Le système éducatif congolais vacille. Le retard chronique dans le versement des salaires des enseignants, désormais devenu une norme plutôt qu’une exception, menace la stabilité du calendrier scolaire à travers tout le pays. Cette crise salariale, qui s’étend et s’aggrave, expose les failles profondes de la gestion publique et plonge l’Éducation nationale dans une zone de turbulence préoccupante.
La Synergie des syndicats des enseignants, par la voix de son porte-parole Jean-Bosco Puna, citée par Radio Okapi, dénonce une situation intenable.
Les engagements pris par le Gouvernement prévoyaient le début des opérations de paie le 20 de chaque mois, une échéance systématiquement violée.
« Même pour se rendre à son poste de travail, cela pose un problème », fustige M. Puna, évoquant également la promesse non tenue d’un supplément salarial au quatrième trimestre.
Au-delà du simple retard, les syndicats parlent d’une rupture de confiance nourrie par des engagements non respectés et l’absence d’une véritable réforme salariale.
Sur le terrain, la crise se matérialise par des mouvements de protestation.
À Shabunda, dans le Sud-Kivu, les enseignants ont décrété depuis le 10 novembre une “semaine sans cours” pour exiger le paiement d’arriérés qui, pour certains, remontent à quatre mois. Une grève sèche est envisagée si aucune solution n’est engagée.
Joseph Zakatindi, président de l’Intersyndicale locale, dénonce une « discrimination » dans le processus de paie : certains enseignants ont été servis, d’autres laissés de côté en raison de leur affiliation bancaire.
D’après lui, le blocage se situerait au niveau de l’IFOD à Kinshasa, institution chargée d’acheminer les fonds, et non au niveau du Gouvernement central qui aurait, affirme-t-il, déjà effectué les virements.
Des plaintes similaires sont enregistrées dans le territoire voisin de Kalehe, preuve que le problème est national.
Au-delà des retards, les syndicats évoquent d’autres dysfonctionnements structurels.
La Synergie dénonce notamment :
- l’explosion des cadres organiques,
- des recrutements irréguliers,
- l’apparition de fausses mécanisations,
- un système miné par le favoritisme et la fraude salariale.
Ces irrégularités empêchent l’État d’obtenir une vision fiable des effectifs réels, rendant impossible une gestion budgétaire efficace.
Entre une machine administrative défaillante et des conditions de travail qui se dégradent, les enseignants — piliers du système — se tournent de plus en plus vers des stratégies de pression.
Et ce sont les élèves et le calendrier scolaire national qui pourraient en payer le prix le plus lourd.
L’appel du corps enseignant est sans ambiguïté : le temps des promesses est passé, place aux actes concrets.
Joseph Aciza

