À l’occasion de la Journée mondiale de la télévision célébrée le 21 novembre de chaque année, plusieurs observateurs s’interrogent : les chaînes locales de Bukavu sont-elles en voie de disparition dans un paysage dominé par le satellite, la TNT et les réseaux sociaux ? Plusieurs journalistes locaux confirment une situation préoccupante : l’audiovisuel traditionnel de proximité se retrouve fragilisé par la transition numérique imposée depuis 2015, faute de moyens techniques et financiers.
Selon Justin Kyanga, le constat est sans équivoque.
« Le gouvernement, depuis juin 2015, a pris une mesure interdisant aux chaînes d’opérer en utilisant les matériels analogiques. Normalement, tout le monde devait déjà quitter l’analogique pour le numérique. »
Cette décision marque une rupture majeure. Le passage au numérique, explique-t-il, représente « le jour et la nuit » par rapport à l’analogique : meilleure qualité d’image, innovation, mobilité, possibilité de suivre la télévision depuis son téléphone, disparition des interférences autrefois fréquentes.
« Ce n’est plus comme le temps où il fallait orienter une petite antenne vers le nuage ou vers Karhale », ironise-t-il.
Un virage numérique que les chaînes locales ne parviennent pas à financer
Pour Omba Kamengele, le véritable problème réside dans le coût trop élevé de la télévision numérique terrestre (TNT), condition obligatoire pour exister dans le nouvel écosystème.
« Le problème a commencé lorsque le gouvernement a demandé à toutes les chaînes de s’abonner à la TNT. Cela exige beaucoup de moyens. Beaucoup de chaînes privées n’ont pas eu ces moyens. »
Il souligne que l’abonnement à la TNT donne ensuite accès au satellite, indispensable pour être visible à grande échelle et retransmettre des événements internationaux.
Or, faute de ce passage, les chaînes locales disparaissent progressivement de l’écran.
« À Bukavu, lors d’un match de football, beaucoup se demandent quelle chaîne va retransmettre l’événement, puisqu’aucune n’est sur satellite. »
Le numérique, un investissement lourd que les promoteurs n’assument pas
Justin Kyanga renchérit : « Investir dans une télévision numérique exige beaucoup de moyens que nos promoteurs n’ont peut-être pas. On ne peut plus travailler avec n’importe quelle caméra. »
Selon lui, seules quelques chaînes ont réussi leur migration, comme Hope Channel et RTNK, désormais disponibles sur Canal+.
Les autres demeurent « hors-jeu », piégées dans ce qu’il appelle « la télévision ancienne version ».
Pour Angélique Kasongo, la disparition progressive des chaînes locales n’est pas une fatalité, à condition d’adopter une politique volontariste.
« Le monde évolue, et nos chaînes ne peuvent rester les mêmes. Il faut promouvoir les chaînes locales et les intégrer dans les télévisions numériques, par exemple Canal+. »
Elle rappelle également le rôle crucial de la télévision.
« La télévision n’est pas seulement une boîte à images, mais un moyen d’informer, d’éduquer. Sa promotion doit être capitale. »
Un avenir incertain pour les chaînes locales de Bukavu
Tous les journalistes convergent : la transition numérique est inévitable, mais les chaînes de Bukavu manquent cruellement de ressources pour y faire face. Entre la fin de l’analogique, le coût d’accès à la TNT et au satellite, l’obsolescence des équipements et la concurrence féroce des plateformes en ligne, l’audiovisuel local traverse une crise profonde.
À moins d’un soutien financier ou de mécanismes d’intégration dans les bouquets numériques, les télévisions locales pourraient disparaître, laissant la place à des contenus extérieurs au détriment de la production locale, de la culture régionale et de l’information de proximité.

