La pandémie à Coronavirus qui bouleverse le monde actuellement met sur le pied de guerre le Sud-Kivu, une province qui n’en n’est pas épargnée. A ce jour, le bilan est d’un cas après deux guérisons. Le durcissement des mesures préventives a réduit de manière drastique le flux migratoire à la frontière Ruzizi 1. Derrière une observance des règles d’hygiène se cache une déviation aussi déconcertante qu’elle n’en a pas l’air. Certaines langues la déplorent tout bas.
A première vue, il est aisé de constater cette baisse des traversées des citoyens rwandais et congolais à cette frontière. Les restrictions imposées par l’autorité provinciale semblent respectées. Et ce, en matière d’observance des mesures barrières pour des personnes qui continuent à faire des navettes à la frontière.
Selon Freddy SHABANI, les cinq services de l’Etat s’emploient dans ce sens à longueur des journées.
Rigueur de façade ?
« Des véhicules transportant les produits vivriers en provenance du Rwanda sont désinfectés par le programme national d’hygiène aux frontières. Un contrôle systématique s’en suit aussi sur ces vivres par des experts vétérinaires et agronomes commis à la frontière pour détecter toute suspicion de contamination ».
La ruée des congolais sur les vivres en provenance du RWANDA
Propos confirmés et renchéris, sur un ton satisfait, par un officier de la Direction Générale des Migrations, DGM qui a requis l’anonymat.
« Toute personne est censée se laver soigneusement les mains à l’eau chlorée et être testée par la suite pour le prélèvement de la température. Force doit rester à la loi dictée par les autorités de la province pour combattre la crise du covid-19″.
Le contrôle sanitaire se passe dans la plus grande rigueur. Manifestement, les agents des douanes, thermoflash à la main, font passer chacun à ce test. De quoi donner à penser que les mesures préventives sont scrupuleusement respectées sur toute la ligne.
Pour en avoir le cœur net, un cadre de l’Office Congolais de Contrôle, (OCC), rajoute, sans grande motivation à s’étendre sur le sujet, que seuls le chauffeur et son convoyeur sont autorisés à entrer en RDC via la frontière Ruzizi 1 lorsqu’ils amènent des produits alimentaires de première nécessité, et pas plus.
Pourtant, visiblement, des véhicules bondés des produits divers autres que ceux de consommation de base sont à voir à l’œil nu.
Certes, le travail effectué par les agents de ces services publics, au nombre de trois par bureau pour éviter un attroupement, va dans le sens de faire valoir de l’ordre dans le paysage migratoire. C’est encore loin, malheureusement, d’être sur le chemin des roses au vu des dérapages qu’une poignée d’observateurs regrette en silence.
De la complaisance dissimulée
»Le chef de l’Etat a interdit les entrées et sorties à la frontière en cette période de l’état d’urgence, mais nous voyons des ratés dans la mise en œuvre de sa mesure ici à la frontière. Il y a des gens en provenance du Rwanda qui passent illicitement sans être inquiétés. Nous pensons qu’ils perçoivent quelque chose de ces gens-là pour traverser », témoigne un boucher quotidiennement présent à la frontière.
Malgré le test qu’ils subissent à l’entrée, cette façon d’agir illustre bien la complaisance des services de l’Etat jugés inefficaces à cause des légèretés comme celles-ci, estime la même source.
En une demi-journée du week-end passé, comme on l’a vu, il apparaît évident que ce ne sont pas que des chauffeurs qui traversent la frontière en direction de la RDC, mais bien plus encore d’une manière, ni plus ni moins, illégale.
Sur place, le constat est indiscutable: Des dizaines des personnes d’ONG et commerçants transfrontaliers franchissent la barrière sur base des critères qui ne sont connus que par ceux qui leur donnent l’autorisation.
« Pas de traversée intense vers le Rwanda. Moindre tentative, vous êtes arrêté, que ce soit via la frontière Ruzizi 1 ou d’autres petits postes frontaliers dont se servent des mauvais citoyens pour entrer chez nous. Tout cela risque d’aggraver la situation du coronavirus dans notre province lorsque de gens nous importent la maladie au moment où les frontières devraient être hermétiquement fermées. D’ailleurs, nos amis rwandais nous disent que leur sécurité est sacrée, pas comme chez nous », dénonce Aline MANDEVU, une vendeuse de lait et de viande rencontrée sur le lieu.
Cette voix de la critique se fait moins entendre à la frontière.
»La masse n’en sait pas grand-chose, sauf nous les curieux qui avouons assister à un échange d’argent sale ou pot-de-vin par des agents sans bonne conscience patriotique contre l’autorisation abusive d’entrer au pays même sans des raisons d’urgence », reconnait un commerçant averti qui a préféré taire son identité.
