À Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, les marchés pirates continuent de proliférer le long des grandes artères de la ville, malgré l’ultimatum de trois jours lancé par les autorités de l’AFC-M23 pour libérer ces espaces publics. Sur le terrain, le constat reste inchangé : chaque soir, des vendeurs et vendeuses reviennent discrètement installer leurs marchandises à même le sol, défiant ainsi les mesures de délocalisation.
Depuis son arrivée au pouvoir à Bukavu en février 2025, l’administration de l’AFC-M23 avait promis de mettre fin à l’occupation anarchique des routes et trottoirs. Pour ce faire, elle a initié la construction du marché dit “de la Liberté”, dans la concession de la SNCC à Bondeko, censé accueillir les commerçants informels.
Mais ce projet peine à convaincre. Peu de vendeurs ont accepté de s’y installer, invoquant des raisons de sécurité dans cette zone considérée comme dangereuse, régulièrement marquée par des cas de vols et d’agressions.
La plupart de ces petits commerçants affirment ne pas avoir d’autre choix. Le jour, ils se tiennent à distance des grands axes par crainte d’arrestations ou de confiscation de leurs biens. La nuit, ils reviennent discrètement exercer leurs activités, exposés à la circulation dangereuse et aux opérations imprévisibles des agents de l’ordre.
« Quand le pain devient un luxe, chacun cherche un coin pour vendre quelque chose », confie un habitant rencontré sur l’avenue Patrice Lumumba, soulignant la détresse économique qui pousse ces vendeurs à braver les interdits.
Pour plusieurs observateurs, la persistance des marchés pirates à Bukavu illustre la crise socio-économique que traverse la population.
La mesure de délocalisation, pourtant saluée par une partie des habitants au départ, n’a pas produit les effets escomptés, faute d’accompagnement social et de sécurité adéquate dans les nouveaux sites de vente.
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Le vice-gouverneur M23 Dunia Masumbuko, à l’origine de la décision visant à éradiquer ces marchés, fait désormais face à une réalité complexe : concilier ordre public et survie économique.
Les habitants appellent les autorités à assurer la sécurité du marché Bondeko, à écouter les revendications des vendeurs ambulants et à trouver un compromis réaliste. Car à Bukavu, vendre au bord de la route n’est souvent pas un choix, mais une question de survie.
Séraphin Mapenzi

