Quarante-trois (43) civils ont été tués dans la nuit du 26 au 27 juillet 2025 à Komanda, dans le territoire d’Irumu, en Ituri. Ce massacre, attribué à des hommes armés non identifiés, relance le débat sur l’inefficacité de l’état de siège et sur l’impunité persistante des crimes de masse dans cette province orientale de la République démocratique du Congo.
Dans un communiqué publié le 29 juillet, la Coordination nationale de la Société Civile Forces Vives de la RDC a condamné « avec la dernière énergie » ce qu’elle qualifie de « massacre odieux et crapuleux », appelant les autorités à sortir de l’inaction et à enclencher une véritable réponse politique, sécuritaire et judiciaire à la hauteur du drame.
« Il est inadmissible que ce genre d’attaque continue à se reproduire dans une province censée être sécurisée par l’état de siège et la présence des FARDC ainsi que des troupes de la MONUSCO », déclare Me Jean-Bosco Lalo Kpasha, Premier Vice-Président et porte-parole national de la Société Civile Forces Vives de la RDC.
Un drame de plus dans une série sanglante
La Société Civile replace le massacre de Komanda dans une chronologie macabre de plus de huit années d’exactions ayant fait, selon ses relevés, au moins 627 morts entre décembre 2017 et juillet 2025 dans les territoires de Djugu, Mahagi, Mambasa et Irumu.
Les attaques les plus meurtrières incluent :
- Dhedja (Djugu) en juin 2020 : 100 morts
- Tché (Djugu) en septembre 2018 : 70 morts
- Plaine de Savo (Djugu) en septembre 2021 : 80 morts
- Rho (site de déplacés) en juin 2019 : 60 morts
- Komanda (Irumu) en juillet 2025 : 43 morts
La plupart de ces attaques ont ciblé des civils non armés, parfois dans des camps de déplacés, des villages isolés ou des marchés publics.
Concernant l’attaque de Komanda, la Société Civile souligne que les autorités n’ont fourni aucune information claire sur l’identité des assaillants, ni sur leur itinéraire avant ou après le carnage. Elle s’interroge sur la facilité avec laquelle ces hommes armés opèrent dans une zone supposément contrôlée :
« Si l’on ignore d’où sont venus les assaillants et où ils sont allés, peut-on conclure avec certitude qu’il s’agissait des ADF ? », s’interroge le communiqué.
La Société Civile exige une enquête sérieuse, basée sur des preuves tangibles, et met en garde contre toute précipitation dans la désignation des coupables, tant qu’aucun assaillant n’a été arrêté.
L’état de siège, instauré en mai 2021 par les autorités congolaises dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, devait permettre un retour à l’ordre par le renforcement des autorités militaires. Quatre ans plus tard, le bilan est largement critiqué : les massacres persistent, les auteurs échappent toujours à la justice, et les communautés locales expriment leur désillusion.
Selon la Société Civile, les groupes armés – locaux comme étrangers – continuent d’opérer en toute impunité, sans jamais s’affronter entre eux, visant uniquement les civils. Ce constat alimente les soupçons de complicités, de passivité, voire de défaillance des dispositifs de sécurité.
Dans son communiqué, la Société Civile dénonce également le manque d’engagement sincère dans les initiatives de paix menées à l’international, notamment à Washington et à Doha, qu’elle juge orientées vers des intérêts économiques plutôt que centrées sur les victimes congolaises.
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Elle appelle le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, à s’impliquer personnellement dans un véritable dialogue national inclusif, et non à se contenter de condamnations symboliques :
« Afin que toutes ces condamnations ne soient pas de simples larmes de crocodile, plaidons tous pour un dialogue inclusif. La paix imposée reste fragile et précaire », peut-on lire dans le texte.
Enfin la Société Civile s’associe à la prière du Pape Léon XIV, qui a déclaré : « Que le sang de ces martyrs soit une semence de paix, de réconciliation, de fraternité et d’amour pour tout le peuple congolais. »
Voici le tableau peint par la Société Civile Forces vives
N° | Période | Villages (cités) et territoires | Nombre de personnes tuées |
01 | Décembre 2017 | Maze (Djugu) | 40 |
02 | Septembre 2018 | Tché (Djugu) | 70 |
03 | Juin 2019 | Site de déplacés de Rho (Djugu) | 60 |
04 | Juin 2020 | Dhedja (Djugu) | 100 |
05 | Septembre 2021 | Plaine de Savo (Djugu) | 80 |
06 | Juillet 2022 | Site de déplacés de Djaiba (Djugu) | 20 |
07 | Février 2023 | Kili (Djugu) | 17 |
08 | Juin 2023 | Marché de Boga (Irumu) | 14 |
09 | Juillet 2024 | Nyamamba (Irumu) | 35 |
10 | Septembre 2024 | Makumo (Mambasa) | 5 |
11 | Mai 2024 | Manzia (Mambasa) | 17 |
12 | Juin 2024 | Ngwaba (Mambasa) | 6 |
13 | Juillet 2025 | Komanda (Irumu) | 43 |