Intervenons-nous

Jeune styliste et entrepreneur, Éric Ngangura Majaliwa, alias Maja Machine, milite pour une reconnaissance du métier de couturier comme art, passion et source d’emploi pour les jeunes.

Dans la ville de Bukavu, au Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo, un jeune entrepreneur entend révolutionner la perception de la couture. Éric Ngangura Majaliwa, plus connu sous le nom de Maja Machine, affirme haut et fort :

« La couture est un métier, pas une roue de secours ni un refuge pour les personnes les moins intelligentes, sans ambitions ni avenir dans la vie. »

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Âgé d’une vingtaine d’années seulement, il incarne une nouvelle génération de créateurs qui voient dans le stylisme une véritable voie professionnelle, artistique et sociale.

Titulaire d’un diplôme en pédagogie générale, Éric débute sa carrière en couture entre 2010 et 2012, d’abord comme apprenant. Mais c’est son entourage qui, en valorisant son style vestimentaire, révèle sa vocation de créateur. Il décide alors de faire de cette passion un métier, en ouvrant son propre atelier.

« Je suis un couturier mixte, je fais la couture pour dames et hommes. Je suis également styliste, modéliste en même temps vestimentaire », précise-t-il.

À la tête de l’entreprise Chironde Classic, il travaille aujourd’hui avec une quinzaine de collaborateurs, hommes et femmes confondus, et forme d’autres jeunes à la couture « dans toute sa diversité ».

Maja Machine se bat contre les stéréotypes sociaux qui dévalorisent la couture. Il dénonce une vision archaïque qui réduit ce métier à un plan B pour personnes sans qualification.

« Beaucoup de jeunes négligent notre métier, mais moi je me suis dit : quand on n’a pas de bonnes nouvelles, on se fait de bonnes nouvelles. L’atelier, ce n’est pas un lieu, c’est la personne. »

Pendant longtemps, selon lui, la couture a été considérée comme réservée aux femmes ou aux personnes âgées. Il veut renverser cette perception.

« Ce que je veux, c’est continuer de me battre dans cet univers qualifié de féminin. Car je crois qu’il n’y a pas de plus grands couturiers que des hommes. »

Jeune styliste et entrepreneur, Éric Ngangura Majaliwa, alias Maja Machine
Jeune styliste Maja Machine et Lafouine

Le rêve d’Éric est clair : faire de Bukavu une référence régionale en matière de couture et de style.

« Je projette d’avoir une très grande entreprise de mode, une maison qui portera la couture dans toute sa diversité, et qui deviendra une référence non seulement à Bukavu ou en RDC, mais dans le monde. »

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Mais ce rêve se heurte à plusieurs obstacles :

  • Le manque de reconnaissance du métier par la société, les parents et même les autorités.
  • L’absence d’espaces publics pour exposer les créations locales.
  • Les préjugés entretenus par certains anciens tailleurs, qui ont exercé sans rigueur, donnant une mauvaise image du métier.

« Ce n’est pas que les jeunes n’ont pas de talent ou de courage, mais les prédécesseurs dans le domaine ont donné une mauvaise image. Certains ont même peur d’écrire, et d’autres ont tendance à mépriser les clients. »

Malgré ces défis, Maja Machine a déjà engrangé plusieurs succès notables. En 2023, il conçoit une tenue pour le rappeur français La Fouine, portée lors du Festival du Rap (FestiRas) à Bukavu. Deux ans plus tard, en 2025, il décroche la 2 place au concours Made in Bukavu organisé par la Coopération Suisse.

Il devient également formateur dans le projet Promost de Swisscontact, tout en présidant le conseil général de son entreprise Chironde Classic.

« On est jeunes avec du talent, et comme on dit : l’avenir est dans nos mains. »

Éric lance plusieurs appels aux acteurs clés de la société :

  • Aux autorités : créer des espaces d’exposition, valoriser les talents locaux et soutenir les initiatives des jeunes.
  • Aux parents : ne plus décourager les enfants qui choisissent la couture.
  • Aux confrères couturiers : adopter propreté, discipline et professionnalisme.

« Être couturier n’est pas un métier pour les nuls. Ça demande beaucoup d’intelligence. Selon moi, c’est même le métier le plus difficile. Une personne qui veut vêtir le monde ne peut pas être elle-même sale. »

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Pour lui, la couture est un acte d’expression, de dignité et de transformation sociale. Et si aujourd’hui la mode congolaise veut briller, elle devra, à l’image de Maja Machine, oser défier les idées reçues, croire au travail et bâtir des rêves bien taillés.

Vinciane Ntabala

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