Soudoyés jusqu’à laisser des personnes traverser la frontière qui, à l’ère de la crise sanitaire de Covid-19, est considérée comme une ligne rouge infranchissable à volonté, en violation de la mesure arrêtée par l’autorité provinciale? La question reste posée.
Ces propos sont balayés d’un revers de la main par l’une des personnes concernées qui, se refusant de tout commentaire, nous renvoie à la direction provinciale de la DGDA pour les détails. Et ce, avant de souligner, dans un langage sec, que la frontière est fermée jusqu’à nouvel ordre, et des mouvements des personnes qui se déplacent entre la RDC et le RWANDA à travers Ruzizi 1 sont suspendus.
Les entrées vers la RDC via cette frontière ne se butent à aucun obstacle. Pour corroborer cette thèse, des témoignages concordants font état d’une centaine des congolais rapatriés du Rwanda et qui ont regagné la ville de Bukavu. Ces compatriotes étaient, pour les uns, en visite dans le district de Rusizi, et pour d’autres, en transit. Cette traversée massive, sans doute, fait froid dans le dos de certains habitants qui, à les entendre, craignent pour leur santé à cause du coronavirus qui serait importé du Rwanda pour le Sud-Kivu.
Joint au téléphone, le ministre de la santé, Cosmos BISHISHA avance le chiffre de 127 personnes qui ont traversé la frontière l’après-midi du dimanche 26 avril 2020. Il se montre rassurant.
« Il n’y a rien à craindre parce que ces compatriotes ont été rigoureusement testés. Pas même un risque de contamination à 10%, sinon, elles seraient toutes mises en quarantaine. Encore que le suivi se poursuit dans leurs familles pour évaluer l’état de santé de chacun après 48h. Au moindre signe de la maladie, la personne pourra être isolée et envoyée en toute hâte au centre de traitement dans le cas échéant. Les résultats du contrôle de la température effectué au Rwanda ont été transférés au Sud-Kivu pour comparaison, et la conclusion s’est avérée apaisante».
Dans cet ordre d’idées, poussant plus loin l’enquête, il se fait remarquer que des centaines des congolais en provenance du Rwanda ont commencé à traverser dimanche 10 mai 2020 à la frontière Ruzizi 1. Sur la liste de l’ambassade de la RDC au Rwanda, les compatriotes autorisés à traverser sont au nombre de 160, peut-on lire sur sa note verbale.
Selon des sources dignes de foi, environ deux cent personnes venant d’autres provinces du Rwanda, et non la capitale, ne figurent pas sur cette liste de l’ambassade. En tout, les congolais qui traversent depuis le dimanche sont estimés à plus de trois cent personnes, témoigne Olivier MASEKA, un habitant de Bukavu qui habitait KAMEMBE, et qui a voulu se faire filmer pour exprimer son ras-le-bol.
Sur place, à l’entrée, l’on voit des personnes entassées attendant le contrôle de la température. Environ cent personnes ont pu regagner Bukavu dans les journées du dimanche et de lundi 11 mai, mais personne malheureusement n’a été mis en quarantaine. Beaucoup l’ont exigé craignant pour leur santé. Chose qui n’a pas été possible au motif que l’on ne saurait pas mettre toutes ces personnes en isolement pendant 14 jours alors que le Sud-Kivu n’a pas de budget pour cela, renseigne une source proche du gouvernement provinciale et la division provinciale de la santé. La peur de pouvoir importer le coronavirus au Sud-Kivu gagne de nombreux citoyens venus du Rwanda qui s’alarment à cause de l’incapacité de la province à les mettre en quarantaine pour s’assurer de leur réel état de santé.
Pire encore, le trafic migratoire semble évident à cette frontière. Des personnes en provenance du pays de Paul KAGAME bondés des passagers, dont les congolais et rwandais. traversent sans peine.
Comme on s’en souvient, quarante personnes, chauffeurs de leur état, ont été illicitement autorisées d’entrer en RDC par la frontière Ruzizi 1 en début du mois d’avril. Elles ont été mises en quarantaines avant d’être libérées quatorze jours plus tard. Un acte complaisant des services commis à la frontière qui a fait des vagues de panique dans l’opinion.
Pour mémoire, le Vice-Gouverneur, Marc MALAGO assurant l’intérim de son titulaire, avait pris la décision d’interdire les entrées et sorties aux frontières à dater du 20 mars 2020 dans l’objectif d’éviter la contagion de la maladie à coronavirus.
Encore du pain sur la planche pour l’autorité provinciale afin de rendre strictement effective cette résolution officielle qui vaut la santé des congolais au Sud-Kivu !
BADIBANGA POIVRE D’ARVOR