La République Démocratique du Congo traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire récente. Entre l’enlisement du conflit armé dans l’Est, l’échec des solutions purement militaires et la lassitude d’une population meurtrie par des décennies de violences, l’appel à un dialogue national inclusif devient pressant. Mais pour que ce processus ait une chance de produire des résultats durables, il lui faut un visage, une voix, une autorité morale capable de transcender les clivages politiques, communautaires et régionaux. À ce titre, John Achiza pense qu’un nom s’impose avec force : celui du Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, dont la notoriété, la légitimité et le combat en faveur de la justice résonnent bien au-delà des frontières congolaises. (Tribune)
« Crise en RDC : Denis Mukwege, le Prix Nobel de la Paix, un profil idéal pour conduire un dialogue inclusif (Tribune)
La tenue d’un dialogue national inclusif en République Démocratique du Congo apparaît de plus en plus comme une nécessité, face à l’aggravation de la situation sécuritaire dans l’est du pays. Ces assises, perçues presque comme une denrée rare, voire une potion magique, deviennent inévitables et exigent l’implication des fils et filles valeureux de la nation.
L’idée d’un tel dialogue, autrefois portée par une synergie de prélats (la Conférence épiscopale nationale du Congo et l’Église du Christ au Congo), s’impose désormais dans l’esprit de la crème intellectuelle congolaise comme une voie de sortie idéale aux conflits récurrents qui minent le pays.
Alors que subsistent des interrogations sur les modalités de ce dialogue — son format, ses participants, son agenda, son lieu et sa date — il est pertinent de s’interroger sur le profil de celui qui en assurerait la facilitation.
Si le Congo compte près de 100 millions de citoyens, le facilitateur devra répondre à un critère unique : être une personnalité aux vertus patriotiques et intellectuelles incontestées, jouissant d’une notoriété imposante, reconnue tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, et capable de comprendre les aspirations de toutes les parties prenantes.
Ce « spécimen rare » se rapproche fortement du profil du Dr Denis Mukwege, gynécologue-obstétricien congolais, Prix Nobel de la Paix 2018.
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Certes, il ne fait pas l’unanimité, mais il s’en rapproche plus que tout autre Congolais. Acteur majeur de la société civile et engagé dans la lutte contre les causes profondes de la guerre, Denis Mukwege incarne la personnalité idéale pour présider un dialogue véritablement inclusif.
Connu pour son combat en faveur de la justice transitionnelle et de la réparation des préjudices subis par les survivantes de violences sexuelles, le Dr Mukwege jouit d’une notoriété internationale exceptionnelle. Sa voix résonne jusque dans les plus hautes instances mondiales et attire l’attention des grands décideurs de notre époque. Chaque intervention, qu’elle soit officielle ou via ses plateformes de communication, suscite des débats au plus haut niveau.
Alors que la RDC cherche à obtenir une reconnaissance internationale des atrocités subies depuis plus de trente ans, il paraît difficile de se priver de la vitrine que représente le Dr Mukwege. Son aura conférerait au dialogue une portée internationale, d’autant que, partout dans le monde, les Prix Nobel de la Paix ont souvent joué un rôle clé dans des processus similaires.
En plus de sa renommée, le Dr Mukwege possède une connaissance intime du conflit congolais. Aux côtés des victimes qu’il soigne depuis des décennies, il a gagné une légitimité indiscutable. La création de l’Hôpital et de la Fondation Panzi témoigne de son engagement à offrir aux survivantes un cadre de restauration physique et psychologique, mais aussi à exiger que justice leur soit rendue.
Contrairement à d’autres leaders relativement neutres face au conflit, Mukwege a su dépasser les barrières culturelles et linguistiques. Bien que swahilophone, il maîtrise également le lingala et possède des solides notions de tshiluba et de kikongo, ce qui renforce son ancrage national.
Son éducation confessionnelle, sa rigueur scientifique et sa longue expérience professionnelle ont façonné en lui un esprit d’ouverture et d’intégration, sans discrimination aucune. Dans son entourage, il réunit des Congolais de toutes origines, mobilisés selon leurs compétences.
Chercheur et professeur reconnu, Mukwege a produit de nombreux articles et ouvrages, aussi bien médicaux que liés à la paix dans la région des Grands Lacs. Cet arsenal intellectuel constitue une ressource précieuse pour un processus de pacification durable.
À cela s’ajoute son expérience politique récente. Bien qu’il n’ait pas remporté l’élection présidentielle à laquelle il s’est présenté, son attitude durant la campagne a été exemplaire : pas d’injures, pas d’attaques, pas d’acharnement, contrairement à ce qui est courant dans la sphère politique congolaise. Il a mené une campagne axée sur un projet de société structuré et a ainsi renforcé son image d’homme de paix.
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Son programme, articulé autour de 12 chapitres baptisés « 12 paix », constitue une véritable feuille de route pour restaurer la paix et initier le développement en RDC. Pris en compte dans un futur dialogue, ce plan offrirait des pistes concrètes pour sortir de la crise.
La RDC se trouve à un tournant crucial de son histoire. Menacé d’implosion, le pays n’a pourtant pas épuisé toutes ses chances de restauration. Face à l’enlisement du conflit, dont l’origine remonte à trois ans dans le nord du Nord-Kivu avant de s’étendre à Goma et Bukavu, l’option militaire a montré ses limites.
Il est donc urgent d’associer à la stratégie sécuritaire une démarche de pacification, impliquant des négociations inclusives entre toutes les composantes de la société congolaise. Ces assises, désormais incontournables, exigent un facilitateur capable de susciter un large consensus. Si un tel profil existe en RDC, c’est bien celui du Prix Nobel de la Paix 2018.
Encore faut-il que les différentes parties sachent mettre de côté leurs égos, afin de privilégier l’intérêt supérieur de la nation, autour de ce compatriote dont les atouts ne sont plus à démontrer.
Tribune de John Achiza, journaliste et défenseur des Droits Humains »