À Bukavu et Uvira, dans la province du Sud-Kivu, la Journée Internationale de la Femme Africaine (JIFA), célébrée le 31 juillet, a une fois de plus mis à l’honneur le rôle central des femmes dans la société. Mais un constat marquant s’est imposé au-delà des hommages officiels : de moins en moins de femmes, notamment les jeunes, portent le pagne, ce tissu emblématique attribué à l’identité congolaise.
Autrefois symbole de fierté, de féminité et de culture, le pagne s’imposait dans tous les espaces de la vie sociale : dans les rues, au marché, dans les administrations, les églises ou encore les universités. Aujourd’hui, il cède progressivement la place à des tenues dites modernes – jeans, combinaisons, ensembles de prêt-à-porter ou robes occidentalisées.
À Bukavu, ce phénomène vestimentaire est désormais visible, presque généralisé chez les jeunes femmes. Ce changement interroge : assiste-t-on à une simple évolution des goûts ou à un effacement progressif des repères culturels congolais face à la mondialisation ?
Pour certaines observatrices, cette mutation découle d’une occidentalisation croissante des modes de vie, amplifiée par les réseaux sociaux, les films étrangers et le marketing des grandes marques. Pour d’autres, il s’agit plutôt d’une quête de confort, d’émancipation ou d’expression personnelle. Le pagne, souvent perçu comme formel ou réservé aux cérémonies, semble moins compatible avec les rythmes et les exigences de la vie urbaine moderne.
Dans les milieux professionnels, académiques ou religieux, le pagne se fait de plus en plus discret, sauf lors de journées thématiques comme le 8 mars ou certaines célébrations culturelles. Les femmes plus âgées continuent de le porter fièrement, tandis que les jeunes générations semblent s’en détacher, conscientes mais pas toujours connectées à son symbolisme profond.
Ce constat appelle à un dialogue intergénérationnel : comment préserver les éléments de notre patrimoine sans freiner l’évolution des styles ? Le défi n’est pas de rejeter la modernité, mais d’imaginer une cohabitation harmonieuse entre tradition et contemporanéité.
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Le pagne doit-il être réinventé ? Adapté aux coupes actuelles, intégré dans la mode urbaine, promu dans les institutions et réhabilité dans l’imaginaire collectif ? En ce 31 juillet, la question ne concerne pas que la mode : elle touche à la mémoire, à la culture et à la construction d’une identité féminine congolaise libre, mais enracinée.
Abdallah Mapenzi