore réussi à lui voler cette passion tenace.
« C’est son univers », confie sa mère, Marie Migani. « Il n’attend personne pour apprendre. Il a toujours été curieux, et aujourd’hui, il nous dépasse tous. »
Ce petit bureau, où tout a commencé, est devenu un lieu d’inspiration pour d’autres jeunes du quartier. Des amis l’y rejoignent parfois pour rêver, travailler, ou simplement observer Josué faire naître ses idées.
Curriculum d’un futur ingénieur
Le parcours de Josué impressionne autant par sa précocité que par sa diversité. À seulement 16 ans, il peut déjà revendiquer une douzaine de projets technologiques réalisés. Parmi eux :
- une pelle mécanique fonctionnant avec des seringues (en 8e),
- un détecteur de flamme et d’obscurité,
- un coffre-fort électronique,
- un contrôle de lampe via télécommande,
- une lave-mains automatique,
- une couveuse personnalisable,
- un système de quiz électronique pour des concours scolaires,
- un site de e-commerce codé depuis son téléphone.
Et il travaille actuellement sur « Robot bot », un assistant virtuel censé répondre aux questions comme le ferait Google.
Un leader d’équipe et d’idées
Josué ne travaille pas seul. Il s’est entouré d’amis passionnés comme lui : Zacharie, Exaucé, Jean-Louis, Michel, Ido et Marcellin. Tous sont élèves en électronique ou en électricité. Ensemble, ils conçoivent des outils pratiques pour l’agriculture, l’environnement ou la sécurité : caméras intelligentes, robots de régulation du trafic, systèmes d’irrigation automatiques, etc.
Ce 10 juin 2025, une équipe de La Prunelle RDC asbl leur a rendu visite. Objectif : découvrir, écouter, et tisser un lien. Ce fut une rencontre marquante.
« Ce que font ces enfants est incroyable. Là où certains se cherchent encore, eux trouvent déjà des réponses », s’étonne Éliane Mufungizi, membre de l’organisation.
Quand l’école et la passion se rencontrent
Pour Josué, l’éducation est la clé. Mais une éducation vivante, pratique, encourageante. Pas celle des bancs rigides et des notes sanctionnantes. « Ce n’est pas juste d’apprendre par cœur », dit-il. « Il faut comprendre, essayer, rater, corriger. C’est comme ça qu’on devient bon. »
Un message d’autant plus fort que, selon Human Rights Watch et l’UNICEF, plus de 100 millions d’enfants africains ne sont toujours pas scolarisés. En 2025, seuls 14 pays d’Afrique garantissent une éducation gratuite de la petite enfance jusqu’à la fin du secondaire.
Le thème de cette année — « Planification et budgétisation des droits de l’enfant : progrès depuis 2010 » — rappelle les promesses non tenues. Josué, lui, est une preuve vivante que l’investissement dans l’enfant n’est pas un luxe, mais une nécessité.
Un partenariat en gestation
Convaincue par le potentiel de Josué et de son équipe, La Prunelle RDC asbl prévoit de construire un partenariat structuré avec eux. L’idée : les accompagner dans leurs projets, leur offrir des débouchés, mais aussi les associer aux programmes de sécurité alimentaire et environnementale que l’organisation relance dans les territoires de Walungu, Fizi et la ville de Baraka.
Une Afrique qui crée, dès l’enfance
Le portrait de Josué n’est pas un conte. Il est réel. C’est l’histoire d’un jeune garçon soutenu par sa famille, encouragé par ses enseignants, et qui, malgré le manque de moyens, transforme ses rêves en objets concrets. Loin des projecteurs, dans un quartier populaire de Bukavu, un enfant crée, innove, inspire.
« L’Afrique peut produire ses génies, si elle croit en ses enfants. »
C’est le message qu’envoie Josué Wenga en cette Journée de l’Enfant Africain. Il n’attend ni miracle, ni parrainage. Il agit déjà.
Et si demain, son petit atelier de Ndendere devenait un grand centre technologique ? Il suffit d’y croire. Et de le soutenir.