Le Prix Nobel de la paix 2018, Dr Denis Mukwege, appelle à une mobilisation urgente des autorités congolaises et de la communauté internationale pour éradiquer les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et le M23, responsables, selon lui, d’un cycle infernal de violences et de violations graves des droits humains dans l’Est de la RDC.
Dans une déclaration rendue publique à la suite du dernier rapport du Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC, Denis Mukwege estime qu’il est temps de mettre fin à « l’impunité prolongée » dont bénéficient ces groupes armés et d’en finir avec le prétexte sécuritaire utilisé par Kigali pour justifier son intervention militaire en RDC.
Le gynécologue congolais rappelle que le rapport semestriel du Groupe d’experts, mandaté par le Conseil de sécurité des Nations Unies, confirme — preuves à l’appui — que le régime rwandais dirige et contrôle les opérations du M23, avec une implication directe des Forces de défense rwandaises (FDR) dans la conquête et l’occupation de territoires congolais, notamment Goma et Bukavu.
« Ces sources fiables et concordantes attestent qu’il n’y a aucun doute : les FDR ont mené en territoire congolais des incursions systématiques et massives, engagées directement dans les combats à l’aide d’armes de haute technologie », affirme Denis Mukwege, s’appuyant sur des vidéos authentifiées, des témoignages et des renseignements.
Depuis l’offensive de janvier 2025, déplore-t-il, plus de 11 millions de Congolais vivent entre famine, déplacements et violences, sous occupation de troupes rwandaises et du M23, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies. Cette situation a exacerbé les violations des droits humains et aggravé la crise humanitaire dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu.
Mukwege attire également l’attention sur les intentions profondes du régime de Kigali : selon le rapport, des sources militaires et gouvernementales rwandaises révèlent que l’objectif final serait le contrôle du territoire des Kivus et de leurs ressources, à travers l’instauration par le M23-AFC d’« administrations parallèles illégales » semblables à celles d’un État.
Selon lui, la justification sécuritaire avancée par le Rwanda, à savoir la neutralisation des FDLR, est désormais obsolète. Le Nobel de la paix rappelle que, 30 ans après le génocide de 1994, les capacités opérationnelles résiduelles des anciens génocidaires sont très réduites, et ce malgré de nombreuses opérations conjointes menées par la RDC, le Rwanda et la MONUSCO.
« Plus de six millions de Congolais sont morts depuis la fin du génocide au Rwanda », rappelle Mukwege, dénonçant l’impunité persistante des crimes commis par des forces liées au Rwanda ou par des groupes rebelles téléguidés depuis Kigali, comme le révèle également le rapport Mapping des Nations Unies publié en 2010.
Face à l’inaction et à la répétition des schémas de violences, il appelle à rompre avec les approches sécuritaires inefficaces qui sacrifient la justice sur l’autel d’une paix illusoire : « Le peuple congolais martyrisé n’a obtenu ni la justice, ni la paix », affirme-t-il.
Mukwege insiste : il faut désarmer les FDLR et le M23, réintégrer les combattants rwandais remplissant les critères dans leur pays d’origine, et cesser d’utiliser leur présence comme prétexte pour justifier l’occupation militaire de l’Est de la RDC.
Il encourage par ailleurs la Cour pénale internationale (CPI) à poursuivre ses enquêtes en RDC pour les crimes commis depuis l’entrée en vigueur du Statut de Rome, le 1er juillet 2002. Il exhorte aussi les États à appliquer le principe de compétence universelle pour poursuivre les auteurs des crimes graves recensés notamment dans le rapport Mapping.
Enfin, Denis Mukwege réitère son appel à des sanctions fortes et coordonnées contre les acteurs de la déstabilisation, ainsi qu’à la mise en œuvre urgente de la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui exige un cessez-le-feu immédiat, le retrait inconditionnel de l’armée rwandaise et le démantèlement des structures illégales installées par le M23-AFC au Nord et Sud-Kivu.
« Autant les responsables du génocide doivent être jugés, autant les victimes congolaises ont droit à la reconnaissance de leurs souffrances, à la justice et à des réparations. » insiste Dr Denis Mukwege.
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Dr Denis Mukwege il a dit la vérité.
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