Intervenons-nous

Dans le petit village d’Igoki, niché au cœur du groupement de Mudusa, territoire de Kabare, il suffit de prononcer un seul surnom : « Bibi ». Et immédiatement, les visages s’illuminent, les souvenirs affluent, les récits se bousculent. Bibi, c’est Madame Berthe Munyekelwa Wasso, enseignante à l’École Primaire Igoki, et figure tutélaire de l’enseignement dans cette partie du Sud-Kivu.

Ce 30 avril, alors que la République Démocratique du Congo célèbre la Journée nationale de l’Enseignement, les projecteurs se braquent – enfin – sur celle dont le tableau noir est devenu le miroir de la persévérance.

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Une vocation née tôt, ancrée pour toujours

Tout commence le 13 avril 1959, dans un monde qui semble déjà l’appeler à transmettre. À seulement 20 ans, diplôme en poche de l’Institut Igoki, Berthe fait ses premiers pas à l’École Primaire Kakono. Nous sommes en 1979, et rien ne la détournera plus jamais de son chemin.

Deux années plus tard, elle rejoint l’École Primaire Igoki. Nous sommes en 1981. Elle y est encore aujourd’hui44 ans plus tard.

Oui, 44 ans dans la même école, et 46 ans de carrière au total. Qui dit mieux ?

Une flamme qui ne faiblit jamais

Mariée, mère de huit enfants – cinq filles et trois garçons – Berthe Munyekelwa Wasso n’a jamais laissé sa vie familiale éclipser sa mission d’éducatrice. Elle enseigne avec la même ferveur qu’au premier jour, infusant à ses leçons des valeurs profondes : intégritéresponsabilitéfidélité à la foi chrétienne, et surtout dévouement sans faille.

Chez elle, on ne vient pas seulement apprendre à lire et à écrire. On vient apprendre à devenir, à rêver, à construire.

Elle encourage ses élèves à oser, à créer, à penser autrement. Les méthodes d’enseignement participatives, les pédagogies actives ? Elle les pratique bien avant qu’elles ne deviennent à la mode. Car pour Madame Berthe, chaque élève est un monde à révéler.

Une légende vivante de la craie

Son secret ? Elle le résume en trois mots : amour sans limite. Ce n’est pas une devise en l’air. C’est sa boussole, sa ligne de vie, son serment silencieux à l’enfance.

Ses collègues parlent d’elle comme d’un puits de sagesse. Ses élèves, anciens comme actuels, évoquent une voix douce, des yeux fermes mais justes, une main qui sait corriger sans blesser. Pour eux, Madame Berthe est une seconde mère, un repère inébranlable dans un monde instable.

Elle lit Georges Defour, admire Camara Laye, et forge des générations avec rigueurpatience et bienveillance. Elle invente même des solutions pour pallier les manques : classes surpeuplées, manque de manuels ? Elle improvise, innove, transforme les défis en levier

Une mémoire à célébrer, une trace à préserver

Aujourd’hui âgée de 66 ans, elle n’a rien perdu de sa vivacité. Dans sa classe, la parole est partagée, les mains se lèvent, les sourires fleurissent. On y cultive plus que le savoir : on y cultive l’espérance.

En cette Journée de l’Enseignement, rendons hommage à celles et ceux qui construisent les nations sans bruit, à la sueur de leur front, à la craie de leurs mains, et aux battements de leur cœur.

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Rendons hommage à Madame Berthe Munyekelwa Wasso, un monument vivant de l’éducation congolaise, un modèle d’humilité, de résilience et d’excellence.

Car si l’avenir d’un pays se lit sur les bancs de ses écoles, alors c’est dans les pas de Bibi que marcheront les bâtisseurs de demain.

Abdallah Mapenzi

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