Sur ce site de l’avenue Bizimana, au quartier Panzi à Bukavu, seule la lumière tremblante des téléphones portables éclaire les silhouettes à la tombée de la nuit. Sur ce bout de colline calciné, plus de dix familles dorment à la belle étoile, roulées dans des couvertures poussiéreuses récupérées dans les décombres. Le sol est encore chaud, les murs noircis fument par endroits. Ici, les flammes ont dévoré tout ce qui faisait maison.
L’incendie a ravagé le quartier dimanche 23 novembre 2025, laissant derrière lui chaos et silence. Selon les premières constatations, tout serait parti d’une mauvaise installation électrique et de batteries défectueuses. Depuis, aucune aide humanitaire n’est arrivée. Pas même un sac de riz, ni un matelas.
« Je ne sais pas si nous sommes oubliés ? »
Au milieu des ruines, Alubati Sylve contemple ce qu’il reste de sa maison. Quelques tôles tordues. Une porte carbonisée. C’est tout.
« Nous avions essayé de dormir au même endroit incendié parce que nous n’avons reçu aucune aide, » raconte-t-il d’une voix lasse.
« Depuis cette situation, je n’ai jamais vu une personne venir nous assister. Pourtant ce n’était pas notre volonté. Je ne sais pas si nous sommes vraiment oubliés ? »
À quelques mètres, Aganze Mapatano Bientôt dénonce l’ampleur de la catastrophe humanitaire.
« Hier, nous avons dormi dans le terrain de Cidasa par manque de moyens. Nous avons voulu éteindre le feu, mais nous avons manqué le moyen. Il n’y a pas d’eau dans le quartier, pas même une voiture anti-incendie. La vie devient difficile. »
Une famille venue de Mwenga, aujourd’hui à la rue
Un père de trois enfants, qui a quitté les territoires pour chercher une vie meilleure à Bukavu, n’a désormais plus rien. Sa voix tremble alors qu’il montre ses enfants pieds nus sur les cendres.
« Je n’ai pas de familiers ici. Je viens de Mwenga. Je n’ai nulle part où aller. Mes enfants et ma femme se retrouvent sans habits ni chaussures. Je n’ai même pas un endroit où dormir. La vie devient celle des personnes mendiantes. »
Les victimes demandent de l’aide : couvertures, nourriture, vêtements, tout manque.
Les nuits sont longues, froides, injustes.
Si le drame de Bizimana choque, il n’est pas un cas isolé. Depuis plusieurs semaines, Bukavu et ses périphéries vivent une série noire d’incendies à répétition, malgré la saison de pluie.
En moins de 48 heures, entre samedi et lundi, plus de 70 maisons et deux écoles ont été ravagées dans deux autres sinistres majeurs à Bukavu et Mudusa.
Le président du noyau communal d’Ibanda, Murhula Machumbiko, a lancé un SOS aux ONG et aux autorités.

Vingt-quatre heures plus tard, un autre incendie éclate à Cirhagabwa, dans le groupement de Mudusa (Kabare). Là encore, la cause probable serait une installation électrique anarchique.
Des dizaines de familles dorment dehors, sans vivres ni biens essentiels.
Les élèves se retrouvent sans salles de classe.
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Deux incendies en quelques heures, des dizaines de familles jetées dehors, des écoles détruites, des quartiers traumatisés.
Les habitants pointent les installations électriques défectueuses, l’absence d’accès à l’eau, l’absence de véhicules anti-incendie, la lenteur des secours.
Les autorités locales appellent la population à éviter les raccordements anarchiques de l’électricité et à recourir à des électriciens qualifiés.
Mais pour beaucoup, c’est le quotidien qui est en cause :
la surcharge des maisons, le manque de contrôle, l’absence de prévention, et la pauvreté.
« Le feu a tout pris, mais pas notre espoir »
Sur les hauteurs de Bizimana, alors que le soleil se couche sur les décombres, une femme ramasse quelques tôles noircies pour protéger ses enfants du froid. Autour d’elle, les sinistrés s’organisent pour survivre, faute de secours officiels.
Le feu a réduit leurs maisons en cendres. Mais pas leur volonté de se relever.
A Panzi, Esther Rehema et Brigitte Furaha

