Intervenons-nous

À l’occasion de la commémoration du début de la deuxième guerre du Congo, le Prix Nobel de la Paix Dr Denis Mukwege a livré une déclaration d’une grande gravité, rappelant que ce conflit, déclenché le 2 août 1998, demeure le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale, et que son impact dévastateur continue de se faire sentir à travers un cycle de violences toujours en cours.

« En ce 2 août, nous commémorons le début de la deuxième guerre du Congo. Ce conflit (…) a ouvert la voie à un cycle de violences qui se poursuivent jusqu’à ce jour », a-t-il déclaré, en rendant hommage aux millions de victimes et aux communautés martyres, « trois décennies d’exploitation, d’asservissement et d’extermination planifiée ».

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Mukwege affirme sans détour que la guerre d’agression actuelle dans les Kivus s’inscrit dans la continuité directe de la guerre de 1998, évoquant une planification persistante d’un projet de prédation et de domination.

Il cite le dernier rapport du Groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC, qui confirme que le M23, contrôlé par l’armée rwandaise, vise principalement l’accaparement des ressources minières congolaises, ce qui menace profondément l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement mondiale en minerais stratégiques.

Dans un ton critique, le Dr Mukwege dénonce aussi la passivité et la compromission des autorités congolaises, qui selon lui, continuent à brader les ressources nationales et à abandonner la souveraineté du pays, notamment à travers des accords de paix précipités, opaques et non-inclusifs. Il fustige les initiatives diplomatiques récentes, telles que les Accords de Washington et de Doha, qu’il considère comme un « processus de légalisation du pillage » et de « légitimation de l’occupation de nos agresseurs ».

« À l’instar de la présence prédatrice des Chinois opérant en RDC, ces démarches s’inscrivent dans une logique extractiviste néocoloniale choquante », a-t-il souligné.

Face à cette situation, Mukwege appelle à une diplomatie plus offensive, qui exigerait :

  • La création d’un Tribunal Pénal International pour la RDC,
  • Des sanctions internationales contre les agresseurs,
  • Et la mise en œuvre effective de la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée en 2023 pour soutenir la paix, la sécurité et la justice dans la région.

Le médecin de Panzi alerte également sur le risque imminent de balkanisation de la RDC, en évoquant les stratégies actuelles du M23-AFC.

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« Après l’invasion des zones minières et l’installation d’administrations parallèles, les rebelles (…) promeuvent un fédéralisme qui préfigure l’éclatement du pays. »

« L’homme qui répare les femmes » dénonce aussi l’inertie d’un État dont les structures sont en faillite, alors même qu’un plan de démembrement du territoire congolais serait en cours d’exécution. Pour lui, les revendications actuelles relèvent d’une stratégie concertée visant à créer un nouvel État dans l’Est du pays.

« Si notre population ne se réveille pas aujourd’hui, nous risquons d’être la dernière génération à avoir grandi dans les frontières actuelles de la RDC. »

En cette journée du Génocost — désignant le génocide pour des gains économiques — Mukwege insiste : la justice pour les victimes congolaises est non négociable. Il affirme qu’aucun accord de paix ne pourra aboutir durablement sans que la justice ne soit rendue et que le droit international soit respecté.

Il se réjouit cependant de voir cette mémoire collective se consolider.

« Nous sommes encouragés par l’organisation d’activités de commémoration à Kinshasa, dans de nombreuses villes de la RDC, mais aussi en Afrique, en Europe, aux États-Unis et jusqu’au Brésil. »

Enfin, dans un appel à la responsabilité citoyenne, Mukwege conclut avec fermeté.

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« Personne ne viendra sauver le Congo à notre place. Après trente ans de violences inouïes, il est évident qu’aucun dirigeant du monde ne placera notre souffrance au rang de ses priorités. (…) C’est pourquoi nous comptons sur votre vigilance, votre prise de conscience et votre détermination pour insuffler une nouvelle trajectoire à notre Nation. »

Il faut rappeler que depuis le déclenchement de la deuxième guerre du Congo en 1998, plus de six millions de morts sont à déplorer, et l’Est du pays reste plongé dans une instabilité chronique alimentée par des enjeux géostratégiques, miniers et politiques.

Jean-Luc M.

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